11 janvier 2016

 

Quand la religion fait dérailler la science

 
Le deuxième Congrès scientifique annuel Indien était organisé en ce début d'année dans la ville de Myusuru. Si de nombreux discours ont mis en valeur la science et les avancées du pays, quelques présentations ont complètement déraillé, selon les termes employés par les chercheurs dépités.

Alors qu'un discours scientifique, à l'instar d'une publication, devrait se baser sur une procédure rigoureuse, expérimentable et reproductible, ceux présentés par certains "chercheurs" étaient littéralement infectés par la religion et des traditions qui n'avaient visiblement rien à y faire.

Ainsi, le 5 janvier dernier, 12.500 participants ont été stupéfaits d'écouter un exposé prétendument scientifique sur les multiples bienfaits apportés par le fait de souffler dans une conque. L'auteur, un botaniste (?) nommé Rajeev Sharma, assimilant psychologie et approche indigène, affirmait que le fait de souffler quotidiennement dans ce coquillage pouvait guérir les maladies mentales, ainsi que les affections touchant à la prostate, le rectum et le diaphragme. A peine revenus de leur surprise, les scientifiques médusés l'ont ensuite entendu affirmer que l'effet de la conque dans leur sang allait transformer leurs cheveux blancs en cheveux noirs.
 
 

 
Messieurs, en soufflant dans cette conque, vous éviterez des problèmes de prostate et vos cheveux redeviendront noirs. Enfin, selon certains scientifiques indiens...
 
Les membres de l'assemblée se sont séparés en se disant qu'ils avaient juste eu affaire à un hurluberlu qui avait juste bu un peu trop de whisky… Mais le lendemain, un document officiel leur a été remis, affirmant le plus sérieusement (scientifiquement ?) du monde que le dieu Shiva était le plus grand environnementaliste de la Terre, puisqu'il a créé les eaux purifiées du Gange. L'auteur de ce papier, le botaniste Akhilesh Pandey (décidément, la science indienne a un problème avec les botanistes…), n'a pu se présenter lui-même au Congrès. Mais il n'a pas hésité à écrire que toutes les avancées scientifiques modernes existaient déjà dans les anciens textes indiens (on a déjà entendu ça ailleurs…).

Venkatraman Ramakrishnan, lauréat du Nobel et biologiste à l’université de Cambridge a déclaré que le premier congrès était déjà un véritable cirque et qu’il a juré de ne jamais plus participer à un congrès scientifique indien. P. M. Bhargava, biologiste et fondateur du Centre for Cellular and Molecular Biology a ajouté que cette seconde édition est encore pire que la précédente et que c’est juste devenu un axe de propagande pour le gouvernement et pour des pseudo-scientifiques.

Le gouvernement indien doit montrer l’exemple, mais c’est plutôt mal barré. Le premier ministre indien, Narendra Modi, avait déjà surpris la communauté scientifique en 2014 en affirmant que la tête d’éléphant du Dieu Ganesh était une preuve scientifique irréfutable que la chirurgie esthétique avait été inventée en Inde il y a plusieurs millénaires. Et à l'occasion du congrès de l’année dernière, un pilote à la retraite converti en "scientifique" n’avait pas hésité à affirmer que des jumbo-jets équipés d’anciens systèmes radar avaient effectué des voyages interplanétaires il y a plus de 7000 ans.

Décidément, la "science" réserve bien des surprises…

Jean Etienne

Source principale :

Indian scientists denounce presentations at annual congress (Science, DOI: 10.1126 / science.aae0205, by Shruti Ravindran).

 
 

 
Dans l’hindouisme, Ganesh est le dieu qui supprime les obstacles. Il est aussi le dieu de la sagesse, de l’intelligence, de l’éducation et de la prudence, le patron des écoles et des travailleurs du savoir. Reconnaissable à sa tête d’éléphant, il est sans doute le dieu le plus vénéré en Inde et son aura touche même toute l’Asie. Il est le fils de Shiva et Pârvatî, l’époux de Siddhi (le Succès), Buddhi (l’Intellect) et Riddhî (la Richesse).
Selon la légende, ayant été décapité, sa tête aurait été remplacée par celle d'un éléphanteau.
 

 

 
 
 

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