|
Comme le lait ou plusieurs autres
aliments, le sang utilisé pour les transfusions sanguines est
périssable. Mais contrairement à la croyance populaire, une nouvelle
recherche publiée aujourd'hui dans le New England Journal of
Medicine démontre que le sang ayant passé trois semaines au
réfrigérateur est aussi bon que le sang frais entreposé depuis
quelques jours.
Cette vaste étude clinique apporte des preuves rassurantes
concernant la sécurité du sang transfusé couramment aux patients
gravement malades. Soutenus par le Groupe canadien de recherche en
soins intensifs, de nombreuses infirmières, des technologues de
banques de sang, des médecins experts en transfusions et en soins
critiques, les Drs Jacques Lacroix, (Centre de recherche du CHU
Sainte-Justine), Dean Ferguson (Hôpital d'Ottawa), Alan Tinmouth,
(Hôpital d'Ottawa) et Paul Hébert (Centre de recherche du Centre
hospitalier de l'Université de Montréal) ont mené une équipe d'une
douzaine de chercheurs de 64 centres hospitaliers au Canada et en
Europe.
Les chercheurs ont entrepris l'étude ABLE (Age
of Blood Evaluation), un essai clinique randomisé à double
insu afin de comparer la mortalité 90 jours après la première
transfusion, chez des patients traités aux soins intensifs et
transfusés avec du sang frais (entreposé en moyenne six jours) ou du
sang plus âgé (entreposé en moyenne 22 jours). Au total, 2430
adultes ont participé à l'étude, soit 1211 patients dans le groupe «
sang frais » et 1219 patients dans le groupe «sang plus âgé».
Tony Brett, un homme de 48 ans soigné pour une septicémie à
L'Hôpital d'Ottawa, se dit très heureux d'avoir participé à l'étude.
"Non seulement les transfusions sanguines m'ont sauvé la vie,
mais elles ont aussi maintenu ma mère en vie pendant de longues
années parce qu'elle souffrait d'une maladie du sang. J'ai souvent
donné du sang, et je trouve cela extraordinaire que des gens mènent
des recherches rigoureuses pour s'assurer que l'approvisionnement en
sang soit sécuritaire et efficace", témoigne le patient.
"La pratique actuelle des banques de sang consiste à fournir aux
patients le sang le plus âgé. Certains médecins croient toutefois
que le sang frais est meilleur", explique le Dr Paul Hébert,
médecin intensiviste et chercheur au Centre de recherche du CHUM et
professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal.
Les résultats sont sans équivoque : "Il n'y a eu aucune
différence de mortalité ou de dysfonctions d'organes entre les deux
groupes, ce qui signifie que le sang frais n'est pas plus bénéfique
que le sang plus vieux", résume Dean Fergusson, chercheur sénior
à l'Institut de recherche de L'Hôpital d'Ottawa et à l'Université
d'Ottawa.
Plus précisément, 423 patients sont morts dans les 90 jours suivant
la transfusion dans le groupe de patients qui ont reçu du sang
frais, comparativement à 398 patients décédés dans le groupe ayant
reçu du sang plus âgé.
"Auparavant, des études observationnelles et en laboratoire
laissaient entendre que le sang frais était meilleur en raison de la
détérioration des globules rouges et de l'accumulation de toxines
pendant l'entreposage. Mais cette vaste étude clinique montre
clairement que ces changements n'affectent pas la qualité du sang",
affirme le Dr Alan Tinmouth, médecin et chercheur à l'Institut de
recherche de L'Hôpital d'Ottawa et à l'Université d'Ottawa.
Selon les normes actuelles, on entrepose le sang jusqu'à 42 jours.
Mais au cours des dernières décennies, les médecins ont commencé à
demander du sang frais pour leurs malades, pensant que c'était la
bonne chose à faire. Pour les agences de collecte de sang et pour
les centres hospitaliers, cela complique la donne en raison de
l'approvisionnement limité et parce que la politique actuelle de
gestion est de distribuer le sang sur la base du premier entré,
premier sorti, pour éviter le gaspillage.
Source :
Old blood as good as fresh in patients with life threatening
illnesses (Institut de Recherches de l'Hôpital d'Ottawa). |
|