Une nouvelle étude contredit la prédiction,
émise une semaine plus tôt, selon laquelle la fonte accélérée des
glaces de l'Antarctique devrait rapidement provoquer une élévation
catastrophique du niveau de la mer.
Depuis près d'un an, diverses études ont conclu que de vastes zones
de la calotte ouest de l'Antarctique seraient sur le point de
connaître un recul massif. Le 3 novembre dernier, un article publié
dans les Proceedings of the National Academy of Sciences
(PNAS) prédisait que ce phénomène entraînerait une hausse mondiale
du niveau des océans pouvant atteindre trois mètres.
Une nouvelle étude, publiée dans Nature Communications le 10
novembre par le Department of Earth and Planetary Sciences de
l'Université Mc Gill (Montréal – Canada) estime que la fonte prévue
de l’énorme calotte glaciaire de l’ouest de l’Antarctique pourrait
être ralentie par deux importants facteurs généralement ignorés dans
les modèles informatiques actuels.
La géophysique du globe prise en compte
Les chercheurs mettent en lumière deux facteurs géophysiques qui,
selon eux, ne sont pas adéquatement pris en compte dans les
simulations informatiques concernant cette région : la puissance
surprenante de l’attraction gravitationnelle de l’énorme calotte
glaciaire sur les eaux environnantes, et la nature particulièrement
fluide du manteau terrestre qui se trouve sous le substrat rocheux
sur lequel repose la glace. L'étude suggère que l’effet du recul des
glaces sur l’augmentation du niveau mondial des océans pourrait être
moins important, ou du moins plus graduel que prévu.
"La fonte des calottes glaciaires polaires en raison du
réchauffement est une préoccupation majeure pour les décideurs comme
pour le public. L’attention générale est attirée à juste titre sur
l’importance de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de
nous préparer à l’élévation du niveau de la mer", affirme
Natalya Gomez, auteure principale de l’étude et professeure adjointe
au Département des sciences de la Terre et des planètes de
l’Université McGill, à Montréal. "Notre étude montre aussi que,
tout particulièrement en Antarctique, les modèles informatiques
doivent tenir compte de la manière dont les effets de la gravité et
les variations dans la structure de la Terre influent sur la vitesse
de la fonte des calottes glaciaires".
L’effet de la gravitation locale
Si la gravitation terrestre est bien la force qui nous maintient à
la surface de notre planète, toute masse importante exerce aussi une
attraction proportionnelle autour d'elle. Ainsi, les énormes
quantités de glace recouvrant certaines parties de l'Antarctique,
chiffrées en milliards de tonnes, exercent une attraction
gravitationnelle sur d'autres corps, y compris l'eau environnante.
Selon les scientifiques ayant participé à cette nouvelle étude, la
réduction de la calotte polaire, donc de sa masse, entraînera une
diminution de sa force gravitationnelle suffisante pour que le
niveau de l'océan l'entourant connaisse un retrait, donc une baisse
importante de son niveau. Un tel effet réduirait ainsi
considérablement la vitesse prévue du recul de la calotte glaciaire
par la suite.
L’effet d’élasticité du manteau terrestre
L'Ouest de l'Antarctique repose sur une région où le manteau
terrestre se déplace plus librement qu'ailleurs, suite à une
viscosité moindre. La professeure Gomez et les deux autres auteurs
de l’étude, David Pollard, de l’Université d'État de Pennsylvanie,
et David Holland, de l’Université de New York, signalent que
lorsqu'une calotte glaciaire recule, la partie terrestre
sous-jacente, libérée du poids de la glace, se déplace vers le haut.
Cela en deux phases, tout d'abord un rebond élastique immédiat, puis
une remontée beaucoup plus lente liée à la viscosité de la Terre
pouvant prendre quelques centaines, ou milliers d'années.
"Nos simulations montrent qu’en utilisant une structure terrestre
similaire à celle qui se trouve sous l’ouest de l’Antarctique, la
surface s’élève davantage et rebondit plus rapidement près du bord
de la calotte glaciaire qui recule. L’eau qui se trouve au bord de
la calotte est donc moins profonde, ce qui réduit la vitesse à
laquelle la glace recule", explique le professeur Holland.
Jean
Etienne
Source principale :
Sea-level feedback lowers projections of future Antarctic Ice-Sheet
mass loss (Nature).
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