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Selon l'Institut portugais d'Astrophysique et
des Sciences spatiales, la moitié des planètes extrasolaires
découvertes au moyen du télescope spatial Kepler n'existeraient tout
simplement pas.
Cette déclaration surprenante a été émise par les astronomes de l'Institut
d'astrophysique de Porto (Portogal) sur la base d'études
statistiques relatives à la découverte de ces astres, dont ils ne
contestent pas la réalité, mais la nature.
Kepler
Le télescope spatial Kepler, en orbite depuis 2009, a pour mission
de collecter les données de 150.000 étoiles et d'identifier les
planètes pouvant les accompagner par la méthode du transit,
c'est-à-dire en détectant les variations de luminosité provoquées
par le passage de ces astres devant le disque stellaire. A ce jour,
la mission a identifié 8826 objets dignes d'intérêt, dont 4696
étoiles candidates possibles, dont 1030 ont été formellement
confirmées par les astronomes de la Nasa.
Cependant, selon le chercheur et astrophysicien
Vardan Adibekyan, de l'Université de Porto, ce résultat
inclurait bien davantage de "faux positifs", de planètes qui n'en
sont pas réellement. Une conclusion faisant l'objet d'une
publication qui vient d'être acceptée pour publication (à paraître)
dans la revue Astronomy & Astrophysics.
"On pensait que la fiabilité de détection d'exoplanètes de Kepler
était excellente, avec une marge d'erreur d'à peine plus de 10 %",
annonce le professeur
Alexandre Santerne, de l'Institut d'Astrophysique de Porto, qui
a dirigé l'équipe internationale ayant produit cette étude. "Mais
la vaste enquête basée sur une étude spectroscopique des plus
grandes exoplanètes découvertes par Kepler montre que ce pourcentage
d'erreurs est beaucoup plus élevé, se situant même au-dessus de 50%.
Cela a forcément de fortes implications dans notre compréhension de
la population planétaire dans le domaine exploré par les instruments
de Kepler", ajoute le chercheur.
Les résultats contradictoires de la nouvelle étude
L'équipe d'Alexandre Santerne a commencé ses recherches dans le
courant de l'année 2010, en utilisant le Spectrographe pour
l'Observation des Phénomènes des Intérieurs stellaires et des
Exoplanètes (SOPHIE)
de l'Observatoire de Haute-Provence (France). Soucieuse de se baser,
non sur l'unique aspect photométrique, mais bien spectroscopique des
étoiles examinées, elle a sélectionné 129 objets sur les 8826 objets
d'intérêt signalés par Kepler, non sur simple préférence mais dans
le souci de ne garder que des "cibles" pouvant être caractérisées
avec un maximum de fiabilité. Ont été exclues les potentielles
exoplanètes trop faibles pour l'observation par SOPHIE, les faux
positifs déjà connus, ainsi que les objets ayant une orbite de plus
de 400 jours afin de pouvoir examiner, par sécurité, au moins trois
révolutions de la candidate autour de son étoile.
Les astronomes se sont alors aperçus que dans 52,2 % des cas, il ne
s'agissant que d'étoiles binaires, ou de paires "verrouillées",
c'est-à-dire d'étoiles de caractéristiques comparables s'éclipsant
mutuellement. Dans 2,3 % des cas, le compagnon s'est avéré être une
naine brune, un objet à mi-chemin entre une étoile et une planète.
En tout état de cause, le nombre de géantes gazeuses présentes dans
notre galaxie serait bien moins important que ce que nous avons
pensé au vu des premiers résultats de Kepler.
Selon l'astronome australien
Alan Duffy,
chercheur spécialisé dans ce domaine mais qui n'a pas participé à
cette recherche, cela ne change néanmoins rien aux estimations quant
aux exoplanètes les plus intéressantes, soit celles ressemblant à la
Terre, car même après révision du nombre potentiel de ces astres
dans notre galaxie, la Voie Lactée, il reste encore des milliards et
des milliards de mondes étranges à découvrir. Mais Kepler a montré
ses limites, et pour poursuivre cette recherche, il faudra mettre en
œuvre des moyens bien plus puissants, tel le télescope
Magellan, équipé
de sept miroirs de 8,4 mètres de diamètre, qui devrait être inauguré
au Chili en 2021.
Et de nouvelles questions…
Accessoirement, l'étude conduite par Alexandre Santerne soulève de
nouvelles questions concernant les planètes géantes gazeuses dont
l'existence a été formellement confirmée. Par exemple, il a été
démontré que les atmosphères de ces astres se gonflent sous l'action
du rayonnement de leur étoile, mais la valeur de cette inflation
apparaît beaucoup plus importante pour certaines exoplanètes que ce
que les modèles prédisent selon des processus normaux. Parfois,
l'inverse est observé… L'équipe espère que la poursuite de cette
recherche sur la structure interne de ces planètes nous éclairera
sur les processus de formation de ces astres et de leur évolution.
Jean Etienne
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