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Les plantes à fleurs plantées
expérimentalement à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS)
se sont complètement flétries puis ont fané, sans que les
astronautes aient pu remédier à la situation.
L'histoire peut paraître anodine, mais elle ne l'est pas. Car non
seulement la culture en milieu spatial pourrait être la clé de
voyages de longue durée, mais elle traduit aussi les nombreuses
difficultés, et même les nombreuses inconnues que cette science
pourtant plusieurs fois millénaire présente encore.
Veggie, une ferme spatiale
L'installation Veggie consiste en une chambre de croissance en
apesanteur, livrée à bord de l'ISS le 18 avril 2015 par une capsule
Dragon de la société privée SpaceX. Après réception, elle a été
intégrée au laboratoire européen Columbus. |
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Les plantes qui y sont cultivées à titre
expérimental - il n'est pas encore question de production à but
alimentaire, du moins comme objectif principal - croissent sous un
éclairage contrôlé et optimisé fourni par des LEDs rouges, bleues et
vertes, et disposent aussi d'un dispositif complexe assurant
aération, chauffage, éclairage, engrais et irrigation. Une première
tentative, consistant à faire pousser six pieds de laitue romaine,
s'était conclue par un succès.
En novembre dernier, Scott Kelly, commandant de l'ISS, a entrepris
la culture de six pieds d'une plante ornementale à fleurs, de la
famille des zinnias. Celles-ci auraient dû fleurir avant le passage
du nouvel-an. Mais vers la fin décembre, les plantes ont commencé à
dépérir, leurs feuilles se flétrissant et les boutons floraux
stoppant leur développement. Depuis, elles ont péri.
Autopsie d'une fleur
Ce triste résultat, alarmant sur le plan scientifique, a fait
l'objet d'une analyse par Trent Smith, directeur de l'expérience,
qui estime que la mort des plantes aurait été provoquée par un
arrosage trop fréquent. En apesanteur en effet, l'eau ne s'écoule
pas, reste accrochée aux feuilles dont elles empêchent la
respiration et provoquent l'étouffement. Autrement dit, la plante se
noie. Diagnostic d'ailleurs confirmé par l'apparition sur les
feuilles, remarquée par Smith, d'une pellicule de cire d'aspect
étrange, qui était en fait un champignon.
A cette vue, le chercheur avait bien conseillé à Kelly d'augmenter
la vitesse des ventilateurs afin de favoriser l'évaporation, mais il
était trop tard et le champignon a poursuivi son œuvre…
Selon Trent Smith, l'une des causes de l'échec était que
l'expérience était strictement contrôlée du sol, Kelly ne pouvant
pas indépendamment soigner les fleurs sans violer les règles de
Veggie. Désormais, la NASA a officiellement nommé l'astronaute
"commandant" de Veggie, ce qui lui permet d'assurer la gestion de la
ferme spatiale en toute indépendance.
Les fleurs fanées serviront tout de même la science: Kelly les a
congelées à -80°C dans un des réfrigérateurs de l'ISS, et elles
accompagneront une équipe d'astronautes à l'occasion d'un retour au
sol. Ainsi, cet échec servira tout de même la science en permettant
de comprendre comment une moisissure agit dans l'espace, et quelles
sont les éléments déclencheurs de son apparition dans l'espace,
outre une humidité trop abondante. Données qui s'avéreront
certainement très utiles lors de la mise au point de missions au
long cours, et notamment d'expéditions vers Mars.
La prochaine expérience est d’ores et déjà prévue après le cinquième
réapprovisionnement de SpaceX. Elle utilisera Veggie pour faire
pousser des arabidopsis, des petites plantes à fleurs ressemblant à
la moutarde et au chou. L’arabidopsis est d’un intérêt particulier
pour les biologistes car son génome est entièrement connu depuis
2000. Toute modification dans son génome à cause de l’environnement
spatial serait donc facilement observable.
Jean Etienne
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