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Les scientifiques estiment que le nombre
de cellules composant notre corps est dix fois moins important que
le nombre de cellules des micro-organismes (bactéries, champignons…)
et de virus peuplant notre système digestif. La connaissance de
cette flore étant indispensable dans la mise au point de nombreux
traitements, entre autres contre l'obésité et de nombreuses maladies
inflammatoires, les chercheurs explorent sans relâche ce qu'ils
considèrent la "matière noire" de la biologie, à l'instar de la
matière noire de la cosmologie, cette importante composante de
l'Univers dont on déduit la présence mais dont on ignore la nature.
Cette science s'appelle la métagénomique, et consiste le plus
souvent à prélever un bout de milieu naturel, par exemple des
matières fécales, et à dresser le catalogue des génomes que l'on y
trouve.
Une équipe internationale de chercheurs dirigée par le professeur
Robert A. Edwards, bioinformaticien à l'Université de San Diego,
s'est intéressée en particulier au virome intestinal, c'est-à-dire
aux séquences génétiques appartenant aux virus, essentiellement des
bactériophages (ou phages). Et les résultats de cette étude sont
interpellants…
La recherche a débuté sur un tout petit échantillon prélevé sur
douze individus, tous de sexe féminin. Les scientifiques ont été
surpris de constater la présence chez toutes les personnes en
question, du génome d'un même virus, 97.000 paires de bases, qui ne
correspondait à aucune entité connue. Un tel panel étant largement
insuffisant pour apporter une conclusion, l'équipe a ensuite passé
au crible de nombreux autres articles traitant de métagénomique
concernant des centaines, ou des milliers d'autres individus
provenant de divers continents. Et là, surprise, le même génome,
parfaitement inconnu, était systématiquement présent chez toutes les
populations testées, simplement rangé dans la catégorie "inconnus"
car ne correspondant à aucune séquence virale cataloguée. Comme le
souligne l'étude de Nature Communications, "tout le monde est
d'accord pour dire que les inconnus sont importants, cependant
ceux-ci sont en général ignorés"...
D'après les extrapolations effectuées par les chercheurs, un humain
sur deux abriterait ce phage. "Cette observation", dit
l'étude, "s'élève contre l'opinion communément admise que le
virome intestinal est unique à chaque individu et elle suggère que
quelques phages pourraient être fréquents chez les humains de par le
monde." Etant donné qu'on ne le trouve pas chez les très jeunes
bébés, on suppose que ce virus s'invite dans l'appareil digestif au
cours de l'enfance. "Pour autant qu'on puisse en juger",
explique l'un des auteurs de l'étude, Robert Edwards, chercheur à la
San Diego State University, "il est aussi vieux que le sont les
humains." Ainsi que l'explique un autre co-auteur, John Mokili,
lui aussi de la San Diego State University, "il n'est pas
inhabituel de partir en quête d'un nouveau virus et d'en trouver un.
Mais c'est très inhabituel d'en trouver un qui soit commun à tant de
gens. Il est étrange qu'il ait échappé si longtemps au radar."
Pour le moment, baptisé crAssphage (en référence au programme dit de
"cross-assembly"
qui a permis de déterminer sa présence), ce virus reste en quelque
sorte virtuel. On sait qu'il est là, quelque part dans les intestins
de milliards d'humains, mais on n'a pas encore vraiment mis la main
dessus. Une fois qu'il sera isolé, les chercheurs espèrent
déterminer à quelle bactérie de la flore intestinale il s'en prend
et si cette attaque est bénéfique ou pas pour les hôtes.
Sources :
A highly abundant bacteriophage discovered in the unknown sequences
of human faecal metagenomes (Nature Communications)
Novel Virus Discovered in Half the World's Population (San Diego
State University) |
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