En 2003, les chercheurs constataient que ce
qu'ils avaient d'abord considéré comme une bactérie en raison de sa
taille lors de sa découverte dans le début des années 90 était en
réalité un virus, le plus gros alors connu. La saga des virus géants
commençait. Dix années plus tard, une équipe de scientifiques
conduite par Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie, du laboratoire
Information génomique et structurale du CNRS et de l’université
Aix-Marseille, découvrait une nouvelle famille de virus géants au
large du Chili et de l'Australie, les Pandoravirus. Enfin en 2004,
la même équipe découvrait Pithovirus sibericum, cette fois à l'état
léthargique, dans les glaces du pergélisol sibérien âgées de 30.000
ans.
En examinant le même échantillon sibérien, Chantal Abergel et
Jean-Michel Claverie viennent de mettre en évidence la présence d'un
nouveau virus géant, aussitôt baptisé Mollivirus sibericum, que
certaines caractéristiques distinguent des trois premières
catégories.
Pour obtenir ce résultat, les scientifiques ont introduit un
échantillon du pergélisol sibérien dans une culture de bactéries de
type Acanthamoeba castellani, une des "cibles" préférées des virus
géants. Ils ont aussitôt constaté la prolifération de nombreuses
sphérules de 500 à 600 nanomètres de diamètre, qu'ils ont
identifiées comme un nouveau type de virus géants.
Mollivirus ne se distingue pas uniquement pas sa taille, mais aussi
par la richesse de son génome. En effet, si le virus très commun de
la grippe comporte une dizaine de gènes, à l'instar de la très
grande majorité des autres virus, l'ADN de Mollivirus code 523
protéines. Son mode de propagation diffère aussi complètement de
celui des autres virus géants identifiés jusqu'à présent.
Les virus géants précédemment identifiés, à l'instar de Pithovirus,
se multiplient dans le cytoplasme de leur cellule-hôte dont ils
n'utilisent que la machinerie nécessaire à la synthèse des
protéines. Mollivirus sibericum fait appel à un procédé
fondamentalement différent. S'il pénètre le cytoplasme de son hôte,
dans ce cas une amibe, il y libère son ADN qui migre ensuite dans le
noyau de l'organisme, dont il détourne les fonctions pour produire
de 200 à 300 nouvelles particules virales qui seront ensuite
libérées.
Ce mode de reproduction faisant intervenir le noyau de la cellule
infectée, sa morphologie ou encore le contenu de son génome
démontrent que Mollivirus n'appartient pas à la famille de
Pithovirus, alors qu'il a été retrouvé dans le même échantillon de
sol sibérien. Par contre, la découverte des deux familles figées à
l'état léthargique dans un même échantillon suggère que la diversité
de ces virus géants est très importante.
Mais tout ceci soulève une question. Si un seul échantillon de
permafrost a pu fournir deux types de virus géants contemporains de
l'Homme de Néandertal et aujourd'hui disparues, mais qui ont pu être
remises en culture simplement au contact de bactéries, combien
d'autres reste-t-il à découvrir ? Et quels peuvent être leurs effets
au contact des populations humaines ou animales ?
Cette interrogation revêt toute son importance au vu du
réchauffement climatique en cours qui conduit au dégel du
pergélisol, ou même de l'exploitation minière de la région
sibérienne.
Jean Etienne
Source principale :
In-depth study of Mollivirus sibericum, a new 30,000-y-old giant
virus infecting Acanthamoeba (PNAS). |