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Grâce à un instrument conçu à
l’Observatoire de l’Université de Genève et installé sur un
télescope au Chili, des chercheurs ont pu décrire l’atmosphère d’une
exoplanète où règnent une chaleur extrême et des vents violents
Des astronomes des Universités de Genève et de Berne ont réussi à
mesurer la vitesse des vents et la température de l’atmosphère de
l’exoplanète HD189733b située à environ 60 années-lumière de la
Terre. Grâce à un instrument d’une grande précision, le
spectrographe HARPS, installé sur un télescope de l’Observatoire
européen austral (ESO) au Chili, ils ont pu déterminer les
conditions infernales régnant dans l’atmosphère de cette planète: il
y fait 3000 degrés Celsius et des vents soufflent jusqu’à 30 000
kilomètres à l’heure.
Une rotation bloquée
"Ces mesures sont assez originales", commente Aurélien
Wyttenbach, astronome à l’Université de Genève (UNIGE) et auteur des
travaux qui sont publiés dans les revues Astronomy & Astrophysics
et Astrophysical Journal Letters . "C’est la deuxième
exoplanète seulement où l’on mesure de telles conditions". Selon
le chercheur, les observations faites sur HD189733b confirment les
prédictions des modèles théoriques.
Comment expliquer les vents puissants qui balaient l’atmosphère de
l’exoplanète? "HD189733b est très proche de son étoile; les
forces exercées par l’étoile sur la planète bloquent sa rotation",
explique Aurélien Wyttenbach. "Elle montre donc toujours la même
face à l’astre qui devient très chaude. La face opposée, au
contraire, est toujours dans la nuit et donc plus froide. Des vents
violents se créent dans l’atmosphère pour redistribuer la chaleur".
L’astronome genevois et ses collègues proposent aussi une hypothèse
pour expliquer l’atmosphère extrêmement chaude de HD189733b. Cette
géante gazeuse de la taille de Jupiter est dix fois plus près de son
soleil que Mercure l’est du nôtre. "L’astre la chauffe à 1500
degrés", précise Aurélien Wyttenbach. "Et il existe un autre
facteur – dont nous devons encore découvrir le mécanisme précis –
qui augmente encore plus la température de l’atmosphère de
l’exoplanète grâce à l’absorption de l’énergie contenue dans le
rayonnement X et ultraviolet de l’étoile". C’est un phénomène
similaire qui se produit dans la couche d’ozone sur la Terre.
Transit exoplanétaire
La précision des chiffres publiés par les astronomes genevois et
bernois repose sur la résolution de l’instrument qu’ils ont utilisé.
Le spectrographe HARPS, conçu par l’Observatoire de Genève il y a
dix ans, permet de mesurer avec une très grande précision le spectre
lumineux d’une étoile. Son but premier était de découvrir des
nouvelles exoplanètes. "On a détourné le but original de HARPS
pour étudier l’atmosphère des planètes", raconte l’astronome
genevois.
Les chercheurs ont analysé la lumière émise par l’étoile de
HD189733b et absorbée par la planète lorsque celle-ci passe devant,
comme lors d’une éclipse. "Cet événement est appelé transit",
explique Aurélien Wyttenbach. "A ce moment, on détecte la lumière
de l’étoile filtrée par l’atmosphère de l’exoplanète. C’est le même
phénomène que l’on observe lorsque la Lune devient rouge pendant une
éclipse: elle reçoit la lumière filtrée par la Terre". Comme
l’atmosphère de HD189733b contient du sodium – un des deux éléments
chimiques du sel de table avec le chlore –, elle filtre donc
d’avantage dans le jaune, ce qui est détecté par le spectrographe.
Kevin Heng, astrophysicien de l’Université de Berne, a développé la
technique permettant d’interpréter les variations des signaux
jaunes, appelées raies de sodium.
Sur la piste de l’eau
HD189733b n’est pas la seule à révéler ses secrets atmosphériques.
Des données de spectre lumineux ont été mesurées par HARPS pour
d’autres exoplanètes. Les chercheurs sont en train de les analyser.
"C’est vraiment excitant, commente Aurélien Wyttenbach. Nous
avons des mesures de transit pour environ une quarantaine
d’exoplanètes du même type". Les chercheurs s’intéressent aussi
à d’autres éléments chimiques présents dans l’atmosphère comme le
magnésium qui filtre la lumière bleue. "On pourrait aussi
imaginer détecter de l’eau car cette molécule filtre la lumière
visible", s’enthousiasme Aurélien Wyttenbach. De l’eau a déjà
été identifiée dans l’atmosphère d’exoplanètes – des géantes
gazeuses – grâce à des télescopes plus grands et en étudiant le
spectre de la lumière infrarouge.
Sources :
An exoplanet with an infernal atmosphere (Astronomy &
Astrophysics et Astrophysical Journal Letters).
Spectrally resolved detection of sodium in the atmosphere of
HD189733b with the HARPS spectrograph (Cornell University
Library). |
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