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Les résultats de la première grande
étude transcontinentale du génome des africains révèlent des aspects
méconnus du peuplement du berceau de l’humanité.
On sait que l'Afrique est la région du monde ou la diversité
génétique humaine la plus grande. Mais comment cette diversité
est-elle structurée ? Le Projet d’étude des variations du génome
africain (African
Genome Variation Project), conduit par Deepti Gurdasani, de
l’institut Sanger de recherche en génomique, commence à le révéler.
Les chercheurs ont analysé deux types de données : d’une part des
données génotypiques (les versions de certains gènes) de 1481
individus provenant de 18 groupes ethnolinguistiques différents à
travers l’Afrique subsaharienne ; d’autre part les séquençages
complets des génomes de 320 individus représentant sept groupes
ethnolinguistiques de trois régions distinctes géographiquement, à
savoir l’Éthiopie (Afrique du Nord-est), l’Ouganda (Afrique de
l’Est) et l’Afrique du Sud.
Ces données fournissent la représentation la plus complète de la
diversité africaine à ce jour. La sélection représente en effet les
trois groupes ethnolinguistiques africains majeurs : le groupe des
langues nigéro-congolaises, la plus importante famille de langues
africaines (et du monde !) avec 1514 langues, le groupe des langues
nilo-sahariennes parlées surtout en Afrique subsaharienne orientale
et les langues afro-asiatiques (chamito-sémitiques) parlées dans le
Sahara, à l’Est de l’Afrique et au Proche-Orient. Or la formation de
ces groupes ethnolinguistiques a déterminé de façon essentielle les
sources de gènes et les flux géniques à l’origine de la diversité
génétique actuelle de l’Afrique.
Pour commencer, les chercheurs retrouvent dans leurs données la
trace de l’expansion bantoue. Cette expansion d'une population
paysanne originaire du Cameroun et du Nigéria actuels vers l'Afrique
forestière puis orientale et australe se serait produite il y a 3000
à 5000 ans. Elle est à l’origine des quelque 450 langues
nigéro-congolaises apparentées en Afrique.
Retour aux sources
Plus surprenant, les chercheurs ont aussi mis en évidence un flux de
gènes entre l’Eurasie et l’Afrique de l’Est, survenu entre 7500 ans
et 10500 ans. Particulièrement évident chez les Éthiopiens, ce
métissage entre Eurasiens et Africains traduit ainsi un "retour"
dans le berceau de l’humanité des gènes dispersés hors d’Afrique des
dizaines de milliers d’années plus tôt lors des vagues successives
de sortie d’Homo sapiens hors d’Afrique successives. En masquant
dans les données les gènes d’origines eurasiatiques, les chercheurs
ont constaté que la diversité génétique africaine décroît fortement,
ce qui prouve que les gènes eurasiatiques y ont contribué de façon
considérable. Deux interprétations sont possibles : soit la genèse
des ethnies découle du mélange à grande échelle de composantes
génétiques différentes, dont la composante eurasiatique ; soit
plusieurs petits groupes eurasiatiques se sont dispersés en Afrique,
où ils ont ensuite été chacun soumis à une forte sélection, qui a
accru la diversité de l’apport eurasiatique global. Ainsi, la
fondation du groupe Niger-Congo (bantou), qui représente aujourd’hui
la majorité de la population africaine, semble résulter de la
contribution d’un très grand nombre d’individus, dont des
Eurasiatiques, à l’époque de l’expansion bantoue.
Tout aussi intéressantes sont les traces de gènes buhsmen (ou
Khoïsans, des chasseurs-cueilleurs antérieurs à l’expansion bantoue)
partout en Afrique. On en trouve même dans le génome ouest-africain,
ce qui suggère que les Khoïsans correspondent à une population
ancienne qui constituerait le substrat génétique originel de
l’Afrique sub-saharienne. Au cours de leur expansion, les bantous
auraient repoussé les Khoïsans dans les forêts et les déserts, mais
se seraient aussi mélangés à eux.
L’étude de Deepti Gurdasani et de ses collègues ne représente qu’une
première exploration schématique du vaste réservoir génétique
africain. Particulièrement riche et intéressante, cette étude sera
poursuivie.
Sources :
African Genome Variation Project (Institut Sanger)
The African genome Variation Project shapes medical genetics in
Africa (Nature) |
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