4 mars 2015

 

Les natures ondulatoire et corpusculaire de la lumière observées simultanément pour la première fois

 
Depuis Einstein, les scientifiques connaissent la double nature de la lumière, à la fois ondulatoire, telle une onde se déplaçant à la surface d'un liquide, et corpusculaire, comme les fines gouttelettes de colorant projetées par les imprimantes à jet d'encre sur le papier. Toutefois, même si un grand nombre d’expériences ont permis d’étudier avec succès ces deux comportements, jamais on n’a pu les observer en même temps.

Lorsque de la lumière UV frappe une surface métallique, elle provoque l’émission d’électrons. Pour expliquer cet effet "photoélectrique", Albert Einstein a démontré que la lumière - que l’on croyait jusque-là n’être qu’une onde - était aussi un faisceau de particules. L'onde ou la particule pouvait être observées, mais toujours à des moments différents. En utilisant une approche expérimentale radicalement nouvelle, les scientifiques de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, ont pu prendre le premier instantané jamais réalisé de la lumière se comportant à la fois comme une onde et comme une particule. Le résultat vient d'être publié dans Nature Communications.

Une nouvelle approche basée sur une idée a priori étrange

Une équipe de chercheurs de l'EPFL, conduite par le professeur Fabrizio Carbone, du Laboratoire pour la microscopie et la diffusion d'électrons, a mené une expérience basée sur une idée ingénieuse: utiliser des électrons pour photographier la lumière. Les chercheurs ont ainsi réussi, pour la première fois, une photographie unique de la lumière vue simultanément sous la forme d’une onde et d’un faisceau de particules.

Pour réaliser cette expérience, une impulsion laser est d'abord envoyée sur un minuscule nano-fil d'argent. Le laser ajoute de l’énergie aux particules chargées dans le métal du nano-fil, ce qui les fait vibrer. La lumière voyage ainsi le long du minuscule fil dans deux directions possibles, comme des voitures sur une autoroute. Lorsque les ondes voyageant dans des directions opposées se rencontrent, elles forment une nouvelle onde, qui paraît rester immobile: nous sommes en présence d'une onde dite stationnaire. Celle-ci devient elle-même une source de lumière et rayonne le long du fil.

Lorsque ce résultat est atteint, un flux d’électrons est envoyé à proximité du nano-fil, qui sont utilisés pour photographier l’onde de lumière stationnaire. Lorsque les électrons interagissent avec la lumière confinée du nano-fil, certains accélèrent, d’autres ralentissent. En utilisant un microscope ultrarapide pour photographier l’endroit où ce changement de vitesse avait lieu, l’équipe de Carbone a pu alors visualiser l’onde stationnaire, qui signe la nature ondulatoire de la lumière.

Mais tandis que ce phénomène montre la nature d’onde de la lumière, il démontre aussi, en même temps, sa nature de particule. En effet, lorsque les électrons passent à proximité de l’onde stationnaire, ils "percutent" les particules de lumière, les photons. Comme mentionné plus haut, ceci affecte leur vitesse, les accélérant ou les ralentissant. Ce changement de vitesse apparaît comme un échange de "paquets" d’énergie (quanta) entre les électrons et les photons. L’existence même de ces paquets d’énergie montre que la lumière se comporte comme une particule.

"L’expérience démontre pour la toute première fois que l’on peut filmer directement la mécanique quantique - et sa nature paradoxale", explique Fabrizio Carbone. De plus, l’importance de ce travail pionnier pourra s’étendre au-delà de la science fondamentale et vers de futures technologies. Comme l’explique aussi le chercheur, "être en mesure de photographier et de contrôler des phénomènes quantiques à l’échelle nanométrique ouvre de nouvelles perspectives vers l’informatique quantique".

Cette imagerie n'aurait pu être réalisée sans le microscope à transmission ultrarapide de l'EPFL, l’un des deux seuls microscopes au monde capable de distinguer les particules en fonction de leur énergie embarquée.

Source :

Simultaneous observation of the quantization and the interference pattern of a plasmonic near-field (Nature Communications, livraison du 2 mars 2015).

 

 

 
En haut : intensité de la perte d'énergie des électrons au cours d'une impulsion optique sur un nanofil d'argent (longueur 5,7 µm, rayon 67 nm). En bas : instantanés du nanofil sur une plage de 2 picosecondes représentée par l'accolade blanche sur l'image du haut (Energy filtered images), isolant les électrons qui ont acquis de l'énergie. Le nombre d'électrons est représenté sur une échelle linéaire à droite. Crédit EPFL.
 
 
 

 
Le microscope à transmission ultrarapide de l'EPFL. Crédit EPFL.
 

 

 
 
 

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