D'ici 10 ans, on aura repéré à
l'extérieur de notre système solaire des planètes semblables à la
Terre, possédant une atmosphère, des continents et des océans et
permettant l'apparition de la vie. C'est la prédiction astronomique
que fait René Doyon, professeur à l'Université de Montréal. "Je
me lève le matin en me demandant comment on va découvrir les
premières formes de vie extraterrestre; nous y sommes presque",
affirme le chercheur.
Depuis la découverte par une équipe suisse, en 1995, d'une première
planète tournant autour d'une étoile autre que le Soleil, plusieurs
milliers d'exoplanètes ont été décrites, certaines même
photographiées. La prochaine étape consiste à trouver une planète
viable. «Ce secteur est l'un des plus stimulants de la recherche
scientifique actuellement. On sent un engouement international pour
cette question : sommes-nous seuls dans l'Univers? La nouvelle
génération de télescopes et d'instruments nous permettra assurément
de réaliser des percées majeures», commente l'astrophysicien, qui a
lancé l'Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) pour
regrouper les forces vives au Canada et à l'étranger autour de cet
objectif. L'iREx compte en ce moment 12 chercheurs et stagiaires
postdoctoraux et l'on souhaite quadrupler les membres de l'équipe
d'ici cinq ans.
Si l'on sait de mieux en mieux distinguer les planètes gazeuses des
planètes telluriques (composées d'un sol solide), les instruments
nouvellement mis au point, installés notamment dans le télescope
spatial James-Webb, qui sera lancé en 2018, pourront définir la
composition chimique de l'atmosphère des planètes ciblées dans un
rayon d'une dizaine d'années-lumière. "C'est l'un des projets
scientifiques les plus importants de l'histoire, précise le
professeur Doyon. Le télescope James-Webb est doté d'instruments
d'une grande complexité et a nécessité des investissements de huit
milliards de dollars, dont 250 millions du Canada... Il permettra de
mieux comprendre les origines de l'Univers, mais aussi d'étudier les
systèmes planétaires potentiellement habitables les plus rapprochés
du Soleil".
Pas de la science-fiction
Avec son équipe du Département de physique de l'UdeM, il travaille
depuis 2001 à l'élaboration de l'instrument canadien du télescope
spatial; pour cette contribution, son équipe et lui auront un accès
privilégié de 450 heures d'observation au tout début de sa vie
utile. Les chercheurs de l'iREx seront en bonne position pour sonder
l'atmosphère des exoplanètes tempérées comme la nôtre. Il sera
possible d'y déceler la vapeur d'eau et, avec un peu de chance, des
traces de méthane et d'oxygène, les «signatures» de l'activité
biologique. "Ce n'est pas de la science-fiction, souligne René
Doyon. L'instrument canadien du télescope James-Webb a été
spécialement conçu pour sonder l'atmosphère d'exoplanètes. Déjà
construit, il est présentement en phase de rodage à la NASA en
prévision du lancement".
Pour mettre au jour des traces de vie, il faut chercher des planètes
dans la «zone habitable» autour d'une étoile, zone ni trop proche ni
trop loin de celle-ci, où l'on peut trouver de l'eau sous forme
liquide. On ciblera une classe particulière de planètes qui
transitent devant leur étoile. Lors du passage de la planète devant
son étoile, la lumière de cette dernière est alors filtrée par
l'atmosphère de la planète, ce qui permet d'en révéler la
composition chimique, une mesure extrêmement difficile et seulement
possible avec un télescope spatial équipé de la meilleure
technologie.
L'analyse des exoplanètes découvertes depuis 10 ans a déjà causé une
surprise : la majorité des planètes dans le voisinage du Soleil sont
de 2 à 10 fois plus massives que la planète bleue. "De taille et
de masse intermédiaires entre la Terre et Neptune, ces planètes
qualifiées de super-Terres sont inexistantes dans notre système
solaire. Les super-Terres seront des cibles de choix pour sonder des
atmosphères".
Un premier million pour l'iREx
En plus de diriger l'équipe canadienne du télescope James-Webb, le
FGS (Fine Guidance Sensor) et le NIRISS (Near InfraRed
Imager and Slitless Spectrograph), qui prendront le chemin de
l'espace en 2018, le professeur Doyon est cochercheur principal du
projet SPIRou (Spectropolarimètre infra-rouge), qui réunit des
chercheurs du Canada, de la France, de la Suisse, du Brésil, de
Taiwan et du Portugal. Présentement en cours de fabrication, cet
instrument de haute précision aura la capacité, entre autres, de
détecter des planètes telluriques habitables autour d'étoiles naines
rouges. SPIRou trouvera les mondes potentiellement habitables les
plus rapprochés du Soleil. L'instrument est destiné au télescope
Canada-France-Hawaii pour une première lumière en 2017. Le projet
comporte un volet pédagogique pour les jeunes sous la forme d'une
collaboration avec le magazine Spirou...
On sent au contact de René Doyon que la connaissance de l'Univers
pourrait bientôt connaître de nouveaux éclairages. "La prochaine
décennie promet d'être capitale pour l'étude des exoplanètes",
indique-t-il avec enthousiasme.
Même si l'iREx n'existe que depuis quelques mois à peine, un mécène
a déjà proposé d'offrir un million de dollars afin de créer des
bourses d'excellence. Ce don lance la campagne de financement de
l'organisme, qui espère amasser 15 millions.
Le souci de René Doyon, c'est d'arriver à combler ses besoins en
main-d'œuvre hautement spécialisée. "Nous avons fondé l'iREx pour
concentrer les meilleures expertises de l'heure à Montréal. Nous
travaillons en étroite collaboration avec nos collègues de
l'Université McGill dans cet objectif de faire de la métropole un
pôle mondial de la recherche sur les exoplanètes. Malgré cela, nous
manquons d'universitaires chevronnés capables de nous aider dans
cette quête".
À l'heure actuelle, l'équipe de l'iREx comprend deux autres
professeurs titulaires de l'Université de Montréal, Gilles Fontaine
et Pierre Bastien, et deux professeurs adjoints, David Lafrenière et
Patrick Dufour. Les chercheurs Étienne Artigau, Loïc Albert et
Julien Rameau complètent l'équipe. Plusieurs étudiants à la maîtrise
et au doctorat sont également rattachés à l'Institut de recherche.
Pour en savoir plus :
>>>
Institut de recherche sur les exoplanètes
>>>
L'offre de candidatures d'associé de recherche (JWST instrument
scientist) en astrophysique expérimentale sur le site de la
Société Canadienne d'Astronomie
>>>
Le James Webb Space Telescope, sur le site de la Nasa
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