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Des outils vraisemblablement
manufacturés par des Australopithèques ont été mis au jour au Kenya,
à proximité du lac Turkana.
Il va falloir une fois de plus réviser l'histoire de l'avènement de
l'Homme sur la planète, et tout particulièrement de l'apparition de
la démarche intellectuelle permettant de franchir le cap depuis
l'utilisation d'objets utilisés comme outils, vers la conception et
la fabrication d'artefacts adaptés à une utilisation précise.
Cette découverte, qui remet en cause certaines de nos théories les
mieux étayées, nous la devons à une équipe d'archéologues conduite
par
Hélène Roche, directrice de recherche au CNRS et responsable de
la Mission Préhistorique Française au Kenya et co-responsable du
West Turkana Archaeological Project dont l’objectif est de
mettre en évidence l’évolution comportementale des hominidés de la
fin du pliocène et du début du pléistocène ancien. Au cours de
fouilles effectuées près du lac Turkana, des outils en pierre
taillée vieux de 3,3 millions d'années ont été découverts, reculant
de 700.000 ans l'âge des plus anciens outils attribués à l'Homme.
Cependant, l'implication la plus extraordinaire dans cette
découverte est qu'elle enlève au genre Homo (Homo sapiens, Homo
neanderthalensis) le mérite de la fabrication des premiers outils, et l'attribue dorénavant à l'australopithèque,
une espèce nettement différenciée qui a précédé le genre Homo.
En début d'année 2015, une mâchoire retrouvée en Éthiopie avait déjà
fait reculer de 400.000 ans l'apparition des hominidés pour la fixer
actuellement à 2,8 millions d'années. Aujourd'hui, la découverte de
nouveaux artefacts, et plus particulièrement de lourds blocs de lave
qui ont servi à produire des éclats tranchants, l'équipe
d'archéologues a bien dû se rendre à l'évidence : si le genre Homo
est apparu il y a 2,8 millions d'années, ils ne peuvent avoir été
fabriqués que par des individus plus anciens, assimilés à
l'australopithèque.
La notion de conscience est mouvante
Jusqu'à présent, la théorie officielle voulait que la fabrication
d'outils soit une des caractéristiques exclusives des hominidés,
mais Hélène Roche n'est pas du tout surprise de ce bouleversement.
L'archéologue du CNRS le soupçonnait déjà depuis longtemps. "J'avais
déjà trouvé des outils que je pensais avoir été fabriqués par des
australopithèques. C'était au milieu des années 70 et c'était
prématuré, ça n'avait pas fait consensus". Aujourd'hui encore, "il
y a des gens qui n'admettent pas que l'homme s'inscrive dans une
lignée de primates".
Si l'utilisation d'objets comme outils peut être élargie à nombre
d'espèces animales, la fabrication demande une intention et une
projection théorique de l'objet final désiré. Si cette
intentionnalité n'est plus une exclusivité humaine, cela va faire
bouger les frontières de la notion de conscience. Pour autant, la
distinction entre hominidés et australopithèques se fonde
essentiellement sur des caractéristiques physiques et ne devrait pas
être remise en cause par cette nouvelle découverte issue de la
vallée du Rift.
Les fouilles se poursuivent actuellement sur le même gisement, et
Hélène Roche est convaincue que de nouveaux outils attribués à
l'australopithèque seront bientôt découverts.
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