Tous les organismes vivants ne tirent
pas leur énergie de la respiration classique où l'oxygène est
transformé en dioxyde de carbone pour permettre l'oxydation des
molécules carbonées. Certaines bactéries, que l'on trouve par
exemple sur les planchers océaniques, ont la propriété de pouvoir
respirer du souffre. Des
chercheurs de l'Institut
Weizmann (Rehovot, Israël) ont développé un modèle décrivant le
métabolisme de ces bactéries qui permet d'en déduire les conditions
environnementales dans lesquelles elles se trouvent. Par l'analyse
des roches sédimentaires, ce modèle permet de remonter dans le temps
et de comprendre quelles étaient les conditions environnementales.
De la vie au fond des océans
Il est toujours surprenant d'observer que de la vie puisse se
développer dans des conditions extrêmes. C'est par exemple le cas au
fond des océans où la nuit y est complète, le froid intense, les
pressions colossales et l'oxygène presque inexistant. Et pourtant la
vie subsiste puisqu'on y trouve des bactéries respirant du souffre.
Ces microorganismes jouent un rôle essentiel dans le cycle du
carbone et permettent de dégrader la matière organique qui se dépose
sur le fond des océans comme les carcasses des poissons. Un nouveau
modèle permet d'élucider un phénomène connu depuis déjà 60 ans.
Le fractionnement isotopique du souffre renseigne sur les
conditions environnementales
Il existe quatre isotopes stables différents du souffre et ces
bactéries discriminent parmi les quatre en fonction de leurs
conditions environnementales. A travers la respiration, ces microbes
prélèvent le sulfate qu'ils utilisent comme source d'énergie pour
leurs réactions métaboliques. Cependant ils ont une préférence pour
l'utilisation du sulfate provenant de l'isotope du souffre le plus
léger qu'ils fractionnent. On observe donc des molécules, issues du
métabolisme bactérien, enrichies en 32S et déficitaires
en 34S. Les expériences ont montré que ce fractionnement
diminue avec l'augmentation de la vitesse de respiration et augmente
lorsque la concentration en sulfate augmente. Ces observations ont
donc été essentielles pour interpréter les données géologiques des
isotopes de souffre reflétant alors des conditions passées.
Cependant un modèle permettant d'expliquer et prédire les profils
géologiques manquait.
Un modèle qui permet de remonter dans le temps
De récents travaux publiés dans la célèbre revue scientifique
Proceedings of the National Academy of Science (PNAS) issus de
la collaboration entre les laboratoires du Dr. Itay Halevy de
l'Institut Weizmann et le Dr. Boswell Wing de l'université McGill de
Montréal présentent une nouvelle approche combinant les principes de
différentes disciplines (de biochimie et des isotopes stables)
permettant de décrire l'activité métabolique de ces microorganismes.
Cette méthode permet de savoir dans quel environnement ces bactéries
se trouvent et plus intéressant encore, quelles ont été les
conditions environnementales passées. Pour créer leur modèle, les
chercheurs ont dû incorporer des informations sur les réactions
biochimiques et sur les différents facteurs environnementaux qui
régulent les processus métaboliques de ces bactéries.
Les chercheurs s'activent maintenant à confirmer leur modèle par des
résultats expérimentaux. Si le modèle décrit bien le processus, sa
valeur sera très importante pour décrire et comprendre
l'environnement en fonction de l'activité microbiologique, qu'elle
soit présente ou passée. En effet, l'analyse par ce modèle des
roches sédimentaires contenant du souffre permettrait aux
géoscientifiques de remonter dans le temps et de décrire l'histoire
passée. Ce modèle pourrait également s'adapter à d'autres éléments
que le souffre comme à l'azote. Il pourrait aider à la compréhension
de la dénitrification par les bactéries qui fractionnent les
isotopes d'azote et qui ont une forte contribution pour le cycle de
l'azote.
Source principale :
Microbes take their sulfur light (PNAS).
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