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Une découverte récemment effectuée par des
chercheurs du CNRS permet de corréler l'autisme à une anomalie
physique située dans l'aire de Broca du cerveau humain, détectable
par IRM et présente dès l'âge de deux ans.
L'anomalie repérée consiste en un pli moins profond au niveau de
l'aire de Broca, une région du cerveau spécialisée dans le langage
et la communication, des fonctions altérées chez les patients
atteints d'autisme. Cette découverte pourrait aider au diagnostic et
à une prise en charge plus précoces de ces patients. Elle a été
rendue possible par les compétences en traitement d'imagerie
médicale de l'Institut de neurosciences de la Timone
(CNRS/Aix-Marseille Université) et par l'accès à une cohorte de
patients homogène, diagnostiqués très jeunes et ayant tous été
évalués selon le même protocole au Centre de ressources autisme
PACA.
Les troubles du spectre autistique sont un ensemble de troubles
neurodéveloppementaux (autisme typique, syndrome d'Asperger ou
encore trouble envahissant du développement non spécifié) qui
affectent principalement les relations sociales et la communication.
Ils sont associés à un développement anormal du cerveau. Les données
récentes en neuro-imagerie suggèrent notamment l'existence
d'anomalies dans le plissement du cortex cérébral (la formation des
circonvolutions à la surface du cerveau). Cependant, les mesures
classiques de neuro-anatomie avaient échoué, jusqu'à maintenant, à
mettre en évidence des marqueurs spécifiques de chacune de ces
troubles, et notamment de l'autisme typique.
Une anomalie probablement d'origine génétique
Les chercheurs de l'Institut de neurosciences de la Timone se sont
intéressés à un nouveau marqueur géométrique, appelé « sulcal pit ».
Il s'agit du point le plus profond de chaque sillon du cortex
cérébral. C'est à partir de ces points que se développent les plis
présents à la surface du cerveau. Ils sont donc mis en place très
tôt au cours du développement, probablement sous influence
génétique, ce qui en fait des indicateurs adaptés aux comparaisons
entre individus.
A partir de résultats d'IRM, les chercheurs ont observé les sulcal
pits chez 102 jeunes garçons âgés de 2 à 10 ans, classés en trois
groupes (enfants atteints d'autisme typique, enfants atteints de
trouble envahissant du développement non spécifié et enfants
dépourvus de troubles du spectre autistique). En comparant les trois
groupes, ils ont découvert que, dans l'aire de Broca (une région
connue pour être impliquée dans le langage et la communication), la
profondeur maximale d'un sillon était moindre chez les enfants
atteints d'autisme par comparaison aux deux autres groupes. De
manière intéressante (bien que contre-intuitive), cette atrophie
très localisée est corrélée aux performances de communication chez
le groupe d'enfant autistes : plus le sulcal pit est profond, plus
les compétences en termes de production de langage sont limitées.
Une détection précoce pour un meilleur traitement
Cette anomalie spécifique aux enfants atteints d'autisme pourrait
donc constituer un biomarqueur de la pathologie qui pourrait aider à
un diagnostic et à des prises en charge plus précoces, dès l'âge de
deux ans. En effet, à l'heure actuelle, l'autisme est diagnostiqué
sur la base uniquement de signes cliniques, à partir de
l'observation des enfants et d'entretiens avec leurs parents et le
diagnostic est posé en moyenne à 4 ans et demi en France.
Cette étude a aussi débouché sur une découverte concernant le
développement du cerveau. Alors que l'on pensait que le plissement
du cortex était achevé à la naissance, les chercheurs ont observé
que certains sillons (les plus superficiels) continuent à se creuser
avec l'âge. Et ce, de manière identique chez les enfants atteints
d'autisme et chez les autres. La recherche biomédicale peut donc
également nous éclairer sur la compréhension des mécanismes du
vivant.
Source principale :
Localized misfolding within Broca's area as a distinctive feature of
autistic disorder, Lucile Brun, Guillaume Auzias, Marine
Viellard, Nathalie Villeneuve, Nadine Girard, François Poinso, David
Da Fonseca et Christine Deruelle. Biological Psychiatry: Cognitive
Neurosciences and Neuroimaging, 12 janvier 2016. DOI :
10.1016/j.bpsc.2015.11.003. |
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