7 septembre 2015

 

L'Homme, ce super-prédateur

 
Une équipe de recherches de l'Université de Victoria (Canada), a tenté d'expliquer en quoi les activités de chasse et de pêche de l'Homme différaient des activités similaires des autres animaux, pourtant eux aussi considérés comme des prédateurs.

Ces travaux de recherche, réalisés par l’équipe de Chris Darimont, professeur de géographie au laboratoire Hakai-Raincoast de l’Université de Victoria, et directeur scientifique de la Raincoast Conservation Foundation, éclairent d'un jour nouveau les extinctions massives de la faune sauvage, la réduction de la taille des poissons et les perturbations des chaînes alimentaires à l’échelle mondiale et viennent en renfort d’un appel insistant à l’exploitation durable des ressources naturelles.

Dans leur publication, Darimont et son équipe avancent : "Notre technologie, diaboliquement efficace pour tuer nos systèmes d’économie mondiale et notre gestion des ressources qui donne la priorité aux bénéfices à court terme ont donné naissance au super prédateur humain. L’impact que nous avons sur les écosystèmes est aussi extrême que notre comportement, et la planète porte le fardeau de notre domination prédatrice".

Conduite à l'échelle planétaire, l'analyse indique que les humains exploitent généralement les populations de poissons adultes à un taux 14 fois supérieur à celui des prédateurs marins. Les grands carnivores terrestres, tels les ours, les loups et autres lions, sont 9 fois plus chassés par les humains qu’ils ne se chassent entre eux.

L’humanité diffère aussi fondamentalement de la prédation naturelle en se focalisant sur des proies adultes. "Alors que les prédateurs visent en priorité les jeunes individus ou l' 'intérêt reproductif' des populations, les humains, eux, puisent dans le 'capital reproductif' en exploitant les proies adultes", explique le co-auteur de l’étude et professeur de biologie à l’Université de Victoria, Tom Reimchen.

Ces analyses ont d’abord été formulées durant des recherches sur le long-terme sur des poissons d’eau douce et sur leurs prédateurs, dans un lac isolé de Haida Gwaii, un archipel de la côte nord de la Colombie-Britannique. Tom Reimchen y a démontré que les poissons prédateurs et les oiseaux plongeurs pêchent une très grande majorité de poissons juvéniles. 22 espèces prédatrices ne prélèvent conjointement que 2% des poissons adultes. Ces résultats contrastent drastiquement avec les systèmes humains de pêche, qui se concentrent exclusivement sur les saumons adultes, prélevant 50% ou plus des populations migrantes.

L’étude finale inclut 2125 évaluations de taux d’exploitation, basées sur les données extraites de plus de 300 travaux de recherche. La série de données analyse la vie sauvage, les proies tropicales et les systèmes de pêche de tous les continents et océans, Antarctique excepté. Les auteurs concluent sur un appel urgent à l’exploitation durable de la faune sauvage et des ressources halieutiques. Un modèle véritablement durable signifierait pour eux un changement culturel, économique et institutionnel, fixant des limites aux activités humaines pour que celles-ci s’alignent davantage sur le comportement des prédateurs naturels.

Jean Etienne

Source principale :

The unique ecology of human predators (Science, 21 août 2015 - Vol. 349 no. 6250 pp. 858-860. DOI : 10.1126/science.aac4249).

 

 

 
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