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Les consommateurs de livres de croissance
personnelle seraient plus sensibles au stress et présenteraient une
symptomatologie dépressive plus élevée, selon une étude réalisée par
des chercheurs de l'Institut universitaire en santé mentale de
Montréal.
"La vente de livres de croissance personnelle a engendré des
profits de plus de 10 milliards en 2009 aux États-Unis. Voilà une
bonne raison de savoir s'ils ont un impact réel sur leurs lecteurs",
affirme Sonia Lupien, directrice du Centre d'études sur le stress
humain (CESH) et professeure au Département de psychiatrie de
l'Université de Montréal. "Au départ, nous pensions observer chez
les participants une différence au niveau de la personnalité, du
sentiment de contrôle et de l'estime de soi selon les habitudes de
lecture de livres de croissance personnelle", explique Catherine
Raymond, première auteure de l'étude et doctorante au CESH de
l'Institut universitaire en santé mentale de Montréal. "En
réalité, il semble n'y avoir aucune différence entre le fait de lire
ou non ce type d'ouvrages. Concrètement, les résultats démontrent
plutôt que ce n'est pas la lecture elle-même mais bien le type de
livres qui peut avoir un effet sur le stress et les symptômes
dépressifs de ses consommateurs", poursuit l'étudiante en
neurosciences de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.
Des résultats très différents
L'équipe du Centre d'études sur le stress humain a recruté 30
participants dont la moitié était adepte de lectures de croissance
personnelle. Elle a mesuré plusieurs éléments chez chacun des
participants, dont la réactivité au stress (mesure du cortisol par
la salive), l'ouverture d'esprit, l'autodiscipline, l'extraversion,
la compassion, la stabilité émotionnelle, l'estime de soi et les
symptômes dépressifs. Le groupe de consommateurs d'ouvrages de
croissance personnelle était lui-même divisé en deux types de
lecteurs : un groupe qui préférait les livres orientés sur le
problème (par.ex. Why Is It Always About You ? ou How Can
I Forgive You ?: The Courage to Forgive, the Freedom Not To)
et l'autre sur l'actualisation de soi (par ex. You're Stronger
Than You Think ou How to Stop Worrying and Start Living).
Les résultats démontrent que les consommateurs de livres orientés
sur le problème présentent plus de symptômes dépressifs que les
non-consommateurs. De plus, les participants qui lisent des livres
axés sur l'actualisation de soi présentent une réactivité au stress
plus élevée comparativement aux non-consommateurs.
L'œuf ou la poule ?
Est-ce la lecture d'ouvrages de croissance personnelle qui augmente
la réactivité au stress et la symptomatologie dépressive de ses
lecteurs ou ceux-ci sont-ils plus sensibles aux situations
stressantes ? Difficile de déterminer la cause de cette observation.
"Il faudrait poursuivre nos recherches pour en savoir plus",
selon Sonia Lupien. "Néanmoins, il semble que ces ouvrages
n'entraînent pas les effets escomptés. Quand nous constatons que le
meilleur prédicteur de l'achat d'un livre de croissance personnelle
est le fait d'en avoir acheté un dans la dernière année, ça sème le
doute sur leur efficacité. Si de tels ouvrages étaient véritablement
efficaces, logiquement la lecture d'un seul serait suffisante pour
régler nos problèmes", explique la chercheuse à l'Institut
universitaire en santé mentale de Montréal.
En conséquence, elle encourage plutôt les gens à consulter des
ouvrages qui rapportent des faits démontrés scientifiquement et
écrits par des chercheurs ou des cliniciens affiliés à une
université, un établissement de santé ou un centre de recherche
reconnus. "Vérifiez vos sources, pour éviter d'être déçus. Un bon
ouvrage de vulgarisation scientifique, ça ne remplace pas un
professionnel de la santé mentale, mais ça permet une meilleure
compréhension du stress ou de l'anxiété et ça peut encourager le
lecteur à aller chercher de l'aide".
Source principale :
Salivary Cortisol Levels and Depressive Symptomatology in Consumers
and Nonconsumers of Self-Help Books (Neural Plasticity) ID
624059. 2015.
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