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Depuis Einstein, les scientifiques
connaissent la double nature de la lumière, à la fois ondulatoire,
telle une onde se déplaçant à la surface d'un liquide, et
corpusculaire, comme les fines gouttelettes de colorant projetées
par les imprimantes à jet d'encre sur le papier. Toutefois, même si
un grand nombre d’expériences ont permis d’étudier avec succès ces
deux comportements, jamais on n’a pu les observer en même temps.
Lorsque de la lumière UV frappe une surface métallique, elle
provoque l’émission d’électrons. Pour expliquer cet effet
"photoélectrique", Albert Einstein a démontré que la lumière - que
l’on croyait jusque-là n’être qu’une onde - était aussi un faisceau
de particules. L'onde ou la particule pouvait être observées, mais
toujours à des moments différents. En utilisant une approche
expérimentale radicalement nouvelle, les scientifiques de l’Ecole
Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, ont pu prendre
le premier instantané jamais réalisé de la lumière se comportant à
la fois comme une onde et comme une particule. Le résultat vient
d'être publié dans Nature Communications.
Une nouvelle approche basée sur une idée a priori étrange
Une équipe de chercheurs de l'EPFL, conduite par le professeur
Fabrizio Carbone, du Laboratoire pour la microscopie et la diffusion
d'électrons, a mené une expérience basée sur une idée ingénieuse:
utiliser des électrons pour photographier la lumière. Les chercheurs
ont ainsi réussi, pour la première fois, une photographie unique de
la lumière vue simultanément sous la forme d’une onde et d’un
faisceau de particules.
Pour réaliser cette expérience, une impulsion laser est d'abord
envoyée sur un minuscule nano-fil d'argent. Le laser ajoute de
l’énergie aux particules chargées dans le métal du nano-fil, ce qui
les fait vibrer. La lumière voyage ainsi le long du minuscule fil
dans deux directions possibles, comme des voitures sur une
autoroute. Lorsque les ondes voyageant dans des directions opposées
se rencontrent, elles forment une nouvelle onde, qui paraît rester
immobile: nous sommes en présence d'une onde dite stationnaire.
Celle-ci devient elle-même une source de lumière et rayonne le long
du fil.
Lorsque ce résultat est atteint, un flux d’électrons est envoyé à
proximité du nano-fil, qui sont utilisés pour photographier l’onde
de lumière stationnaire. Lorsque les électrons interagissent avec la
lumière confinée du nano-fil, certains accélèrent, d’autres
ralentissent. En utilisant un microscope ultrarapide pour
photographier l’endroit où ce changement de vitesse avait lieu,
l’équipe de Carbone a pu alors visualiser l’onde stationnaire, qui
signe la nature ondulatoire de la lumière.
Mais tandis que ce phénomène montre la nature d’onde de la lumière,
il démontre aussi, en même temps, sa nature de particule. En effet,
lorsque les électrons passent à proximité de l’onde stationnaire,
ils "percutent" les particules de lumière, les photons. Comme
mentionné plus haut, ceci affecte leur vitesse, les accélérant ou
les ralentissant. Ce changement de vitesse apparaît comme un échange
de "paquets" d’énergie (quanta) entre les électrons et les photons.
L’existence même de ces paquets d’énergie montre que la lumière se
comporte comme une particule.
"L’expérience démontre pour la toute première fois que l’on peut
filmer directement la mécanique quantique - et sa nature
paradoxale", explique Fabrizio Carbone. De plus, l’importance de ce
travail pionnier pourra s’étendre au-delà de la science fondamentale
et vers de futures technologies. Comme l’explique aussi le
chercheur, "être en mesure de photographier et de contrôler des
phénomènes quantiques à l’échelle nanométrique ouvre de nouvelles
perspectives vers l’informatique quantique".
Cette imagerie n'aurait pu être réalisée sans le microscope à
transmission ultrarapide de l'EPFL, l’un des deux seuls microscopes
au monde capable de distinguer les particules en fonction de leur
énergie embarquée.
Source :
Simultaneous observation of the quantization and the interference
pattern of a plasmonic near-field (Nature Communications,
livraison du 2 mars 2015). |
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