Le LHC placé a fonctionné à une
énergie de collision de 13 TeV (13.000 milliards d'électrons-volts),
soit le double du précédent record enregistré en 2012.
Le Grand collisionneur de hadrons (LHC), construit dans un tunnel
circulaire de 27 km à la frontière franco-suisse, est le plus grand
et plus puissant accélérateur de particules du monde. Dans la nuit
de mercredi à jeudi, la quantité d'énergie qu'il est capable de
développer a été poussée à une valeur très proche de sa puissance
maximale, qui est de 14 TeV, a officiellement annoncé l'Organisation
européenne pour la recherche nucléaire (CERN).
"La nuit dernière, des protons sont entrés en collision dans le
Grand collisionneur de hadrons (LHC) pour la première fois à
l'énergie record de 13 TeV (13.000 milliards d'électronvolts). Ces
collisions tests doivent permettre de régler les systèmes qui
protègent la machine et les détecteurs des particules qui s’écartent
du faisceau", lit-on dans une déclaration du CERN.
En 2013, le collisionneur a été arrêté pour travaux de maintenance
et de consolidation après avoir fonctionné pendant trois ans. En
avril, les faisceaux de protons ont fait leur retour pour la
première fois dans l'accélérateur. De nouvelles expériences
scientifiques sont prévues pour début juin.
D'un coût de plus de 6 milliards d'euros, le LHC est construit à 100
m sous terre, à cheval sur la frontière entre la France et la
Suisse. Il a démarré en septembre 2008.
En 2012, le CERN a annoncé avoir découvert le boson de Higgs, une
particule instable faisant partie du mécanisme qui donne leur masse
aux autres particules de l'Univers et dont l'existence n'avait
jusqu'alors jamais été prouvée. Des physiciens, techniciens et
ingénieurs de plus de 80 pays participent aux expériences du LHC.
Vous avez dit "boson" ?
Un boson est une particule élémentaire qui exerce une force
d'interaction entre les autres particules élémentaires. Les bosons
sont à l'origine des différentes forces observées dans la nature
comme la force nucléaire, la force faible responsable de la
radioactivité ou l'électromagnétisme. Ce sont des bosons qui, par
exemple, sont à l'œuvre dans la force d'attraction des aimants.
Pour comprendre la physique des particules, il faut recourir à des
analogies issues du monde macroscopique qui est le nôtre. "Dans
un mur de briques, les bosons seraient le ciment qui permet aux
briques de tenir ensemble", explique Yves Sirois, directeur de
recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à
Paris et responsable de l'équipe de 25 chercheurs français qui a
contribué à cette expérience internationale sans précédent. "Dans
le cas du boson de Higgs, il est plus exact de parler d'un champ
d'énergie; ce boson est la manifestation visible du champ de Higgs,
un peu comme les vagues qu'on voit sur la mer".
Les particules interagissent avec ce champ en le traversant et
acquièrent alors une masse. Les particules massives sont ainsi
apparues dans les premiers milliardièmes de seconde après le big
bang, donnant de la substance à la matière qui a pu s'organiser.
L'existence de ce champ a été postulée en 1964 par les physiciens
François Englert et Peter Higgs. La confirmation de la théorie
obtenue grâce à l'expérience réalisée au CERN en 2012 a valu aux
deux théoriciens le prix Nobel de physique en 2013.
Il aura fallu 30 ans de travaux théoriques et pratiques pour en
arriver là. La construction de l'accélérateur de particules a
elle-même nécessité 19 ans. Il s'agit d'une étape majeure dans
l'histoire de la physique, comparable à la découverte de
l'électricité pour la technologie et de l'ADN pour la biologie.
"Le fait d'avoir démontré l'existence du boson de Higgs change le
récit de l'Univers et notre compréhension de la matière",
affirme le chercheur. Ce fut un moment d'autant plus palpitant que
de nombreux physiciens dans le monde doutaient de l'existence du
champ de Higgs.
"D'autres hypothèses que ce boson pouvaient expliquer la masse
des particules. Si un accélérateur aussi puissant que le LHC a été
construit, c'est parce que nous pensions que ce boson n'allait pas
être découvert et qu'il nous faudrait pousser l'expérimentation plus
loin. Le nouveau problème auquel nous faisons maintenant face est de
résoudre l'instabilité qu'apporte ce boson dans la théorie : il
suffirait d'un infime changement dans ce champ pour que l'Univers
disparaisse instantanément. Mais il est stable depuis 13 milliards
d'années. Il doit bien y avoir une explication ! L'une des
explications serait l'existence de multiples Univers. Mais peut-être
qu'il existe aussi d'autres champs que le Higgs qui restent à mettre
au jour dans les prochaines années".
La découverte du boson de Higgs n'a pas été instantanée. Pire que de
chercher une aiguille dans une botte de foin, l'expérience du CERN a
tenu les chercheurs en haleine jour et nuit pendant trois ans au
cours desquels des milliards de milliards de collisions de protons à
protons ont été produites. "On parle de 400 millions de
collisions à la seconde et 99 % d'entre elles sont rejetées",
précise le physicien. "Seulement une collision sur un milliard
présente des résultats intéressants et c'est la compilation de ces
données qui nous a livré la signature du boson de Higgs".
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