13 janvier 2016

 

OGM : quand la nature se révolte

 
En un peu plus d'une décennie, près de 30.000 hectares de terres cultivables ont été abandonnées par les agriculteurs rien qu'en Géorgie, un cancer vert qui s'étend maintenant à la Caroline du Sud et du Nord, l’Arkansas, le Tennessee et le Missouri et menace près d'un million d'hectares de cultures. En cause : un gène de résistance aux herbicides ayant fait le grand bond entre la graine qu’il est censé protéger et l’amarante, une plante indésirable, envahissante… et indestructible.

En 2004, voici donc une bonne dizaine d'années, un agriculteur de Macon, en Géorgie (USA) procédait à l'épandage habituel de Roundup, un herbicide total au glyphosate produit par Monsanto, sur son champ fraîchement ensemencé de graines de soja transgénique provenant de la même firme et vendues sous la marque Roundup Ready. Ces semences ont reçu un gène de résistance au Roundup, et l’argument publicitaire de la firme repose sur le moindre coût représenté par le traitement d’une culture ainsi protégée contre un herbicide total auquel elle est devenue insensible, plutôt que l’application d’un herbicide sélectif, bien plus cher à l’achat.

Cependant, cela ne se passe pas comme d'habitude et notre cultivateur remarque, quelques jours plus tard, que certaines pousses d’amarante (amarante réfléchie, ou Amaranthus retroflexus L.), une plante parasite, n’en semblent pas incommodées. Il ne se doute pas encore qu'un véritable cauchemar vient de commencer, selon un scénario que ne réfuteraient pas les plus grands auteurs de science-fiction…

Depuis, la situation n'a pas cessé d'empirer. Rien qu’en Géorgie, 50.000 hectares sont atteints et nombre d’agriculteurs, après avoir tenté d'arracher les mauvaises herbes à la main et y avoir renoncé (l'amarante possède des racines très profondes et produit annuellement 12.000 graines), se sont résignés à abandonner leurs terres. Rien que dans cet Etat, plus de 30.000 hectares sont ainsi devenus impropres à toute culture.
 
 

 
Amaranthus retroflexus surprises dans un champ cultivé.
 
Comment en est-on arrivé là ?

Immédiatement, un groupe de scientifiques du Centre for Ecology and Hydrology, organisation britannique à Winfrith (Dorset), établissait qu'il y avait bien eu transfert de gènes entre la plante OGM et certaines herbes indésirables, comme l’amarante. Un tel risque avait déjà été envisagé, mais considéré, sinon comme impossible, négligeable. En effet, ce phénomène n'avait jamais pu être détecté lors d'essais en laboratoire. Mais pour Brian Johnson, généticien et chercheur britannique spécialisé dans les problèmes liés à l’agriculture, la cause ne faisait aucun doute. "Il n’est nécessaire que d’un seul évènement (croisement) réussi sur plusieurs millions de possibilités. Dès qu’elle est engendrée, la nouvelle plante est titulaire d’un avantage sélectif énorme, et elle se multiplie rapidement. L’herbicide puissant utilisé ici, à base de glyphosphate et d’ammonium, a exercé sur les plantes une pression énorme qui a encore accru la vitesse d’adaptation", martèle-t-il.

L’amarante vous salue bien…

En attendant, l’amarante "mutante" se porte bien et poursuit sa conquête. Chaque plante produit en moyenne 12.000 graines par an, et celles-ci peuvent rester en état de vie suspendue de 20 à 30 années avant de germer lorsque les conditions lui sont favorables, ce qui lui fournir une réserve considérable devant toute tentative humaine de contrer ses plans…

Stanley Culpepper, botaniste à l’université de Géorgie, annonce que de nombreux agriculteurs américains sont retournés à l'agriculture traditionnelle, aidés en cela par les autorités qui n'ont pas hésité à déclarer certains territoires "OGM free", opposant ainsi une obligation légale leur permettant de rompre leur contrat avec la firme Monsanto, auprès de laquelle ils s'étaient engagés à se fournir en exclusivité.

Un manque flagrant de statistiques et d’informations

On doit cependant déplorer le manque de données statistiques précises permettant de quantifier la relation entre semences OGM, nombre de plants résistants apparus et quantité d’herbicide utilisé. En effet, en 2008, alors que la proportion de terres devenues inexploitables commençait à alarmer la population et les media, le gouvernement des Etats-Unis a pratiqué d’importantes coupes budgétaires qui ont contraint le Ministère de l’Agriculture à réduire, puis arrêter certaines de ses activités. Et entre autres, le programme de recherches statistiques sur les pesticides et les risques associés aux produits chimiques sur des cultures comme le coton, le maïs, le soja et le blé, qui est tout simplement passé à la trappe, au grand dam des scientifiques.

"Je ne serais pas surpris que Monsanto ait mené une campagne de lobby discrète pour mettre fin au programme", n'hésite pas à accuser Bill Freese, du Centre pour la Sécurité alimentaire des Etats-Unis (USDA), marquant publiquement son mécontentement.

Jean Etienne

 

 

 
Floraison d'amarante.
 

 

 
 
 

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