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Le Dr Harry
Cliff |
Au cœur de l'argumentaire de Harry Cliff, on
trouve ce qu'il nomme "les deux valeurs les plus dangereuses de
l'Univers". Des valeurs responsables de toute la matière, de la
structure de l'Univers et de toute forme de vie existante.
Dangereuses selon lui, car si seulement l'une d'entre elles était
légèrement différents, l'Univers serait entièrement vide… ou
n'existerait pas.
La force du champ de Higgs
Cette première valeur, quasiment inaccessible à la compréhension
humaine selon le chercheur, est la force du champ de Higgs, un champ
d'énergie invisible qui imprègne tout le cosmos.
Lorsque les particules, quelles qu'elles soient, interagissent avec
ce champ, elles acquièrent une masse qui détermine leur nature et
deviennent éventuellement, des protons, des neutrons ou des
électrons, éléments de base de la structure atomique.
Le champ de Higgs nous est connu suite à la découverte par les
physiciens du CERN, en 2012, d'une nouvelle particule élémentaire
appelée boson de Higgs. Selon les théoriciens, l'existence du boson
de Higgs est indissociable de la présence du champ de Higgs. Mais
quelque chose à propos de ce dernier continue de perturber les
physiciens.
Selon que l'on considère la relativité générale ou la physique
quantique, le champ de Higgs doit jouer un rôle précis déterminé par
l'une des deux théories. Pour rappel, la relativité générale
explique l'infiniment grand, tandis que la physique quantique
s'applique à l'infiniment petit.
Si l'on "désactive" le champ de Higgs, entendez par là qu'on ne le
prend pas en compte, celui-ci ne confère plus leur masse aux
particules et l'Univers cesse d'exister. Ou plutôt, il se dissout
dans le vide… Mais si au contraire on considère qu'il est actif, la
physique quantique lui confère une valeur gigantesque. Mais ce n'est
pourtant pas ce que les physiciens observent.
En réalité, selon Harry Cliff, le champ de Higgs est "légèrement"
actif. Sa valeur n'est pas de zéro, mais elle est plusieurs
trillions de trillions de fois plus faible que prédite par la
théorie. Une valeur tellement faible qu'elle serait très proche de
l'inexistant, mais cruciale, car une différence infime et on
n’aurait aucune structure physique dans l’univers. Une faiblesse
ridicule inexplicable pour l'instant, que les physiciens du CERN
espèrent résoudre par la découverte de nouvelles particules.
La force de l'énergie noire
Cette seconde valeur incarne ce que les physiciens ont appelé "la
pire prédiction théorique de l'Histoire de la Physique". Mesurée
pour la première fois en 1998 grâce au télescope spatial Hubble,
l'énergie noire est une force répulsive responsable de
l'accélération de la vitesse d'expansion de l'Univers. Actuellement,
l'ignorance est totale sur sa nature. Selon Harry Cliff, qui reste
cependant prudent, elle pourrait trouver sa source dans ce que l'on
appelle communément "l'énergie du vide".
En admettant que cela soit vrai, il doit alors être possible de
calculer la valeur que représenterait la totalité de l'énergie du
vide, et ainsi, la force représentée par l'énergie noire. Et bien
que les physiciens y soient arrivés, leur réponse pose un énorme
problème.
La force nécessaire pour induire l'accélération de l'expansion de
l'Univers telle qu'on l'observe présente un écart considérable avec
les meilleures estimations de l'énergie du vide. Selon Harry Cliff,
l'énergie noire devrait alors être 10 120 fois plus forte que ce que
peut représenter l'énergie du vide. Une valeur tellement titanesque
qu'on ne peut l'imaginer, plusieurs trillions de trillions de
trillions de fois plus grande que le nombre d'atomes composant
l'Univers. Une contradiction énormes, certes, mais rassurante. Car
attribuer une telle valeur à l'énergie noire lui conférerait une
telle force répulsive qu'elle déchirerait instantanément l'Univers
au niveau atomique (ce que les physiciens appellent le Big Rip).
Néanmoins, le problème reste très frustrant car il rend impossible
l'utilisation des données actuelles pour mesurer la force de
l'énergie noire qui cadrerait à la fois avec la théorie et
l'observation.
Des questions à jamais sans réponse
Selon Harry Cliff, il est possible de répondre à ces questions
frustrantes, mais sous réserve de ne jamais pouvoir le prouver. Si
nous pouvions confirmer que l'Univers est en réalité un multivers
composé de milliards d'Univers en parallèle, nous pourrions
comprendre l'étrangeté des valeurs actuelles. Il deviendrait alors
plausible que l'énergie noire ne déchire pas l'Univers grâce au
concept de multivers, et on pourrait aussi donner un sens à la
faiblesse du champ de Higgs.
Pour en arriver là, les physiciens devraient encore découvrir de
nouvelles particules qui permettraient de démontrer des théories
encore plus radicales, telle la théorie des cordes qui prouverait
l'existence du multivers.
Le chercheur conclut en affirmant que selon lui, si les physiciens
ne trouvent rien dans les 2 ou 3 années qui viennent, nous pourrions
entrer dans une nouvelle ère de la physique. Une ère ouverte à des
caractéristiques étranges de l'Univers que nous ne pourrions pas
expliquer. Une ère où nous posséderions des indices que nous vivons
dans un multivers, mais sans jamais pouvoir le prouver. Une ère où
nous serions définitivement incapables de répondre à la question :
"Pourquoi y a-t-il autre chose que le néant ?".
Jean Etienne
Source principale :
Have we reached the end of physics ? (TED Ideas worth
spreading, décembre 2015).
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