L'insuline administrée par voie orale pourrait
améliorer la qualité de vie de millions de personnes dans leur lutte
contre le diabète, et des recherches en ce sens ont été effectuées,
sans succès, depuis des décennies.
L'insuline n'est actuellement disponible que sous forme injectable.
Il est facile de concevoir qu'un traitement sous forme orale serait
une option bien plus pratique et moins contraignante pour les
personnes atteintes de diabète, et une poignée de sociétés
pharmaceutiques sont en concurrence pour être la première à porter
une telle innovation médicale sur le marché.
La firme la plus avancée est la société israélienne
Oramed
Pharmaceuticals, basée à Tel-Aviv (Israël), qui travaille
actuellement à la finalisation de son produit identifié sous le code
ORMD-0801, et dont le brevet a été accepté aux Etats-Unis le 20
septembre 2015. L'innovation consiste en une encapsulation du
produit dans un revêtement hautement protecteur qui reste intact
dans les segments les plus acides de l'intestin, et comporte aussi
des enzymes inhibitrices des protéases qui interviennent dans la
dégradation de l'insuline. La distribution du médicament dans
l'organisme est en outre favorisée par un activateur d'absorption de
protéine qui en facilite le passage à travers la barrière
intestinale.
Oramed Pharmaceuticals a été autorisée par la Food and Drug
Administration américaine de mener un essai clinique de phase 2b
(détermination de l'efficacité et de la dose thérapeutique idéale
par administration du traitement complet sur un groupe de 180
patients) aux Etats-Unis. Elle prend ainsi les devants face à la
danoise Novo Nordisk, premier producteur d'insuline du marché
mondial, qui vient de compléter un premier essai en phase 1
(c'est-à-dire recherche des effets indésirables par administration
d'une seule dose à un groupe de moins de 80 patients) de sa propre
formule en Allemagne.
Une prise en charge du diabète plus rapide
L'insuline orale s'adresse principalement aux personnes atteintes de
diabète de type 2, dont la production d'insuline par l'organisme
n'est pas interrompue lors du premier diagnostic, mais se tarit
lorsque la maladie évolue. L'approvisionnement d'insuline par voie
médicamenteuse concourt à améliorer le contrôle de la glycémie et
ralentir la progression du diabète, mais les patients sont souvent
réticents à entreprendre un traitement par injections.
"L'insuline est une thérapie incroyablement puissante dans le
traitement du diabète de type 2, mais dans le monde d'aujourd'hui,
il y a un certain nombre de barrières à débuter ce traitement de la
part des patients et des fournisseurs de soins de santé, et celui-ci
est souvent entrepris trop tard qu'il le devrait", annonce John
Leahy, médecin endocrinologue à l'Université du Vermont.
L'insuline prise sous forme de simples gélules pourrait lever les
hésitations des médecins à entreprendre un traitement par injections
qui nécessite toute une éducation des patients, car tout le monde
sait avaler une pilule, selon le Dr Leahy, qui précise que les
patients seraient ainsi plus enclins à débuter un traitement
beaucoup plus tôt, réduisant ainsi le risque de complications à long
terme.
"En plus de la facilité d'utilisation, une pilule d'insuline peut
offrir un avantage biologique sur les injections", a déclaré le
Dr Miriam Cédron, conseiller scientifique en chef et fondateur
d'Oramed Pharmaceuticals. "Absorbée par voie orale, l'insuline se
déplace directement vers le foie, qui dirige alors la distribution
de l'hormone dans l'organisme. Contrairement à une injection, ce
processus reproduit fidèlement la circulation naturelle de
l'organisme de l'insuline". Certains scientifiques théorisent
que cette voie d'administration peut réduire le risque
d'hypoglycémie, un effet secondaire fréquent dans le cas du
traitement par injection, mais cet avantage n'a pas encore été
confirmé par les études cliniques.
Nadav Kidron, le PDG d’Oramed, affirme : "le début des essais de
notre capsule d’insuline pour traiter le diabète de type 1 montre
une grande avancée de notre entreprise pour soigner les diabètes.
Les résultats probants sur le diabète de type 2 sont très
encourageants et nous espérons obtenir des résultats similaires pour
le diabète de type 1".
Un essai clinique de phase 3 sera encore nécessaire avant mise sur
le marché (tests en double aveugle par comparaison à un placebo, ou
à un traitement de référence effectués sur plusieurs milliers de
personnes), dont le coût est estimé à 34 millions de dollars, de
sorte que nous sommes encore loin d'une commercialisation, même si
le bout du tunnel est en vue.
Financement de la recherche assuré
Le géant pharmaceutique chinois Sinopharm Capital Management Co.
Ltd. (plus grand groupe lié à la santé en Chine, six cotations
en bourse et 39 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2014)
ainsi que Hefei Life Science & Technology Park Investments &
Development Co., Ltd (Sinopharm / Hefei) viennent en outre
d'acquérir l'exclusivité de la distribution du médicament en Chine
pour un montant de 50 millions de dollars ainsi que 10 % de
redevances sur la vente du produit. Cet achat se ventile sous la
forme de 12 millions de dollars de participation à Oramed par
actionnariat, ainsi que le versement de 18 millions de dollars à la
signature de l'accord suivi d'un nouveau versement de 20 millions de
dollars à la publication des résultats des essais en phase 2b
actuellement en cours aux Etats-Unis. Pour la jeune société
pharmaceutique Oramed, qui a moins de dix années d'existence,
l'avenir se profile en rose…
Jean
Etienne
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