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6 novembre 2015 |
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La chèvre naine
des Baléares, seul mammifère connu au sang froid |
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Connaissez-vous Myotragus balearicus ? Il est
probable que non. Cette petite chèvre endémique des îles Baléares,
disparue il y a 3000 ans juste après avoir croisé l'arrivée de
l'Homo sapiens, présentait une caractéristique à la fois unique et
stupéfiante: il s'agissait du seul mammifère au sang froid !
Comme bien d'autres territoires isolés, les Baléares possèdent leur
lot d'espèces endémiques et hors normes, préservés de la compétition
qui existe sur les continents, et parfois sans prédateur. Celles-ci
évoluent alors vers des formes à la fois plus libres, mais aussi
plus contraintes car limitées par les ressources énergétiques
locales.
Myotragus balearicus présente cependant certaines singularités peu
communes. Afin de réduire ses dépenses énergétiques face à un
environnement particulièrement pauvre, ce caprinidé avait réduit sa
taille, ne faisant plus que 45 cm au garrot pour un poids de 50
kilos, ainsi que le démontrent les nombreux fossiles découverts. De
même, ses yeux ne mesuraient que le quart d'une taille normale, et
son cerveau la moitié du volume de celui des espèces de dimension
équivalente. Pourtant, les scientifiques estimaient que ce n'était
pas encore suffisant pour une espèce aussi active qu'une chèvre
sauvage. Ils avaient raison.
Les paléontologues Meike Kohler et Salvador Moya-Sola ont constaté
avec stupéfaction que Myotragus balearicus est allé encore plus loin
en adoptant le métabolisme des reptiles, plus flexible et plus
adapté aux milieux pauvres en énergie.
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Crane de Myotragus
balearicus. (dom. Public). |
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Un mammifère conçu comme un reptile
La grande majorité des mammifères se classe parmi les endothermes,
caractérisée par une circulation à sang chaud, à température
normalement constante aux alentours de 36 à 39°C. L'autre catégorie,
les ectothermes, voient leur croissance et leur métabolisme
s'adapter à la disponibilité des ressources énergétiques (chaleur
ambiance, nourriture…) en faisant varier leur température interne,
mais dans une fourchette qui reste tout de même étroite, ne
dépassant pas 5°C.
Chez les reptiles par contre, réputés à sang froid, leur température
variable constitue une adaptation aux conditions ambiantes. Si
celle-ci descend très bas, elle ne provoquera pas la mort comme chez
les mammifères, mais un ralentissement du métabolisme, voire une
mise en léthargie. En conséquence, la croissance des os alterne
entre des phases d’accroissement et des pauses qui se traduisent par
des stries de croissance parallèles dans les os.
Or, l'analyse des os longs de cette chèvre des Baléares a révélé ce
même type de stries, que l'on ne rencontre chez aucun autre
mammifère ! Ce caprin modèle réduit avait donc le sang froid et sa
croissance était lente et discontinue. Selon eux et d’après les
caractéristiques squelettiques, Myotragus balearicus ne pouvait pas
sauter, devait se déplacer lentement et prendre régulièrement des
bains de soleil.
La cause de la disparition de cet animal unique au monde n'est pas
connue. Parmi les hypothèses actuellement en cours, on relève un
brusque changement climatique qui aurait altéré les cycles de
reproduction, une épizootie ou même une famine, provoquée par
d'autres éléments, qui aurait contraint les premiers hommes à
exterminer l'espèce pour s'en nourrir alors qu'ils semblent en avoir
pratiqué l'élevage. Mais une chose est certaine : confinées dans ces
îles, ces chèvres ne devaient exister qu'en un nombre très réduit,
ce qui a favorisé leur extinction.
Jean Etienne
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Reconstitution de
la chèvre naine des îles méditerranéennes Myotragus balearicus.
(dom. Public). |
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