Le lac Baïkal fait habituellement parler de
lui pour ses caractéristiques physiques et biologiques. Bientôt, il
sera connu pour son observatoire de grande taille en eaux profondes
permettant d’observer l’univers.
Au printemps dernier, les premières pierres du projet Baikal-GVD
(Gigaton Volume Detector) ont été déposées au fond du lac Baïkal par
un groupe de chercheurs russes. Plus exactement, les scientifiques
de l’Institut de recherche nucléaire (INR) et l’Institut unifié de
recherche nucléaire, le JINR, ont installé à plus de 1,3 km de
profondeur une première partie du futur détecteur, également appelé
télescope à neutrinos. Ce projet, dont les premières idées ont
émergé dans les années 1960 devrait être opérationnel d’ici 2020.
Le télescope consistera en une série de lignes comprenant plusieurs
modules optiques et mesurant plusieurs centaines de mètres de
longueur. D’ici 2020, ce projet sibérien devrait compter 12 grappes
pour définir un volume d’un demi km3. Une grappe regroupe
huit lignes, qui comptent chacune 12 modules espacés uniformément et
plongés entre 600 et 1300 m de profondeur. En mai, c’est la première
grappe, dénommée "Dubna", ville située au nord de Moscou où se
trouve le JINR, qui a été installée. Une seconde phase de
développement du projet, au-delà de 2020, aura pour but d’installer
15 grappes supplémentaires, faisant augmenter le volume total de
l’installation pour atteindre 1,5 km3.
Les objectifs de ce projet sont multiples. En observant la lumière
Tcherenkov, produite par les muons issus de l’interaction des
neutrinos de haute énergie dans la croûte terrestre, les chercheurs
espèrent comprendre et découvrir les premières étapes de l’évolution
de l’univers, le processus de formation des éléments chimiques, les
mécanismes d’évolution des étoiles massives et d’explosion des
supernovas, la matière noire et la composition du soleil.
Ce projet est réalisé dans le cadre d’une collaboration appelé
"Baïkal" et qui rassemble un grand nombre de partenaires
scientifiques russes et européens, regroupés autour des instituts
précédemment cités : l’Université d’Etat d’Irkoutsk, l’Université
Lomonossov d’Etat de Moscou, l’Université technique d’Etat de
Nijni-Novgorod, l’Université technique de la mer de
Saint-Pétersbourg, l’entreprise allemande Evologic, l’Université de
physique nucléaire de Rez en République Tchèque, l’Institut de
physique expérimentale et appliquée de l’Université de Prague et
l’Université de Bratislava en Slovaquie.
Les prédécesseurs
Ce n’est pas le premier projet de ce type à
être déployé dans les profondeurs du lac Baïkal. En 1993, un premier
télescope à neutrinos en eaux profondes avait été construit à 1,2 km
de profondeur. Baïkal-GVD fait miroir à d’autres projets de même
ampleur, dont ANTARES situé non loin de la côte française au large
de Toulon et opérationnel depuis 2008. IceCube, le plus grand
télescope fonctionnant depuis 2013, est le résultat d’une
coopération entre les Etats-Unis, l’Allemagne et la Suède. Il est
situé au large de la station arctique américaine Amundsen-Scott. Son
volume est d’un km3. En Europe, quarante-deux instituts
et universités, issus de douze pays différents, collaborent sur la
création en Méditerranée à l’horizon 2016-2017 du télescope KM3NeT,
qui sera localisé sur trois sites, dont celui d’ANTARES. KM3NeT doit
atteindre 5 km3.
La lumière Tcherenkov, ou effet
Tcherenkov, se traduit par une émission de lumière visible
lorsqu’une particule chargée se déplace dans un milieu donné
à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans ce
milieu. Le rayonnement émis de la particule réagit comme une
onde de choc. Par exemple, la décroissance de noyaux
radioactifs libère des électrons à des vitesses supérieures
à celle de la lumière dans l’eau. Cette décroissance en
cédant de l’énergie sous la forme d’une longueur d’onde
apparaît sous la forme d’une lumière bleue. |
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