Une équipe de recherches de l'Université de
Victoria (Canada), a tenté d'expliquer en quoi les activités de
chasse et de pêche de l'Homme différaient des activités similaires
des autres animaux, pourtant eux aussi considérés comme des
prédateurs.
Ces travaux de recherche, réalisés par l’équipe de Chris Darimont,
professeur de géographie au laboratoire Hakai-Raincoast de
l’Université de Victoria, et directeur scientifique de la Raincoast
Conservation Foundation, éclairent d'un jour nouveau les extinctions
massives de la faune sauvage, la réduction de la taille des poissons
et les perturbations des chaînes alimentaires à l’échelle mondiale
et viennent en renfort d’un appel insistant à l’exploitation durable
des ressources naturelles.
Dans leur publication, Darimont et son équipe avancent : "Notre
technologie, diaboliquement efficace pour tuer nos systèmes
d’économie mondiale et notre gestion des ressources qui donne la
priorité aux bénéfices à court terme ont donné naissance au super
prédateur humain. L’impact que nous avons sur les écosystèmes est
aussi extrême que notre comportement, et la planète porte le fardeau
de notre domination prédatrice".
Conduite à l'échelle planétaire, l'analyse indique que les humains
exploitent généralement les populations de poissons adultes à un
taux 14 fois supérieur à celui des prédateurs marins. Les grands
carnivores terrestres, tels les ours, les loups et autres lions,
sont 9 fois plus chassés par les humains qu’ils ne se chassent entre
eux.
L’humanité diffère aussi fondamentalement de la prédation naturelle
en se focalisant sur des proies adultes. "Alors que les
prédateurs visent en priorité les jeunes individus ou l' 'intérêt
reproductif' des populations, les humains, eux, puisent dans le
'capital reproductif' en exploitant les proies adultes",
explique le co-auteur de l’étude et professeur de biologie à
l’Université de Victoria, Tom Reimchen.
Ces analyses ont d’abord été formulées durant des recherches sur le
long-terme sur des poissons d’eau douce et sur leurs prédateurs,
dans un lac isolé de Haida Gwaii, un archipel de la côte nord de la
Colombie-Britannique. Tom Reimchen y a démontré que les poissons
prédateurs et les oiseaux plongeurs pêchent une très grande majorité
de poissons juvéniles. 22 espèces prédatrices ne prélèvent
conjointement que 2% des poissons adultes. Ces résultats contrastent
drastiquement avec les systèmes humains de pêche, qui se concentrent
exclusivement sur les saumons adultes, prélevant 50% ou plus des
populations migrantes.
L’étude finale inclut 2125 évaluations de taux d’exploitation,
basées sur les données extraites de plus de 300 travaux de
recherche. La série de données analyse la vie sauvage, les proies
tropicales et les systèmes de pêche de tous les continents et
océans, Antarctique excepté. Les auteurs concluent sur un appel
urgent à l’exploitation durable de la faune sauvage et des
ressources halieutiques. Un modèle véritablement durable
signifierait pour eux un changement culturel, économique et
institutionnel, fixant des limites aux activités humaines pour que
celles-ci s’alignent davantage sur le comportement des prédateurs
naturels.
Jean
Etienne
Source principale :
The unique ecology of human predators (Science, 21 août 2015
- Vol. 349 no. 6250 pp. 858-860. DOI : 10.1126/science.aac4249).
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