Lorsqu'un satellite entame sa rentrée
atmosphérique et traverse les couches denses de l'atmosphère
terrestre, l'échauffement génère autour de lui une couche de plasma
ionisé infranchissable par les ondes électromagnétiques. Durant
plusieurs minutes, plus aucune communication n'est possible, un
problème de sécurité que des décennies de recherche ont tenté, en
vain, de résoudre.
Plusieurs solutions avaient déjà été proposées, puis abandonnées,
faute d'avoir convaincu. Il avait été constaté, par exemple qu'un
objet présentant un nez pointu s'entoure d'une gaine de plasma moins
épaisse, ce qui en atténue l'effet. Mais cette configuration va à
l'encontre d'un freinage atmosphérique efficace et a été rejetée.
Une autre technique, dite des "fenêtres magnétiques", a aussi été
expérimentée. Elle consiste à aménager des couloirs à travers la
gaine de plasma au moyen de champs magnétiques, permettant ainsi une
communication entre les deux sens entre le satellite et le centre de
contrôle. En pratique, les expériences au sol ont démontré qu'un
champ de 0,15 tesla serait nécessaire pour obtenir un résultat
valable. Mais applicable dans le cas de petits objets dont
l'épaisseur de la couche de plasma est peu épaisse, elle exige
cependant une source d'énergie telle dans le cas d'un vaisseau
spatial de plusieurs tonnes qu'elle se révèle rapidement
inenvisageable. Une troisième possibilité était d'injecter un
liquide électrophile à travers la couche de plasma durant la phase
critique. Une solution apparemment simple et qui donne toute
satisfaction en laboratoire, mais qui se heurte rapidement au poids
supplémentaire prohibitif de sa mise en pratique dans le cas d'un
satellite.
Une solution née d'une constatation étrange
Pourtant, les gaines de plasma ne jouent pas toujours un rôle
néfaste dans les communications entre un satellite en cours de
rentrée atmosphérique (ou un véhicule hypersonique présenté dans
divers projets) et l'extérieur. Une expérience conduite par A.
Messiaen et P.
Vandenplas, chercheurs à
The Institution of
Engineering & Technology, a démontré que dans certaines
conditions, une gaine de plasma pouvait accroître l'intensité d'une
onde électromagnétique au lieu de l'atténuer. Ils ont pour cela
étudié le rayonnement d'une antenne sphérique entourée d'une couche
de plasma et se sont aperçus que, dans certaines conditions, le
rayonnement de l'antenne était plus puissant en présence de plasma
que sans.
Cette expérience, qui remonte à… 1967, trouve aujourd'hui une
explication relativement simple sous la plume de
Xiaotian Gao et Binhao Jiang (Harbin
Institute of Technology, Department of Electrical Engineering,
Harbin, Heilongjiang, Chine). En résumé, on peut considérer la
gaine de plasma comme un élément inductif du circuit d'antenne, et
l'espace libre l'entourant comme élément capacitif.
Circuit oscillant
Pour faire simple et sans entrer dans des détails plutôt
rébarbatifs, il est possible de comparer l'antenne et le plasma qui
l'entoure comme un condensateur, soit un système de stockage
d'énergie familier à tous ceux qui s'intéressent à tous ceux qui
s'intéressent de près ou de loin à l'électronique, tandis que l'air
environnant joue le rôle d'une inductance. Lorsque dans un circuit,
un condensateur et une inductance sont couplés, ils peuvent former
ce que l'on appelle un circuit oscillant.
"Lorsque que la fréquence de résonance est atteinte, l'énergie
peut être échangée entre les deux éléments et sans perte, exactement
comme le font les véritables capacités et inductances dans un
circuit électronique", explique Xiaotian Gao. "En
conséquence, le rayonnement électromagnétique peut se propager à
travers la couche de plasma comme si elle n'existait pas",
ajoute le chercheur.
Xiaotian Gao précise cependant que pour que cet effet de résonance
fonctionne, il est nécessaire que la longueur d'onde de l'émission
radio soit supérieure à l'épaisseur physique de la couche de plasma,
de sorte que la solution serait inefficace si la fréquence de
l'antenne était trop élevée.
Les propriétés de la couche de plasma peuvent aussi varier durant la
rentrée, cela ayant une influence sur ses propriétés. Pour pallier
cet inconvénient, Gao et ses collègues préconisent l'emploi d'une
couche isolante d'épaisseur déterminée, composée d'un matériau
isolant et résistant, entre la surface de l'antenne et le
plasma, ce qui aurait pour effet d'en stabiliser l'effet. Cette
"couche adaptée" comme il la nomme jouerait le rôle de l'isolant que l'on trouve entre
les deux surfaces conductrices d'un condensateur et qui en détermine
en partie les caractéristiques.
"Nous n'avons pas besoin de connaître très exactement les
propriétés de la couche de plasma, mais seulement de déterminer les
fourchettes de ces propriétés", explique Gao. "La 'couche
adaptée' pourra être ajustée par un système de contrôle automatique,
donc nous avons seulement besoin de connaître les plages pour nous
assurer que l'ensemble du système fonctionnera de manière appropriée".
Jean Etienne
Sources principales :
A matching approach to communicate through the plasma sheath
surrounding a hypersonic vehicle, Journal of Applied Physics #
117, 21 juin 2015.
A physical model of radiated enhancement of plasma-surrounded
antenna, Physics of Plasmas # 21 (2014).
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