Trois étoiles nouvellement
découvertes par une équipe internationale chercheurs du CNRS et
situées à plus de 13 milliards d'années-lumière, observées telles
qu'elles étaient alors que l'Univers était âgé de moins de 500
millions d'années, présentent des compositions et des tailles
singulières remettant en cause tous les modèles théoriques établis
jusqu'ici sur leur formation.
Lors de l’âge sombre, l’Univers était rempli d’hydrogène neutre et
les étoiles n’étaient pas encore formées. Dans ce cadre, aussitôt
que les étoiles ont commencé à se former elles ont "ré-ionisé"
l’hydrogène, et les photons ont alors pu se propager pour
éventuellement parvenir jusqu’à nous… Aujourd’hui nous pouvons
observer la faible lueur de cette première génération d’étoiles.
Les toutes premières étoiles de l'Univers étaient et d'évolution
rapide. Elles ont formé progressivement de - très - petites
quantités d'éléments lourds (comme le carbone, le fer…) qu'elles ont
répandu dans la matière interstellaire lors de leur explosion
finale. Les seules étoiles qui peuvent encore actuellement témoigner
de cet âge sombre sont les étoiles de faible masse, bien plus faible
que celle du Soleil : elles ont une évolution très lente, un durée
de vie très longue et elles subsistent de nos jours. Leur matière
primitive contient peu d'éléments lourds car ceux-ci commençaient à
peine à apparaître dans l'univers. Or la théorie prédit qu'il est
difficile de former des étoiles de petite masse à partir de matière
contenant peu de métaux car ils sont nécessaires pour assurer le
refroidissement des divers éléments qui se condensent ensuite en
étoile.
Une composition difficile à expliquer
Les trois étoiles nouvellement découvertes datent de l’âge sombre
(il y a 13 milliard d’année) et sont des étoiles de faible masse qui
comportent cent mille fois moins de fer que le Soleil, contredisant
les prédictions théoriques. Cela démontre que le mécanisme de
formation des premières générations d’étoiles doit nécessairement
pouvoir conduire aussi à la formation d’étoile de faible masse
telles que le Soleil voire moins (tout en contenant peu d’éléments
lourds).
L’étude des abondances relatives des éléments composant ces étoiles
révèle qu’elles ont une importante abondance de carbone en
comparaison à celle d’éléments plus lourds tels que le fer. Cela
signifie que ces étoiles anciennes appartiennent à une classe
particulière d’étoiles dont un premier "prototype" avait déjà été
identifié en 1998 (1). Or la
présence d’une fraction importante de carbone pourrait être un
ingrédient essentiel à la formation des étoiles de faible masse
grâce à la grande efficacité de cet élément sous toutes ses formes à
refroidir le nuage primordial lorsqu’il se contracte.
Cependant, dans une autre étude, le même groupe a découvert l’étoile
SDSS J102915+172927 (2) qui est
particulièrement exceptionnelle car elle contient certes autant de
fer que les 3 étoiles de la présente étude. Plus précisément elle ne
présente pas de surabondance de carbone par rapport au fer.
Or si le carbone contribue fortement au refroidissement, celui-ci
n’est pas suffisant pour permettre la formation d’étoiles de masse
inférieure à 10 masses solaires. Pour franchir ce seuil et parvenir
à la formation d’étoiles de la taille de celles observées ici, il
faut un mécanisme de refroidissement supplémentaire plus important
tel que le refroidissement par les poussières. C’est le seul
processus susceptible d'amener le gaz du nuage primordial dans le
bon régime de masses.
Un nouveau modèle de formation est nécessaire
L’étude des éléments au sein de ces étoiles suggère donc un nouveau
scénario de la formation des premières étoiles. Il faut également
expliquer le taux de carbone particulièrement élevé observé dans une
des étoiles. Les étoiles ne se forment pas isolément, mais en
groupe, au sein de petits halos de matière sombre. Les étoiles
massives en fin de vie, expulsent la matière qu’elles ont formée,
mais une partie, notamment les éléments légers comme le carbone et
l’oxygène, retombent vers l’étoile. Certaines supernovæ, de faible
énergie d’explosion, n’expulsent que les couches plus externes,
notamment celles qui contiennent les éléments légers comme le
carbone et l’oxygène. C'est cela qui permet d’expliquer
l’enrichissement particulier en carbone des étoiles formées
ultérieurement à partir de cette matière expulsée.
Si ce scénario apporte un nouveau regard sur la formation des
premières générations d’étoiles, avec ces observations, les
astronomes font aussi face à une nouvelle question car dans
l’atmosphère de ces étoiles on pourrait s’attendre à observer du
lithium, puisque celui-ci a été produit en même temps que l’hélium
au moment du Big Bang. Pourtant aucune trace de lithium n’a été
observée dans ces étoiles. Un mystère de plus qui fait de ces
étoiles des premiers âges des objets d’autant plus fascinants à
étudier.
(1)
A
carbon-rich extremely-metal-poor star, P. Bonifacio, P.
Molaro, T.C. Beers, G. Vladilo, Astronomy and Astrophysics, v.332,
p.672-680 (1998) : CS 22957-027.
(2)
An extremely primitive star in the Galactic halo, E. Caffau,
P. Bonifacio, P. François, et al., Nature, Volume 477, Issue 7362,
pp. 67-69 (2011)
Source principale :
On the
bimodality of carbon abundance in CEMP stars - Implications on
the early chemical evolution of galaxies, P. Bonifacio et al.,
Astronomy and Astrophysics, juin 2015.
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