Mesurer la durée d’une journée, voilà un
problème qui nous semble bien trivial et ne mérite pas l’attention
des cellules grises de nos chers scientifiques. Et pourtant, cette
simple question s’avère bien complexe dès que l’on considère une
planète gazeuse, dont la majeure partie est constituée d'une
atmosphère qui est tout sauf statique, entourant un noyau échappant
à l'observation.
Plusieurs méthodes existent cependant, dont une des plus fiables
s'appuie sur la mesure du déplacement du champ magnétique de la
planète. En effet, l'axe magnétique ne correspond jamais exactement
à l'axe de rotation, ce qui induit un effet de toupie pouvant être
mesuré par les sondes en orbite. Ce procédé appliqué à Jupiter a
permis d'obtenir d'excellents résultats.
Mais lorsqu'on s'intéresse à Saturne, la difficulté ressurgit car le
pôle magnétique n'est pas suffisamment écarté de l'axe de rotation
pour obtenir une différence significative. Une autre piste avait été
explorée par la Nasa il y a une dizaine d'années. La sonde Cassini,
ne orbite autour de Saturne, avait mesuré avec une grande précision
la variation des ondes radio émises par l'atmosphère de la planète.
Mais l'expérience n'avait pas été concluante car la période mesurée
ne correspondait pas précisément avec la durée du jour saturnien.
Quant à l'observation de l'évolution de la "surface" gazeuse, elle
ne permet d'obtenir qu'une évaluation très grossière. Au final, la
durée de la rotation de Saturne n'a pu être estimée qu'à 10 heures
35 minutes, mais avec une marge d'erreur de 15 minutes, ce qui est
énorme. Un comble pour une planète visible dans n'importe quel petit
instrument, et même à l'œil nu !
Une toute nouvelle méthode
C'est alors que les docteurs Yohai Kaspi et Eli Galanti de
l’institut Weizmann, travaillant en collaboration avec le docteur
Ravit Helled de l’université de Tel Aviv (Israël), ont imaginé une
nouvelle méthode basée sur une simple observation : à cause
justement de leur rotation, les astres sont généralement légèrement
aplatis aux pôles et renflés au niveau de l'équateur. Il s'agit là
de la conséquence de la force centrifuge, dont l'importance est
directement corrélée à la vitesse de rotation de la planète. La
Terre ne fait pas exception, Saturne non plus.
Jupiter, dont la vitesse de rotation a pu être mesurée avec
précision en se basant sur le déplacement de son champ magnétique, a
servi d'étalon aux chercheurs. Et en comparant le renflement
équatorial des deux planètes, dont la physique gazeuse est
similaire, ils ont réussi à déduire la vitesse de rotation de
Saturne avec une marge d'erreur réduite à seulement 45 secondes,
vingt fois supérieure aux précédentes mesures.
Cette connaissance aidera aussi les scientifiques à établir de
nouveaux modèles plus précis de l'atmosphère de Saturne, permettant
une meilleure connaissance de sa configuration et de sa formation.
Jean Etienne
Sources :
A Short Day on Saturn (Weizmann Institute of Science).
Saturn’s fast spin determined from its gravitational field and
oblateness (Nature).
Scientists Find That Saturn's Rotation Period is a Puzzle
(Nasa).
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