27 juin 2015

 

L'étude de trois étoiles de l'âge sombre remet en cause les théories sur leur formation

 
Trois étoiles nouvellement découvertes par une équipe internationale chercheurs du CNRS et situées à plus de 13 milliards d'années-lumière, observées telles qu'elles étaient alors que l'Univers était âgé de moins de 500 millions d'années, présentent des compositions et des tailles singulières remettant en cause tous les modèles théoriques établis jusqu'ici sur leur formation.

Lors de l’âge sombre, l’Univers était rempli d’hydrogène neutre et les étoiles n’étaient pas encore formées. Dans ce cadre, aussitôt que les étoiles ont commencé à se former elles ont "ré-ionisé" l’hydrogène, et les photons ont alors pu se propager pour éventuellement parvenir jusqu’à nous… Aujourd’hui nous pouvons observer la faible lueur de cette première génération d’étoiles.

Les toutes premières étoiles de l'Univers étaient et d'évolution rapide. Elles ont formé progressivement de - très - petites quantités d'éléments lourds (comme le carbone, le fer…) qu'elles ont répandu dans la matière interstellaire lors de leur explosion finale. Les seules étoiles qui peuvent encore actuellement témoigner de cet âge sombre sont les étoiles de faible masse, bien plus faible que celle du Soleil : elles ont une évolution très lente, un durée de vie très longue et elles subsistent de nos jours. Leur matière primitive contient peu d'éléments lourds car ceux-ci commençaient à peine à apparaître dans l'univers. Or la théorie prédit qu'il est difficile de former des étoiles de petite masse à partir de matière contenant peu de métaux car ils sont nécessaires pour assurer le refroidissement des divers éléments qui se condensent ensuite en étoile.

Une composition difficile à expliquer

Les trois étoiles nouvellement découvertes datent de l’âge sombre (il y a 13 milliard d’année) et sont des étoiles de faible masse qui comportent cent mille fois moins de fer que le Soleil, contredisant les prédictions théoriques. Cela démontre que le mécanisme de formation des premières générations d’étoiles doit nécessairement pouvoir conduire aussi à la formation d’étoile de faible masse telles que le Soleil voire moins (tout en contenant peu d’éléments lourds).

L’étude des abondances relatives des éléments composant ces étoiles révèle qu’elles ont une importante abondance de carbone en comparaison à celle d’éléments plus lourds tels que le fer. Cela signifie que ces étoiles anciennes appartiennent à une classe particulière d’étoiles dont un premier "prototype" avait déjà été identifié en 1998 (1). Or la présence d’une fraction importante de carbone pourrait être un ingrédient essentiel à la formation des étoiles de faible masse grâce à la grande efficacité de cet élément sous toutes ses formes à refroidir le nuage primordial lorsqu’il se contracte.

Cependant, dans une autre étude, le même groupe a découvert l’étoile SDSS J102915+172927 (2) qui est particulièrement exceptionnelle car elle contient certes autant de fer que les 3 étoiles de la présente étude. Plus précisément elle ne présente pas de surabondance de carbone par rapport au fer.

Or si le carbone contribue fortement au refroidissement, celui-ci n’est pas suffisant pour permettre la formation d’étoiles de masse inférieure à 10 masses solaires. Pour franchir ce seuil et parvenir à la formation d’étoiles de la taille de celles observées ici, il faut un mécanisme de refroidissement supplémentaire plus important tel que le refroidissement par les poussières. C’est le seul processus susceptible d'amener le gaz du nuage primordial dans le bon régime de masses.

Un nouveau modèle de formation est nécessaire

L’étude des éléments au sein de ces étoiles suggère donc un nouveau scénario de la formation des premières étoiles. Il faut également expliquer le taux de carbone particulièrement élevé observé dans une des étoiles. Les étoiles ne se forment pas isolément, mais en groupe, au sein de petits halos de matière sombre. Les étoiles massives en fin de vie, expulsent la matière qu’elles ont formée, mais une partie, notamment les éléments légers comme le carbone et l’oxygène, retombent vers l’étoile. Certaines supernovæ, de faible énergie d’explosion, n’expulsent que les couches plus externes, notamment celles qui contiennent les éléments légers comme le carbone et l’oxygène. C'est cela qui permet d’expliquer l’enrichissement particulier en carbone des étoiles formées ultérieurement à partir de cette matière expulsée.

Si ce scénario apporte un nouveau regard sur la formation des premières générations d’étoiles, avec ces observations, les astronomes font aussi face à une nouvelle question car dans l’atmosphère de ces étoiles on pourrait s’attendre à observer du lithium, puisque celui-ci a été produit en même temps que l’hélium au moment du Big Bang. Pourtant aucune trace de lithium n’a été observée dans ces étoiles. Un mystère de plus qui fait de ces étoiles des premiers âges des objets d’autant plus fascinants à étudier.

(1) A carbon-rich extremely-metal-poor star, P. Bonifacio, P. Molaro, T.C. Beers, G. Vladilo, Astronomy and Astrophysics, v.332, p.672-680 (1998) : CS 22957-027.

(2) An extremely primitive star in the Galactic halo, E. Caffau, P. Bonifacio, P. François, et al., Nature, Volume 477, Issue 7362, pp. 67-69 (2011)

Source principale :

On the bimodality of carbon abundance in CEMP stars - Implications on the early chemical evolution of galaxies, P. Bonifacio et al., Astronomy and Astrophysics, juin 2015.
 

 
 

 

 
 
 

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