Les deux tiers des plantes
commercialisées qui possèdent un principe actif poussent toutefois
dans les pays du tiers-monde, notamment dans les forêts tropicales
d'Afrique, du Sud-Est asiatique, d'Amérique centrale et d'Amérique
du Sud. Ce sont principalement les pays occidentaux qui les
exploitent. Les géants de la pharmacie, tels Merck et
GlaxoSmithKline, cueillent ainsi des plantes au Costa Rica, au
Suriname et au Laos.
Selon l'ethnobotaniste, cet intérêt pour les substances naturelles
de la part de l'industrie pharmaceutique et de l'industrie des
cosmétiques (dont Lise Watier) justifie une action énergique en
faveur de la préservation de la biodiversité. "La diversité des
espèces animales et végétales est une richesse qu'il faut entretenir
comme un précieux réservoir de gènes et de molécules thérapeutiques,
dit celui qui est depuis 2014 président de l'International
Society of Ethnobiology. C'est la garantie pour l'être humain
qu'il pourra subvenir à ses besoins et fabriquer des médicaments en
cas de problème".La
biodiversité n'est pas un luxe
Il rappelle que six espèces de plantes procurent directement ou
indirectement près de 80 % des calories ingérées par l'humain : le
blé, le riz, le maïs, la pomme de terre, la patate douce et le
manioc. On pourrait donc croire qu'il suffit de disposer d'une
variété unique de ces légumes et céréales pour assurer la
subsistance des populations. Mais qu'une maladie inconnue frappe les
plantes cultivées, et voilà nos agronomes à la recherche de variétés
sauvages naturellement résistantes pour les hybrider avec les
plantes domestiques. "Du coup, la biodiversité n'apparaît plus
comme un luxe", affirme le chercheur.
Au cours des 15 dernières années, il s'est rendu de multiples fois
au Nunavik-Nunatsiavut et à Mistissini pour étudier le "savoir
botanique" des Inuits et des Cris du Québec et du Labrador. Sur le
terrain, il effectue un véritable travail de détective en
partenariat avec les populations locales. Avec l'aide d'un
interprète, il présente à un aîné des plantes qu'il a récoltées
autour du village. Puis il note ses commentaires. La connaissance
que les autochtones ont acquise, au fil des siècles, des propriétés
thérapeutiques des espèces végétales qui les entourent est
inestimable.
L'importance du wiishichimanaanh
Prenez l'airelle rouge, que les aînés de la communauté crie
appellent "wiishichimanaanh" (et qu'ils n'ont aucun mal à nommer !)
: elle est depuis longtemps connue pour aider à traiter les
problèmes urinaires fréquents et la vision trouble. "Chez les
Cris, ce fruit pourrait être utilisé dans le traitement du diabète.
Du moins pour en atténuer les symptômes, comme la rétinopathie et
les problèmes cardiovasculaires. Il pourrait même agir comme un
protecteur des nerfs".
En plus de son travail universitaire, Alain Cuerrier a publié avec
des collègues huit ouvrages de vulgarisation sur le savoir
autochtone en botanique, dont Rhodiola rosea (CRC Press, 2014) et
Plantes des villages et des parcs du Nunavik (Éditions MultiMondes,
2011).
Source : Dominique Nancy (Université de Montréal)
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