10 mai 2015

 

Un super-amas d’étoiles surpris à sa naissance dans l’Univers lointain

 
Dans le cadre d’un programme d’observations mené avec le télescope spatial Hubble, une équipe associant le CEA, le CNRS et l’université Paris-Diderot a découvert la naissance d’un super-amas d’étoiles au sein d’une galaxie très lointaine. C’est la première fois qu’une région de formation stellaire aussi jeune est observée dans l’Univers distant, permettant d’étudier les mécanismes physiques et les conditions de formation des étoiles trois milliards d’années après le Big-Bang. Ces résultats sont publiés le 7 mai dans la revue Nature.

Afin d’étudier les mécanismes de formation d’étoiles au sein des toutes premières structures formées dans l’Univers jeune, les astrophysiciens ont observé des galaxies très lointaines, couplant les données du télescope spatial Hubble et du télescope Subaru (Hawaii), et remontant ainsi au début de l’histoire de la formation des galaxies.

Ils ont ainsi pu observer une galaxie située à 11 milliards d’années-lumière, dans laquelle ils ont identifié la signature d’un amas géant constitué de très jeunes étoiles. Ce type de structures est connu : ce sont des régions denses et très actives de formation d’étoiles, au sein d’une galaxie. En revanche, le super-amas d’étoiles découvert par l’équipe est formé depuis seulement 10 millions d’années et contient une très grande quantité de gaz. Il formait en étoiles l’équivalent de 30 fois la masse du Soleil par an, avec une efficacité dix fois supérieure aux valeurs moyennes observées à cette époque de l’histoire cosmique.
 
 

 
Découverte d’un complexe de formation stellaire (« clump ») âgé d’environ 10 millions d’années dans une galaxie de l’Univers lointain. Indiqué par la flèche blanche, le super-amas est encore trop jeune pour être détecté grâce à la luminosité des étoiles existantes (à gauche. Il a donc été identifié grâce à l’émission de gaz ionisé (à droite). Les contours du super-amas ont été rajoutés sur l’image de gauche. La dimension de la galaxie est estimée à 50 000 années-lumière. © CEA/HST
 
Les propriétés physiques de cet objet indiquent qu’au début de l’Univers, les amas d’étoiles nouvellement formés au sein des galaxies résistent à l’action destructrice des vents stellaires et des supernovae, pouvant ainsi survivre plusieurs centaines de millions d’années, et ce contrairement aux prédictions de certains modèles théoriques.

Ce que disent les simulations numériques à très haute résolution

Pour compléter l’interprétation de ces résultats inédits, les chercheurs ont également développé un ensemble de simulations hydrodynamiques à très haute résolution en utilisant le supercalculateur du Très grand centre de calcul du CEA et du GENCI pour reproduire la formation de ces super-amas. Ces simulations montrent que, dans les galaxies riches en gaz, le gaz se fragmente et forme beaucoup de nouvelles étoiles dans une même région durant les premiers millions d’années, atteignant des valeurs concordant avec les données du super-amas observé.

Après une quinzaine de millions d’années environ, l’effet des vents stellaires provenant des jeunes étoiles massives et de l’explosion des premières supernovae devient suffisamment fort pour contrebalancer l’effondrement gravitationnel du gaz : la formation stellaire décroit alors progressivement.

Un possible mécanisme pour expliquer la croissance des bulbes de galaxies

La découverte d’un complexe de formation stellaire aussi jeune dans une galaxie lointaine a des implications capitales sur la compréhension de la formation des galaxies à l’échelle cosmologique. En effet, les super-amas recensés dans les autres galaxies distantes correspondent à des complexes d’étoiles nettement plus évolués et plus âgés. La rareté du phénomène découvert ici - un super-amas observé dans sa jeunesse, et présentant un taux de formation d’étoiles très élevé - implique que la durée de vie des super-amas observés dans l’Univers lointain pourrait atteindre au moins 500 millions d’années.

Cette nouvelle contrainte exclut certains scénarios théoriques qui prédisent la destruction rapide des super-amas jeunes par l’action des vents provenant des étoiles massives nouvellement formées, et corrobore l’idée que ceux-ci peuvent vivre suffisamment longtemps pour évoluer dans le disque galactique au sein duquel ils se sont formés. Ils pourraient alors migrer vers le coeur de la galaxie et jouer un rôle majeur dans la croissance du bulbe et du trou noir géant central.

Caractériser finement le rôle de ces super-amas dans l’évolution des galaxies nécessite une détermination encore plus précise de leurs propriétés physiques - comme leur taille et leur masse dynamique. C’est l’objectif au coeur des futurs travaux de l’équipe de chercheurs, requérant en particulier les moyens d’observation du réseau d'antennes ALMA (Atacama Large Millimeter Array, au Nord du Chili), ainsi que du futur télescope spatial James Webb Space Telescope (JWST) dont le lancement est prévu pour fin 2018.

Note : La formation des étoiles dans les galaxies lointaines

Quand l’Univers n’avait que 3 milliards d’années, les galaxies avaient des caractéristiques très différentes de celles qu’elles présentent aujourd’hui : leurs formes étaient plus irrégulières, et leurs disques étaient beaucoup plus riches en gaz, formant leurs étoiles beaucoup plus rapidement. Celles-ci naissaient au sein de gigantesques régions de formation stellaire, beaucoup plus massives et plus lumineuses que celles typiquement observées dans les galaxies proches. Pourtant, la manière dont ces gros complexes d’étoiles s’assemblaient n’est pas encore comprise, et leur évolution à l’échelle de l‘histoire cosmique est fortement débattue.

Leur faible luminosité apparente requiert l’utilisation de puissants moyens d’observation.

Source :

An extremely young massive clump forming by gravitational collapse in a primordial galaxy, A. Zanella, et. al., Nature, 07 mai 2015.

 

 

 
Simulations d’un super-amas similaire à celui observé (position A), 12 millions d’années après le début de sa formation. Encore jeune, il ne contient pas encore beaucoup d’étoiles (image de gauche), mais son taux de formation stellaire (SFR) est particulièrement fort (à droite). © Projet Coast – Genci
 

 

 
 
 

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