Le serpent se mord la queue…
En pratique, la fabrication des piles à
combustible reste complexe et coûteuse, notamment à cause de la
quantité non négligeable de platine nécessaire (servant de
catalyseur afin d'accélérer le processus) et au coût des membranes
échangeuses d'ions séparant les deux électrodes. De plus,
l'hydrogène n'existe en grande quantité sur Terre que combiné à
l'oxygène (H2O, c'est-à-dire l'eau), au soufre (sulfure
d'hydrogène, H2S) et au carbone (combustibles fossiles de
types gaz naturel ou pétroles), et ne peut être isolé que par
catalyse, c'est-à-dire en utilisant une quantité non négligeable
d'énergie électrique. De l'électricité pour produire de
l'électricité, le serpent se mord donc la queue…
Afin de déterminer si cette solution, présentée comme écologique,
peut tenir la route, une équipe internationale de scientifiques
placée sous la direction de l'Empa
(Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche, ou
Eidgenössische Materialprüfungs und Forschungsanstalt), en Suisse, a
produit leur écobilan, lequel reste très… relatif.
Leur conclusion est claire : l'utilisation des piles à combustible
sur les voitures n'est écologiquement judicieuse que si elles
utilisent de l'hydrogène produit à partir de sources d'énergie
renouvelables. Car cela n'a aucun sens de se brancher sur le réseau
de distribution électrique pour produire de l'hydrogène par
électrolyse de l'eau et l'utiliser pour faire le plein de ces
voitures. Avec cette méthode, les émissions de CO2 par
kilowatt/heure sont beaucoup trop élevées.
Réduire la pollution automobile par les piles à combustible ?
Aucune chance !
L'hydrogène industriel est aujourd'hui produit en majeure partie à
partir de gaz naturel, mais cela ne fait qu'ajouter une étape
supplémentaire à la production du vecteur d'énergie et n'apporte
aucun avantage écologique, au contraire même, puisque nos voitures à
moteur à combustion interne produisent encore moins de pollution.
Et la comparaison écologique avec les actuelles voitures électriques
tombe aussi à plat. En effet, il faut tout d'abord produire de
l'hydrogène avec de l'électricité, puis cet hydrogène est ensuite
utilisé sur la voiture pour produire de nouveau de l'électricité,
induisant un effet désastreux sur le bilan énergétique total. En
définitive, le conducteur qui utilise directement ce même courant
pour charger la batterie de sa voiture électrique roule plus
économiquement aussi plus écologiquement.
Dominic Notter et ses collègues illustrent parfaitement les
différences entre les divers types de motorisation par des
comparaisons. Dans cet exemple, on considère une petite voiture
équipée d'un ensemble moteur délivrant une puissance de 55 kW, ainsi
que le prix moyen de l'énergie électrique en Europe.
Le résultat est sans appel : avec une consommation supposée de 6,1
l/100 km, la petite voiture à essence présente le meilleur bilan
énergétique après avoir parcouru 150.000 kilomètres. Elle est suivie
par le véhicule similaire à moteur électrique classique, avec une
charge environnementale légèrement supérieure comparable à une
consommation d'essence de 6,4 l/100 km. Quant à la voiture équipée
de piles à combustible utilisant de l'hydrogène produit à partir
d'électricité provenant du réseau, son bilan est catastrophique
puisqu'il équivaut, dans les mêmes conditions, à celui d'une voiture
de sport luxueuse consommant 12,1 l/100 km.
Un espoir subsiste
Dominic Notter indique toutefois que ce bilan pourrait être
totalement inversé si l'hydrogène était produit au moyen
d'électricité provenant de sources d'énergie renouvelable, comme
l'éolien ou le solaire. "A l'avenir nous pourrions conduire des
voitures à pile à combustible qui utiliseraient de l'hydrogène
produit avec l'énergie solaire", indique l'étude. "La voiture
«zéro émissions» serait alors devenue réalité. En même temps, on
pourrait trouver dans les sous-sol de nos habitations des petites
centrales de cogénération utilisant elles aussi la technologie de la
pile à combustible pour transformer le gaz naturel et le biogaz en
électricité et produire encore «en passant» de la chaleur pour le
chauffage du bâtiment".
Et de préciser que si cet objectif peut être atteint, la voiture à
pile à combustible deviendra réellement concurrentielle, car sa
fabrication consomme moins de ressources, son rayon d'action est
beaucoup plus important que celui des véhicules électriques
traditionnels et qu'une recharge en hydrogène ne prend pas plus de
temps qu'un plein d'essence traditionnel.
Le chercheur indique aussi que les piles à combustible pourraient
devenir une technologie répandue si, dans le futur, l'électricité
excédentaire produite à partir de l'énergie éolienne et solaire
pouvait être stockée sous forme d'hydrogène et s'utiliser pour le
chauffage domestique et la mobilité. Actuellement les centrales
éoliennes sont tout simplement arrêtées lorsqu'il y a un excédent de
courant sur le marché. Une énergie écologique qui se perd donc sans
être utilisée, à la grande joie des pétroliers…
Jean
Etienne
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