Les premières mesures des mouvements de
Mercure effectuées depuis une sonde spatiale révèlent de nouvelles
données sur la composition interne de la planète la plus proche du
Soleil, et de ses interactions avec les autres corps planétaires.
Contrairement à toutes les prévisions, Mercure ne tourne pas
régulièrement autour de son axe, mais subit de nombreuses
fluctuations de sa vitesse de rotation au cours d'un cycle de 88
jours, qui représente une année sur la planète. En effet,
l'attraction gravitationnelle que notre étoile exerce sur Mercure
accélère ou ralentit sa vitesse de rotation selon l'endroit où la
planète se trouve le long de son orbite particulièrement elliptique,
donc de sa distance au Soleil.
Les scientifiques peuvent utiliser les mesures de la rotation de
Mercure et de ses librations afin d'en déduire des informations sur
l'intérieur de la planète, annonce Alexander Stark, astrophysicien
du
German Aerospace Center à l'Institute
of Planetary Research in Berlin, auteur de l'étude.
Messenger, septième mission du programme Discovery de la Nasa, était
une sonde automatique qui est restée active en orbite autour de
Mercure du 18 mars 2011 au 30 avril 2015, date à laquelle, carburant
épuisé, elle a été volontairement précipitée à la surface de la
planète où elle s'est écrasée. Avant cela, les scientifiques
possédaient déjà des données assez précises sur les mouvements de
Mercure, mais les nouvelles mesures fournies par la sonde durant les
quatre années de sa mission, les premières prises depuis l'orbite,
offrent une nouvelle façon de mesurer les oscillations de la
planète. Et elles sont surprenantes.
Les prévisions bousculées
En effet, les nouvelles mesures révèlent que Mercure tourne sur son
axe 9 secondes plus rapidement que ce qui avait été précédemment
calculé. "Ce n'est pas une énorme différence, mais elle est
tout-à-fait inattendue", déclare Jean-Luc Margot, astrophysicien
de l'Université de Californie à Los Angeles et co-auteur de l'étude.
Neuf secondes, c'est très peu en effet si on les rapporte aux 88
jours d'une rotation complète, mais il faut savoir que Mercure, en
résonnance avec le Soleil, tourne trois fois sur son axe lorsqu'elle
accomplit deux révolutions autour de notre étoile. Une régularité de
métronome, que ces 9 secondes de décalage suffisent à mettre à mal
en révélant un comportement de rotation beaucoup plus complexe.
Selon les scientifiques, cette différence est à imputer à...
Jupiter, et plus précisément à l'action que la force de gravitation
de la planète géante exerce sur Mercure au cours de son orbite
parcourue en 12 années autour du Soleil. En effet, cette force
d'attraction est suffisante pour modifier presqu'insensiblement la
distance entre Mercure et le Soleil, mais suffisamment pour avoir
une légère influence sur son spin, c'est-à-dire sa vitesse de
rotation. Cet effet pourrait être la cause de la légère augmentation
de cette vitesse de rotation observée de Mercure sur son orbite
durant l'étude, et aussi provoquer son ralentissement à d'autres
moments. Si cette théorie se confirme, accélérations et
ralentissements se compensent donc, et l'effet de résonnance est
préservé !
Le ventre de Mercure
Ces nouvelles mesures apportent aussi de nouvelles connaissances sur
la composition interne de la planète. Alors qu'elle parcourt son
orbite elliptique en s'éloignant du Soleil, la vitesse de rotation
de Mercure ralentit, avec un décalage de 460 mètres pour un point
donné au niveau de l'équateur, décalage qui se compense
automatiquement lorsque la planète se rapproche ensuite de notre
étoile.
Mais cette valeur a aussi permis de modéliser l'intérieur de
l'astre. En effet, les modèles simulés sur ordinateur montrent que
cette différence de vitesse de rotation est deux fois plus
importante que si la planète était entièrement solide. Cela confirme
la théorie selon laquelle Mercure renferme un noyau solide entouré
d'un manteau liquide en fusion puis d'une croûte solide, à l'instar
de notre Terre. Or dans ce cas, les différentes couches ne sont pas
verrouillées entre elles, rendant sa surface encore plus sensible
aux influences extérieures. CQFD...
Jean Etienne
Source principale :
First MESSENGER orbital observations of mercury's librations
(Geophysical research letter).
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