Une équipe de scientifiques a démontré que
l’utilisation d’antidépresseurs pendant la grossesse augmente
considérablement le risque que le bébé soit atteint d’autisme. Une
conclusion obtenue grâce à l’étude de données relatives à plus de
145.000 grossesses.
L’utilisation d’antidépresseurs pendant la grossesse hausse
considérablement le risque que le bébé soit atteint d’autisme, vient
de révéler la professeure Anick Bérard, de l’Université de Montréal
et du CHU Sainte-Justine. Cette experte de renom international,
spécialiste de l’innocuité des médicaments pris durant la grossesse,
est arrivée à cette conclusion après avoir étudié les données
relatives à 145.456 grossesses.
"Les diverses causes de l’autisme demeurent incertaines, mais des
travaux ont démontré que la génétique et l’environnement pouvaient
tous deux représenter des facteurs de risque", explique-t-elle.
"Notre étude a permis d’établir que la prise d’antidépresseurs,
particulièrement les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine, les ISRS, pendant les deuxième et troisième trimestres
de la grossesse faisait presque doubler le risque d’autisme chez
l’enfant".
La Dre Bérard et ses collègues de l’Université de Montréal et du CHU
Sainte-Justine ont mené leur étude à partir de données de la cohorte
des grossesses du Québec et ils se sont penchés sur 145.456 enfants,
de leur conception à l’âge de 10 ans. En plus de renseignements sur
l’utilisation des antidépresseurs par la mère et le diagnostic
d’autisme chez l’enfant, les données englobaient un ensemble de
détails qui ont permis à l’équipe de quantifier les effets précis
des médicaments antidépresseurs. Par exemple, certaines personnes
sont génétiquement prédisposées à l’autisme par des antécédents
familiaux.Un risque accru de 87 %
L’âge de la mère et la dépression sont des
composantes potentiellement associées à l’apparition de l’autisme,
tout comme certains facteurs socioéconomiques telle la pauvreté, et
l’équipe a été en mesure de prendre tous ces éléments en compte. "Nous
avons défini l’exposition aux antidépresseurs comme 'au moins une
ordonnance d’antidépresseurs remplie pendant le deuxième ou le
troisième trimestre de la grossesse'. Nous avons choisi cette
période parce que c’est pendant celle-ci que le cerveau du bébé
franchit une étape cruciale de son développement", indique la
professeure. "Parmi tous les enfants sur lesquels portait
l’étude, nous avons ensuite retenu ceux chez qui une forme d’autisme
avait été diagnostiquée en vérifiant les dossiers médicaux faisant
état d’autisme infantile, d’autisme atypique, du syndrome d’Asperger
ou d’un trouble envahissant du développement. Enfin, nous avons
recherché une association entre les deux groupes d’enfants et nous
en avons trouvé une très importante : un risque accru de 87 %. Les
résultats sont demeurés inchangés lorsque nous nous sommes
uniquement penchés sur les enfants chez qui le diagnostic avait été
posé par des spécialistes tels des psychiatres ou des neurologues".
6 à 10 % des femmes enceintes sous
antidépresseurs
Ces conclusions revêtent une importance
capitale, puisque de 6 à 10 % des femmes enceintes se voient
actuellement prescrire des antidépresseurs pour soigner une
dépression. Dans l’étude de la Dre Bérard, 1054 enfants ont reçu un
diagnostic d’autisme (0,72 % de l’échantillon) à l’âge de 4,5 ans en
moyenne. En outre, l’incidence de l’autisme chez les enfants a
augmenté, passant de 4 pour 10 000 enfants en 1966 à 100 pour 10 000
enfants aujourd’hui. Bien que cet accroissement puisse être
attribuable à une détection améliorée et à des critères de
diagnostic élargis de ce trouble, les chercheurs estiment que des
facteurs environnementaux jouent également un rôle. "Sur le plan
biologique, il est plausible que les antidépresseurs engendrent
l’autisme s’ils sont utilisés pendant la période de développement du
cerveau du fœtus, puisque la sérotonine entre en jeu dans de
nombreux processus développementaux prénataux et postnataux, y
compris la division cellulaire, la migration des neurones, la
différenciation cellulaire et la synaptogénèse, soit la création des
liens entre les cellules du cerveau, précise Anick Bérard. Certaines
classes d’antidépresseurs comme les ISRS agissent en inhibant la
production de sérotonine, ce qui entrave la capacité du cerveau de
se développer entièrement dans l’utérus".
L’Organisation mondiale de la santé relève que la dépression
représentera la deuxième cause de décès en 2020, ce qui fait croire
aux chercheurs que les antidépresseurs continueront sans doute
d’être largement prescrits, y compris pendant la grossesse. "Notre
travail contribue à enrichir la compréhension des effets
neurodéveloppementaux à long terme, sur les enfants, des
antidépresseurs lorsqu’ils sont utilisés pendant la grossesse. Mieux
cerner les répercussions de ces médicaments est une priorité en
matière de santé publique, compte tenu de leur utilisation répandue",
conclut Anick Bérard.
Source principale :
Antidepressant Use During Pregnancy and the Risk of Autism Spectrum
Disorder in Children, Jama Pediatrics,
doi:10.1001/jamapediatrics.2015.3356.
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