Nombreux sont les témoignages de
personnes qui s'estiment guéries par le recours aux petits granules
homéopathiques. Cette médecine douce prétend traiter toutes sortes
de maux, de l'insomnie au rhume en passant par les allergies,
l'anxiété et le déficit de l'attention. Mais l'efficacité de
l'homéopathie a-t-elle été prouvée scientifiquement ?
C'est la question que s'est posée Serge Larivée, qui en a fait
l'objet d'une analyse parue dans le dernier numéro de la Revue de
psychoéducation. "J'ai été mis au courant par des
psychoéducateurs que des parents recouraient à des produits
homéopathiques pour aider leur enfant qui avait des problèmes
d'apprentissage", raconte le professeur de l'École de
psychoéducation de l'Université de Montréal. "J'ai voulu en
savoir plus".
En se basant sur une bibliographie riche, Serge Larivée et ses
collègues passent à la moulinette des essais cliniques et des
ouvrages sur l'homéopathie, très en vogue actuellement. Verdict ?
L'homéopathie ne guérit rien du tout ! Même aux yeux des plus
optimistes, son effet ne se résume qu'à celui d'un placébo. "Pour
l'heure, les résultats des recherches sérieuses en homéopathie
tendent plutôt à démontrer l'inefficacité des produits
homéopathiques", affirme le professeur.
L'une des autres forces de son analyse, c'est son intérêt pour les
concepts empruntés aux sciences dures que les homéopathes utilisent
"pour tenter de faire sérieux". "C'est le cas du concept de la
mémoire de l'eau, que des homéopathes ont tenté de récupérer à leur
profit pour justifier l'activité de leurs produits même lorsque la
dilution de ceux-ci est telle qu'ils ne contiennent plus de
molécules actives", indique M. Larivée.
(*)
Si diluée qu'il ne reste rien
Rappelons que les traitements homéopathiques sont obtenus à partir
de la dilution d'une solution contenant une substance active qui
nécessite à chaque étape une préparation "particulière"... La
solution doit être agitée ! Or, au terme de cette dilution, il est
scientifiquement impossible qu'il subsiste la moindre molécule
active. Cela en vertu d'une loi de la physique énoncée dès 1811 par
le chimiste italien Amedeo Avogadro. "Que l'homéopathie marche,
c'est-à-dire qu'une substance demeure active même s'il n'en reste
plus une seule molécule, et cette loi d'Avogadro devrait alors être
remise en question, signale le professeur Larivée. Vu les
répercussions possibles, l'affaire ne passerait pas inaperçue !"
Comment expliquer alors que plusieurs croient que l'homéopathie
puisse guérir ou même avoir un effet thérapeutique supérieur à celui
d'un simple effet placébo ? "Difficile à dire, répond Serge
Larivée. Tenter de convaincre un utilisateur de l'inefficacité des
produits homéopathiques revient à tenter de convaincre des croyants
que Dieu n'existe pas".
Problèmes éthiques
Dans son étude, il soulève aussi quelques problèmes éthiques,
soulignant que les risques associés à la prescription des produits
homéopathiques et à l'utilisation des «vaccins» de même nature ne
sont pas sans conséquence. Pourquoi n'est-il pas anodin que des gens
investissent dans des substances inertes ? "Le problème éthique
survient quand certains homéopathes incitent leurs patients à
délaisser leurs médicaments allopathiques au seul profit de leurs
produits", écrit Serge Larivée. "Si, de surcroît,
l'homéopathe dénigre les remèdes de la médecine traditionnelle et
promeut le marché homéopathique, il annule la possibilité d'un
traitement médical efficace".
Le professeur Larivée rappelle qu'au Canada, depuis 2004, les
remèdes homéopathiques font partie des produits de santé naturels
(PSN). "Ils obéissent non pas à la réglementation des
médicaments, mais à celle des PSN. Cette réglementation est de loin
bien moins contraignante que celle régissant les médicaments et ne
nécessite pas d'essais cliniques avant la mise en marché",
déplore-t-il.
(*)
Un produit homéopathique s'obtient par dilutions successives
à 1%. Le nombre suivi de la mention CH indiqué sur
l'étiquette mentionne le nombre de ces dilutions successives
à 1% pratiquées pour l'obtention du "médicament". Or, si 1CH
correspond à 1% (il n'existe aucun produit homéopathique de
ce type) ou 1 partie pour 100, 2CH correspond à 1 partie
pour 100 x 100 = 10.000, 3CH à 1 partie pour 100 x 100 x 100
= 1.000.000, etc. Or, la physique nous enseigne qu'à partir
de 12CH (soit 1 partie pour 1 suivi de 24 zéros), en tenant
compte du nombre de molécules, la dilution devient tellement
importante qu'il ne subsiste dans le produit PLUS UNE
SEULE MOLECULE du composé initial. La plupart des
petites granules que l'on vend, enrubannées de promesses qui
feraient pâlir n'importe quel politicien, vont pourtant bien
au-delà de ce seuil, jusqu'à 30CH (c'est-à-dire 1 partie
pour 1 suivi de 60 zéros). Pour vous situer, notons
simplement que le nombre de grains de sable sur la Terre
entière est représenté par 1 suivi de 23 zéros...
Pour donner une représentation
encore plus simple, imaginons un énorme container rempli de
la totalité du sable existant sur notre Terre. Nous
prélevons ensuite un grain de sable ailleurs (sur Mars,
peut-être...) et le fractionnons en dix parts égales. Nous
prenons ce dixième de grain de sable et le jetons dans le
container. Nous avons ainsi obtenu un "médicament"
homéopathique à 12CH... |
Source principale : S.
Larivée, C. Sénéchal et J.-L. Brazier :
Le nombre d'Avogadro en prend pour son rhume : l'homéopathie en
question, Revue de psychoéducation, vol. 43, no 2, p. 349-386.
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