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Des chercheurs du Centre de
recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy (CNRS/Université
de Lorraine) tentent de reconstituer l'ambiance régnant durant les
premiers temps de notre Système solaire afin de produire les
composés organiques des origines.
Pour cela, des mélanges de gaz judicieusement choisis en fonction de
nos connaissances de ces temps primitifs sont introduits et ionisés
au sein d'un réacteur plasma, le Nébulotron. Les composés organiques
qui en résultent en fonction des conditions de chaque expérience
sont alors analysés et comparés avec les composés découverts dans
les échantillons extraterrestres véritables.
Les premiers résultats particulièrement encourageants de cette suite
d'expériences démontrent que la synthèse des composés organiques
extraterrestres primordiaux a pu s'initier à des températures de
l'ordre de 500 à 1000 K dans des régions suffisamment ionisées de la
nébuleuse protosolaire.
Les composés organiques extraterrestres, qui présentent l'avantage
d'être en grande majorité insolubles donc d'excellente conservation,
ont été identifiés dans la grande majorité des objets primitifs de
notre Système solaire, tels les météorites ou micrométéorites, les
poussières interplanétaires ou cométaires (échantillons ramenés par
la sonde Stardust depuis l'environnement de la comète Wild 2), entre
autres. Ces matériaux constituent ainsi un réservoir primordial de
première importance d'éléments volatils (H, C, N et gaz rares), qui
ont pu jouer un rôle capital lors de la constitution de l'atmosphère
non seulement de la Terre mais aussi de toutes les planètes de type
terrestre, mais aussi lors de l'apparition de la vie.
En particulier, cette matière organique insoluble concentre la
"Phase Q", une phase carbonée qui semble avoir été distribuée de
manière omniprésente dans le Système Solaire lors de sa formation,
porteuse des gaz rares de compositions élémentaire et isotopique
primordiales, dont l’origine, inconnue, reste une des grandes
questions de la cosmochimie. De même, l’origine des composés
organiques extraterrestres reste très débattue, et la plupart des
scenarii place la synthèse de ces composés organiques dans le milieu
interstellaire ou dans les zones externes de la nébuleuse solaire,
dans des zones de très basse température (<40K).
Cependant, les expériences réalisées à partir de glaces d’eau et de
composés organiques simples n’avaient pas permis de reproduire des
caractéristiques fondamentales de ces composés organiques
extraterrestres, à savoir leurs compositions isotopiques extrêmes
dans l’hydrogène et l'azote, ainsi que leurs contenus en gaz rares.
Reproduire pour comprendre
C'est pour répondre à ces interrogations que les chercheurs du CRPG
ont utilisé le Nébulotron, en ioniosant des mélanges de gaz
rappelalnt ceix de la nébuleuse protosolaire (H2(O)-CO-N2-
gaz rares). Le type de plasma utilisé (plasma microondes) induit un
chauffage des gaz fluant dans le réacteur à des températures
comprises entre 500 et 1000 K.
La caractérisation détaillée des composés organiques synthétiques a
formellement mis en évidence des matériaux aux propriétés chimiques
et physiques très proches de celles observées pour la matière
organique insoluble des météorites primitives. D’autre part, les gaz
rares piégés dans les solides synthétisés présentent des
concentrations ainsi que des compositions élémentaires et
isotopiques équivalentes à celles des gaz rares primordiaux portés
par la Phase Q des météorites primitives.
Ce dernier point démontre l’importance de l’ionisation des gaz
nécessaire à la mise en place des fractionnements élémentaires et
isotopiques des gaz rares. Il s'agit bien de la première expérience
permettant de reproduire les caractéristiques à la fois chimiques,
structurales et isotopiques des gaz rares de ces matériaux
organiques extraterrestres.
Ces résultats expérimentaux conduisent à suggérer que la synthèse
des composés organiques insolubles - du moins de leurs précurseurs -
et la rétention des gaz rares Q primordiaux dans ces composés ont eu
lieu simultanément, probablement à des températures élevées
(500-1000 K), et dans les régions de la nébuleuse protosolaire qui
étaient suffisamment ionisées pour initier les processus de synthèse
organique et de fractionnement élémentaire et isotopique des gaz
rares. L’étude de la structure modèle des disques d’accrétion montre
que ces régions sont localisées à la surface et dans la zone interne
du disque.
La synthèse organique - simultanément au piégeage des gaz rares Q -
a pu être initiée dans ces régions chaudes et ionisées par
interaction des gaz nébulaires avec les photons du soleil jeune (ou
du milieu interstellaire) ou avec les électrons libres issus de la
photo-ionisation des espèces gazeuses. Ces composés organiques
riches en gaz rares ont par la suite pu être dispersés dans le
disque d’accrétion par des processus de turbulence et/ou de
sédimentation, et interagir avec des glaces dans les parties plus
froides du disque. Ce scénario favorise la photochimie de l’azote
moléculaire N2 de la nébuleuse solaire comme étant responsable de la
variation extrême des compositions isotopiques de l’azote mesurées
dans les différents objets du système solaire.
Ces résultats expérimentaux démontrent que le lien entre la matière
organique des météorites, la composition des gaz rares Q et la
composition isotopique de l’azote dans ces mêmes composés indique
une voie de synthèse organique dans la nébuleuse solaire tout à fait
alternative et originale.
Sources principales :
Synthesis of refractory organic matter in the ionized gas phase of
the solar nebula, PNAS mai 2015.
CNRS |
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