Même si de nombreux médicaments sont
utilisés pour traiter les désordres neurologiques tels qu'une crise
d'épilepsie, agir directement sur le cerveau exactement au bon
endroit et au bon moment relevait de l'utopie. Ce n'est plus le cas.
L'équipe de chercheurs dirigée par Christophe Bernard au sein de
l'Unité Inserm 1106 "Institut
de neurosciences des systèmes", avec l'aide de scientifiques de
l'Ecole des Mines de St. Etienne et de l'Université de Linköping
(Suède), a développé une micropompe électronique et organique qui,
associée à un anti-épileptique, inhibe de manière localisée la crise
épileptique au niveau du cerveau in vitro. Ces travaux sont publiés
dans la revue
Advanced Materials.
Actuellement, les médicaments sont l'approche la plus utilisée pour
traiter les maladies du cerveau. Pourtant, il arrive que des
produits prometteurs échouent aux tests au niveau clinique pour
plusieurs raisons :
- Ils sont dilués dans des
solutions potentiellement toxiques,
- Ils peuvent eux-mêmes être
toxiques lorsqu'ils atteignent des organes vers lesquels ils ne
sont pas initialement dirigés,
- La barrière hémato-encéphalique,
qui sépare le cerveau de la circulation sanguine, empêche la
majorité des molécules d'atteindre leurs cibles cérébrales,
- Les médicaments qui réussissent
à pénétrer dans le cerveau vont agir de manière non spécifique
et donc sur des régions cérébrales saines.
L'épilepsie est un exemple typique
pour lequel de nombreux médicaments n'ont pu être commercialisés à
cause de leur nocivité, alors qu'ils étaient potentiellement
efficaces pour traiter les patients résistants aux traitements
classiques.
Lors d'une crise d'épilepsie, les cellules nerveuses d'une zone
précise du cerveau s'activent soudainement de manière excessive.
Comment alors contrôler ce phénomène sans intervenir sur les régions
cérébrales saines ? Pour répondre à cette question, l'équipe de
Christophe Bernard, en collaboration avec l'équipe de George
Malliaras au Campus Georges Charpak-Provence de l'Ecole des Mines de
Saint-Étienne et des scientifiques suédois, ont développé une
micropompe biocompatible permettant de délivrer les substances
thérapeutiques directement dans les zones du cerveau concernées.
La micropompe
La micropompe (20 fois plus fine qu'un cheveu) est constituée d'une
membrane dite "à échange de cations", c'est-à-dire que des ions
négatifs sont fixés à sa surface. Ainsi, elle attire les petites
molécules chargées positivement, que ce soient des ions ou des
médicaments. Lorsqu'un courant électrique lui est appliqué, le flux
d'électrons généré projette les molécules d'intérêt vers la zone
visée.
Pour pouvoir valider cette nouvelle technique, les chercheurs ont
reproduit l'hyperexcitabilité des neurones épileptiques dans le
cerveau de souris in vitro. Puis, ils ont injecté le GABA, une
molécule naturellement produite dans le cerveau qui inhibe les
neurones, au niveau de cette région hyperactive grâce à la
micropompe. Les scientifiques observent alors que la molécule a non
seulement mis fin à l'activité anormale de la région ciblée mais
surtout, n'interfère pas avec les fonctions des neurones
avoisinants.
Cette technologie résoudrait donc les obstacles rencontrés
classiquement par les thérapies en permettant une action très
localisée, directement dans le cerveau et sans toxicité
périphérique.
"En équipant des électrodes, comme celles utilisées pour traiter
la maladie de Parkinson, avec cette micropompe, il serait
envisageable de se servir de cette technologie pour soigner des
patients épileptiques résistants aux traitements classiques, ainsi
que ceux pour lesquels les effets secondaires sont trop importants",
explique Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm.
Sur la base de ces premiers résultats, les chercheurs travaillent
désormais sur un passage au modèle animal in vivo et sur la
possibilité d'allier ce système de haute technologie à la mini puce
qu'ils ont déjà développée en 2013. Le dispositif pourrait être
embarqué et autonome. La puce servirait à détecter l'arrivée
imminente de la crise, afin de déclencher l'activation de la pompe
pour l'injection du médicament au moment le plus propice. Il serait
donc possible de contrôler l'activité du cerveau où et quand c'est
nécessaire.
Au-delà de l'épilepsie, cette technologie de pointe, combinée avec
des médicaments déjà existants, offre de nouvelles perspectives pour
de nombreuses pathologies du cerveau qui restent difficilement
traitables aujourd'hui.
Source principale :
Controlling Epileptiform Activity with Organic Electronic Ion Pumps
(Advanced Materials)
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