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6 janvier 2016 |
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Découverte d'une
nouvelle espèce d'hominidés en Chine |
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La découverte fera date. Des ossements
retrouvés dans le sud-ouest de la Chine pourraient appartenir à une
nouvelle espèce d'êtres humains qui aurait coexisté avec H. sapiens
et Neandertal jusqu'il y a au moins 14.000 ans. Si la découverte se
confirme, elle pourrait bouleverser tout ce que nous savons sur
l'évolution de notre espèce.
Un feu illuminait l’arrière de la cave. Un groupe de personnes
mangeait du chevreuil, du porc-épic et de la loutre. Ensuite, un
homme a pris un os qui brulait dans le feu, l’a brisé en deux et il
en a sucé la moelle. Il a ensuite peint minutieusement l’os brisé
avec de l’argile rouge et il l’a enterré dans la grotte. Il a
pratiqué ce rituel parce que l’os brisé appartenait à une autre
espèce d’humain. Il a partagé ses forêts, ses grottes et même son
lit avec cette nouvelle espèce.
Un fémur très étrange
C’est un scénario possible quand on voit les découvertes
controversées provenant de deux grottes dans le sud-ouest de la
Chine. Si cela se confirme, alors cela bouleverserait la
compréhension de l’espèce humaine dans son ensemble. Parmi les
découvertes, on a une espèce d’humain primitif qui ressemble à
l’Homo Habilis et l’Homo Erectus. Ces 2 espèces ont vécu il y a 2
millions d’années, mais les ossements dans cette grotte datent
seulement de 14.000 ans selon Darren Curnoe de l’Université
de New South Wales à Sydney, qui dirige l'équipe de recherches.
Cette découverte concernerait les plus récentes espèces d’humains
qui se sont éteintes.
L’une des pièces les plus excitantes est un fémur hominien découvert
en 1989 dans la grotte Muladong dans le sud-ouest de la Chine avec
d’autres humains et des ossements d’animaux. Il a été démontré que
cet os a été brulé dans un feu utilisé pour cuire de la nourriture,
et il possède des marques correspondant à la boucherie pour la
consommation. Il a aussi été brisé de sorte qu’on puisse accéder à
sa moelle.
Et de manière inhabituelle, il a été peint avec de l’argile rouge,
de l'ocre, souvent associée aux rites d’enterrement. Même si de
nombreux os résultant de repas ont été découverts dans la grotte,
seul l’os humain a été peint. Il est difficile de dire si celui-ci a
été cannibalisé par l’Homo Sapiens dont on a aussi trouvé les restes
dans la grotte selon Curnoe, mais toutes les preuves pointent vers
cette conclusion.
Une nouvelle espèce humaine proche des premiers Homo
Mais les choses sont devenues intéressantes lorsqu’on a tenté
d’identifier l’os. Les résultats montrent clairement que le fémur
ressemble à celui des humains archaïques selon Curnoe. Mais le
sédiment entourant la découverte date juste de 14.000 ans. L’axe de
l’os est très aigu et il a une couche externe mince, mais les
plaques sont épaisses dans la couche supérieure. On aperçoit aussi
une entaille où le muscle s’est joint à l’os et celle-ci est de plus
grande dimension que celle des humains modernes.
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A gauche, le fémur
nouvellement dévouvert, comparé à un fémur moderne, à droite. |
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Ces caractéristiques suggèrent que cette espèce
d’humain marchait différemment selon Curnoe. Et en se basant sur la
taille de l’os, Curnoe estime que cet humain adulte a pesé aux
environs de 50 kg, ce qui est bien inférieur aux hommes de l’ère
glaciaire. "Quand vous mettez toutes les preuves ensemble, alors
vous avez affaire aux premiers membres de l’Homo", selon Curnoe.
"Et si on peut confirmer la découverte, alors cela va
révolutionner toute l’évolution humaine".
À part l’homme de Florès qui a été confiné dans une île indonésienne
il y a 18.000 ans, les autres humains archaïques sont les
Dénisoviens et les Neandertaliens. Ces derniers se sont éteints
après que les Homo Sapiens soient arrivés sur leurs terres il y a
40.000 ans. Et c’est un vrai casse-tête selon Curnoe. Car son jeune
âge montre que cet humain primitif a pu partager les terres avec les
humains modernes durant le développement de l’agriculture chinoise.
La grotte Loglin
De meilleures preuves pourraient sortir de la grotte Loglin, située
à quelques centaines de kilomètres, où un autre gisement d'os
incluant entra autres un crâne complet a été mis au jour dans les
années 1979. Curnoe et Ji Xueping du Yunnan Institute of Cultural
Relics and Archaeology en Chine ont réanalysé ces os en 2012.
Or, l'expertise des os faciaux et du crâne les a conduits à estimer
qu'ils appartiennent à un hybride humain, composé de notre espèce et
d’une autre, plus ancienne. Cette dernière pourrait être celle à
laquelle appartenait le fémur qui a été peint. Ces os de la seconde
grotte datant de 10.500 ans nous transportent donc approximativement
à la même période, ce qui confirmerait cette coexistence
interraciale il y a dix millénaires. D’autres ossements, découverts
dans la grotte Maludong, présentent des trous pratiqués
artificiellement dans leur partie supérieure, suggérant une
utilisation comme récipient pour transporter et boire du liquide.
Pour Curnoe et ses collègues, ces indices montrent que l’Homo
Sapiens a vécu et s'est accouplé avec un humain archaïque dont
l'espèce reste encore à décrire, qu’il a pratiqué du cannibalisme
sur lui et qu’il a utilisé les os provenant de sa descendance comme
des ustensiles. Seule la découverte d'ADN pourra apporter une
certitude, mais celui-ci a été fortement dégradé par la brulure et
le climat tropical.
Jusqu'il y a peu, la totalité des scientifiques pensaient que notre
lignée avait évolué en un endroit précis d'Afrique, puis que nous
avions conquis le reste de la planète en remplaçant les autres
espèces sans aucune interaction biologique. Mais depuis les
découvertes récentes sur l'hybridation, cette théorie a été
complètement détruite. On sait aujourd'hui que l’homme moderne s’est
accouplé avec les Neandertal et les Denisoviens, dont nous portons
encore en nous une partie des gènes. Et d'encore combien d'autres
espèces insoupçonnées ?
Jean Etienne
Source principale :
A Hominin Femur with Archaic Affinities from the Late Pleistocene of
Southwest China (PLOS One, 17 décembre 2015, 2015. DOI :
10.1371/journal.pone.0143332).
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Fémur MLDG 1678:
(A) Vue antérieure. (B) Vue en section par CT-scan. (C) Vue
postérieure. (D) Tranche CT-scan en niveaux de gris (à
gauche) ainsi qu'une représentation en densités de couleurs (à
droite). (E) Vue supérieure en soulignant le contour général et la
surface supérieure du grand trochanter (partie antérieure à gauche,
partie latérale en haut). (F) CT-scan tranches transversales en
niveaux de gris (à gauche) et carte de densités de couleurs (à
droite). (G) Vue médiale. (H) Tranches CT-scan en niveaux de gris (à
gauche) et carte de densités de couleurs (à droite). (P = plâtre
ajouté en 1989 lors d'une restauration). |
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