22 mai 2015

 

Record d'énergie pulvérisé pour le LHC

 
Le LHC placé a fonctionné à une énergie de collision de 13 TeV (13.000 milliards d'électrons-volts), soit le double du précédent record enregistré en 2012.

Le Grand collisionneur de hadrons (LHC), construit dans un tunnel circulaire de 27 km à la frontière franco-suisse, est le plus grand et plus puissant accélérateur de particules du monde. Dans la nuit de mercredi à jeudi, la quantité d'énergie qu'il est capable de développer a été poussée à une valeur très proche de sa puissance maximale, qui est de 14 TeV, a officiellement annoncé l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN).

"La nuit dernière, des protons sont entrés en collision dans le Grand collisionneur de hadrons (LHC) pour la première fois à l'énergie record de 13 TeV (13.000 milliards d'électronvolts). Ces collisions tests doivent permettre de régler les systèmes qui protègent la machine et les détecteurs des particules qui s’écartent du faisceau", lit-on dans une déclaration du CERN.

En 2013, le collisionneur a été arrêté pour travaux de maintenance et de consolidation après avoir fonctionné pendant trois ans. En avril, les faisceaux de protons ont fait leur retour pour la première fois dans l'accélérateur. De nouvelles expériences scientifiques sont prévues pour début juin.

D'un coût de plus de 6 milliards d'euros, le LHC est construit à 100 m sous terre, à cheval sur la frontière entre la France et la Suisse. Il a démarré en septembre 2008.

En 2012, le CERN a annoncé avoir découvert le boson de Higgs, une particule instable faisant partie du mécanisme qui donne leur masse aux autres particules de l'Univers et dont l'existence n'avait jusqu'alors jamais été prouvée. Des physiciens, techniciens et ingénieurs de plus de 80 pays participent aux expériences du LHC.

Vous avez dit "boson" ?

Un boson est une particule élémentaire qui exerce une force d'interaction entre les autres particules élémentaires. Les bosons sont à l'origine des différentes forces observées dans la nature comme la force nucléaire, la force faible responsable de la radioactivité ou l'électromagnétisme. Ce sont des bosons qui, par exemple, sont à l'œuvre dans la force d'attraction des aimants.

Pour comprendre la physique des particules, il faut recourir à des analogies issues du monde macroscopique qui est le nôtre. "Dans un mur de briques, les bosons seraient le ciment qui permet aux briques de tenir ensemble", explique Yves Sirois, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris et responsable de l'équipe de 25 chercheurs français qui a contribué à cette expérience internationale sans précédent. "Dans le cas du boson de Higgs, il est plus exact de parler d'un champ d'énergie; ce boson est la manifestation visible du champ de Higgs, un peu comme les vagues qu'on voit sur la mer".

Les particules interagissent avec ce champ en le traversant et acquièrent alors une masse. Les particules massives sont ainsi apparues dans les premiers milliardièmes de seconde après le big bang, donnant de la substance à la matière qui a pu s'organiser. L'existence de ce champ a été postulée en 1964 par les physiciens François Englert et Peter Higgs. La confirmation de la théorie obtenue grâce à l'expérience réalisée au CERN en 2012 a valu aux deux théoriciens le prix Nobel de physique en 2013.

Il aura fallu 30 ans de travaux théoriques et pratiques pour en arriver là. La construction de l'accélérateur de particules a elle-même nécessité 19 ans. Il s'agit d'une étape majeure dans l'histoire de la physique, comparable à la découverte de l'électricité pour la technologie et de l'ADN pour la biologie.

"Le fait d'avoir démontré l'existence du boson de Higgs change le récit de l'Univers et notre compréhension de la matière", affirme le chercheur. Ce fut un moment d'autant plus palpitant que de nombreux physiciens dans le monde doutaient de l'existence du champ de Higgs.

"D'autres hypothèses que ce boson pouvaient expliquer la masse des particules. Si un accélérateur aussi puissant que le LHC a été construit, c'est parce que nous pensions que ce boson n'allait pas être découvert et qu'il nous faudrait pousser l'expérimentation plus loin. Le nouveau problème auquel nous faisons maintenant face est de résoudre l'instabilité qu'apporte ce boson dans la théorie : il suffirait d'un infime changement dans ce champ pour que l'Univers disparaisse instantanément. Mais il est stable depuis 13 milliards d'années. Il doit bien y avoir une explication ! L'une des explications serait l'existence de multiples Univers. Mais peut-être qu'il existe aussi d'autres champs que le Higgs qui restent à mettre au jour dans les prochaines années".

La découverte du boson de Higgs n'a pas été instantanée. Pire que de chercher une aiguille dans une botte de foin, l'expérience du CERN a tenu les chercheurs en haleine jour et nuit pendant trois ans au cours desquels des milliards de milliards de collisions de protons à protons ont été produites. "On parle de 400 millions de collisions à la seconde et 99 % d'entre elles sont rejetées", précise le physicien. "Seulement une collision sur un milliard présente des résultats intéressants et c'est la compilation de ces données qui nous a livré la signature du boson de Higgs".

 

 

 
Vue interne du LHC (Crédit : CERN).
 

 

 
 
 

Retour

Commentez cet article dans le forum