6 octobre 2015

 

Les vaccino-sceptiques aiment-ils leurs enfants ?

 
Ce titre pourrait en choquer certains… Sauf si on prend connaissance du dossier que vient de publier la revue médicale spécialisée "Vaccine", consacré aux adversaires de la vaccination, autrement dit aux "vaccino-sceptiques".

Dans ce dossier, qui occupe tout l'espace d'un numéro spécial, les experts de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) expliquent que les programmes de vaccination doivent faire l'objet de campagnes d'information afin d'atteindre les critiques potentiels, et ce avant même leur lancement. Les auteurs insistent aussi sur l'insuffisance d'une information dispensée après le commencement d'une crise, et insistent fortement sur le rôle joué par les vaccino-sceptiques dans la limitation ainsi provoquée dans la couverture vaccinale, et ses conséquences.

"Les vaccins ne peuvent améliorer la santé et prévenir les décès que s’ils sont correctement utilisés. Les programmes de vaccination ont besoin d’atteindre des taux de couverture vaccinale élevés, et surtout de les maintenir. Les vaccino-sceptiques correspondent à un aspect dont l’influence est de plus en plus importante pour les programmes nationaux de vaccination", martèle le Dr Philippe Duclos, conseiller principal en santé à l’OMS et rédacteur en chef du numéro spécial.

Mais l'ambition de "Vaccine" ne se limite pas à saisir l'ampleur du problème, encore s'agit-il de trouver des solutions.

Prévenir plutôt que guérir

Dès sa préface, la revue expose certaines mesures selon elle capitales afin de résoudre le problème vital provoqué par les vaccino-sceptiques.
  • Une préparation proactive et une réponse rapide passant par l'identification, l'évaluation et le traitement des zones de "points chauds" s'établissant autour des vaccino-sceptiques.
     
  • L'inclusion permanente des acteurs sociaux tels que les médias et autres acteurs d'opinion susceptibles d'influencer la perception publique du risque et de la sécurité des vaccins.
     
  • La mise au point préventive de rôles prédéfinis ainsi que la fourniture de ressources et de plans de gestion de crise pouvant être déclenchés sans délai en réponse à la rumeur ou à la désinformation, et ce, avant qu'elles ne puissent influencer sur les taux de vaccination.

"Ainsi que l'a tragiquement démontré la récente crise de l'Ebola, la pierre d’angle du succès dans les soins de santé est de faire participer les communautés et de convaincre les individus de changer leurs habitudes et leur comportement", affirment les auteurs, insistant sur le fait "qu'il en va de même pour la lutte contre les vaccino-sceptiques".

La règle des trois C

Les experts de l'OMS se déclarent convaincus du rôle majeur joué par la question de la sécurité des vaccins chez les vaccino-sceptiques, mais qu'il ne s'agit pas là du seul facteur influent. Pour eux, les facteurs se rangent en trois catégories, qu'ils nomment "les trois C".

  • La confiance (confidence en anglais), sentiment très complexe puisqu'il ne se limite pas en un sentiment de confiance envers l'efficacité et la sécurité d'un vaccin, mais aussi envers le système de soins de santé et de son personnel, ainsi que ceux qui prennent les décisions en jugeant les vaccins nécessaires.
     
  • La complaisance (complacency), qui s'exprime lorsque le risque allégué de contracter la maladie est faible et la vaccination considérée comme une mesure de protection inutile. Elle est souvent la conséquence directe d'une campagne de vaccination réussie ayant abouti à la quasi-disparition d'une souche virale, ce qui peut conduire à un certain laxisme dans la vaccination car les individus comparent le risque à celui présenté par une maladie sans rapport, mais plus fréquente. Perdant ainsi prématurément de son efficacité, une campagne peut ainsi courir à l'échec, voire constater une résurgence de la souche virale alors qu'elle était proche de l'éradication.
     
  • La commodité (convenience) met en jeu différents facteurs tels la disponibilité, l'accessibilité, mais aussi le coût du vaccin. Mais les planificateurs devront aussi prendre en compte d'autres éléments variés, comme le taux de protection, le lieu et le contexte culturel dans lequel le vaccin est administré, qui peuvent avoir une conséquence directe sur la décision de vacciner, et donc induire un certain scepticisme vaccinal.

La solution : l'information

La diversité des causes conduisant au scepticisme conduit tout naturellement à une multiplication des solutions potentielles à ce problème vital. Les scientifiques sont toutefois convaincus qu'une communication efficace constitue une mesure-clé pour réduire les craintes, en apportant une réponse aux préoccupations, ce qui accroîtrait l'acceptation de la vaccination.

Une étude effectuée en 2011 en Allemagne sur le thème "Vaccination durant l'enfance", portant sur un vaste échantillon représentatif d'enfants âgés de 0 à 13 ans dans tout le pays, a démontré que les professions médicales jouent un rôle crucial dans l'information des parents. Parmi les 35% de ceux-ci ayant refusé la vaccination (classés "vaccino-sceptiques"), 93% considéraient le médecin comme principale source d'information. Cependant, les mêmes déclaraient baser leur décision sur les brochures et dépliants (63%), la discussion avec d'autres parents (41%), et Internet (26%). Mais cette dernière source, en cinq années, a vraisemblablement plus que doublé son taux d'influence.

L'information oui, si elle est acceptée…

L'importance de l'information a beau former un consensus, encore faut-il l'écouter. Car l'étude soulève un problème particulièrement préoccupant. En effet, les personnes qui s'opposent le plus à la vaccination se déclarent désintéressées par de plus amples informations sur le sujet dans la très grande majorité des cas (94%), ainsi incapables de juger de la pertinence d'une vaccination ayant permis de sauver des millions de vies face à des inconvénients (réels ou non) proportionnellement insignifiants.

Face à une telle constatation, on saisit immédiatement toute la difficulté de l'organisation de l'information, celle-ci se heurtant au mur de la désinformation généralement véhiculée par les réseaux dits "sociaux", qui n'ont jamais aussi mal porté leur nom…

Jean Etienne


(reproduction libre de l'article moyennant mention de la source et du lien Space News International)
 

Sources principales :

>>> Vaccine Special Issue on Vaccine Hesitancy
>>> Review of vaccine hesitancy: Rationale, remit and methods
>>> Measuring vaccine hesitancy: The development of a survey tool
>>> Diagnosing the determinants of vaccine hesitancy in specific subgroups: The Guide to Tailoring Immunization Programmes (TIP)
>>> Strategies for addressing vaccine hesitancy – A systematic review
>>> Strategies intended to address vaccine hesitancy: Review of published reviews
>>> Addressing vaccine hesitancy: The potential value of commercial and social marketing principles and practices
>>> Health communication and vaccine hesitancy
>>> How to deal with vaccine hesitancy ?

 

 

 

 

 
 
 

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