9 juin 2015

 

Les scientifiques tentent de synthétiser des composés organiques extraterrestres

 
Des chercheurs du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy (CNRS/Université de Lorraine) tentent de reconstituer l'ambiance régnant durant les premiers temps de notre Système solaire afin de produire les composés organiques des origines.

Pour cela, des mélanges de gaz judicieusement choisis en fonction de nos connaissances de ces temps primitifs sont introduits et ionisés au sein d'un réacteur plasma, le Nébulotron. Les composés organiques qui en résultent en fonction des conditions de chaque expérience sont alors analysés et comparés avec les composés découverts dans les échantillons extraterrestres véritables.

Les premiers résultats particulièrement encourageants de cette suite d'expériences démontrent que la synthèse des composés organiques extraterrestres primordiaux a pu s'initier à des températures de l'ordre de 500 à 1000 K dans des régions suffisamment ionisées de la nébuleuse protosolaire.

Les composés organiques extraterrestres, qui présentent l'avantage d'être en grande majorité insolubles donc d'excellente conservation, ont été identifiés dans la grande majorité des objets primitifs de notre Système solaire, tels les météorites ou micrométéorites, les poussières interplanétaires ou cométaires (échantillons ramenés par la sonde Stardust depuis l'environnement de la comète Wild 2), entre autres. Ces matériaux constituent ainsi un réservoir primordial de première importance d'éléments volatils (H, C, N et gaz rares), qui ont pu jouer un rôle capital lors de la constitution de l'atmosphère non seulement de la Terre mais aussi de toutes les planètes de type terrestre, mais aussi lors de l'apparition de la vie.

En particulier, cette matière organique insoluble concentre la "Phase Q", une phase carbonée qui semble avoir été distribuée de manière omniprésente dans le Système Solaire lors de sa formation, porteuse des gaz rares de compositions élémentaire et isotopique primordiales, dont l’origine, inconnue, reste une des grandes questions de la cosmochimie. De même, l’origine des composés organiques extraterrestres reste très débattue, et la plupart des scenarii place la synthèse de ces composés organiques dans le milieu interstellaire ou dans les zones externes de la nébuleuse solaire, dans des zones de très basse température (<40K).

Cependant, les expériences réalisées à partir de glaces d’eau et de composés organiques simples n’avaient pas permis de reproduire des caractéristiques fondamentales de ces composés organiques extraterrestres, à savoir leurs compositions isotopiques extrêmes dans l’hydrogène et l'azote, ainsi que leurs contenus en gaz rares.

Reproduire pour comprendre

C'est pour répondre à ces interrogations que les chercheurs du CRPG ont utilisé le Nébulotron, en ioniosant des mélanges de gaz rappelalnt ceix de la nébuleuse protosolaire (H2(O)-CO-N2- gaz rares). Le type de plasma utilisé (plasma microondes) induit un chauffage des gaz fluant dans le réacteur à des températures comprises entre 500 et 1000 K.

La caractérisation détaillée des composés organiques synthétiques a formellement mis en évidence des matériaux aux propriétés chimiques et physiques très proches de celles observées pour la matière organique insoluble des météorites primitives. D’autre part, les gaz rares piégés dans les solides synthétisés présentent des concentrations ainsi que des compositions élémentaires et isotopiques équivalentes à celles des gaz rares primordiaux portés par la Phase Q des météorites primitives.

Ce dernier point démontre l’importance de l’ionisation des gaz nécessaire à la mise en place des fractionnements élémentaires et isotopiques des gaz rares. Il s'agit bien de la première expérience permettant de reproduire les caractéristiques à la fois chimiques, structurales et isotopiques des gaz rares de ces matériaux organiques extraterrestres.

Ces résultats expérimentaux conduisent à suggérer que la synthèse des composés organiques insolubles - du moins de leurs précurseurs - et la rétention des gaz rares Q primordiaux dans ces composés ont eu lieu simultanément, probablement à des températures élevées (500-1000 K), et dans les régions de la nébuleuse protosolaire qui étaient suffisamment ionisées pour initier les processus de synthèse organique et de fractionnement élémentaire et isotopique des gaz rares. L’étude de la structure modèle des disques d’accrétion montre que ces régions sont localisées à la surface et dans la zone interne du disque.

La synthèse organique - simultanément au piégeage des gaz rares Q - a pu être initiée dans ces régions chaudes et ionisées par interaction des gaz nébulaires avec les photons du soleil jeune (ou du milieu interstellaire) ou avec les électrons libres issus de la photo-ionisation des espèces gazeuses. Ces composés organiques riches en gaz rares ont par la suite pu être dispersés dans le disque d’accrétion par des processus de turbulence et/ou de sédimentation, et interagir avec des glaces dans les parties plus froides du disque. Ce scénario favorise la photochimie de l’azote moléculaire N2 de la nébuleuse solaire comme étant responsable de la variation extrême des compositions isotopiques de l’azote mesurées dans les différents objets du système solaire.

Ces résultats expérimentaux démontrent que le lien entre la matière organique des météorites, la composition des gaz rares Q et la composition isotopique de l’azote dans ces mêmes composés indique une voie de synthèse organique dans la nébuleuse solaire tout à fait alternative et originale.


Sources principales :

Synthesis of refractory organic matter in the ionized gas phase of the solar nebula, PNAS mai 2015.

CNRS

 

 

 
Le réacteur du Nébulotron en fonctionnement © CRPG (CNRS/Université de Lorraine).
 
 
 

 
Schéma de la nébuleuse solaire (0.1–100 AU), irradiée par les UVs et rayons X stellaires et interstellaires. Le dégradé de couleur représente le gradient de température. La synthèse des composés organiques riches en azote 15N et en gaz rares est possible dans les zones les plus ionisées du disque par l'interaction entre le gaz et les particules ionisantes (photons ou électrons). L'enrichissement en 15N provient de la photodissociation de N2. La turbulence dans le disque permet la dispersion des composés organiques, qui peuvent alors interagir avec la glace dans les zone froides et médianes du disque. © Kuga et al. PNAS 2015.
 

 

 
 
 

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