Jusqu'à présent, les chercheurs pensaient que
la Planète route était entièrement recouverte de roches basaltiques,
à l'instar des roches sombres qui, sur Terre, forment le plancher
océanique. Les dernières observations de Curiosity remettent cette
quasi-certitude en cause.
La microsonde laser ChemCam embarquée sur le robot américain
Curiosity, qui parcourt la surface martienne depuis 2012, est
capable d'analyser par ablation et spectroscopie des échantillons
rocheux in situ jusqu'à une distance de 9 mètres. Selon les
résultats fournis par cet instrument, les parois du cratère Gale, où
a atterri la sonde, contiennent des fragments de roches âgées de
plus de 4 milliards d'années, dont il a fourni la composition.
C'est en analysant soigneusement les images et les données chimiques
de 22 de ces fragments rocheux que des équipes de scientifiques
français et américains ont pu déterminer qu'il s'agissait de roches
légères, riches en feldspath et parfois en quartz, similaires à
celles qui composent la croûte continentale granitique que l'on
rencontre sur notre propre planète.
Ces reliques d'une croûte primitive martienne s'apparentent
précisément aux complexes TTG (Tonalite-Trondhjemite-Granodiorite),
qui étaient prépondérantes dans la croûte terrestre il y a plus de
2,5 milliards d'années, soit à l'ère
archéenne.
Cette découverte résulte aussi d'un véritable coup de chance,
toutefois aidée par la perspicacité des chercheurs qui ont déterminé
le point d'atterrissage de Curiosity sur Mars. En effet, le cratère
Gale, qui s'est formé voici 3,61 milliards d'années dans un terrain
beaucoup plus ancien, constitue une véritable fenêtre laissant
apparaître les roches primitives de la Planète rouge. Ses parois
forment une coupe géologique naturelle de près de 3 kilomètres
d'épaisseur, livrant des données sur l'histoire martienne que les
sondes en orbite sont bien incapables d'entrevoir.
En effet, bien que ces dernières aient révélé la présence en surface
de roches claires, il n'avait pas été possible d'en déterminer
l'ancienneté ou leur composition, ce qui est maintenant chose faite
grâce aux observations depuis le sol. Celles-ci confirment aussi une
information apportée par la météorite martienne Black Beauty,
découverte dans le désert du Sahara en 2011, qui contenait des
feldspaths âgés de plus de 4 milliards d’années.
Jean Etienne
Source principale :
In-situ evidence for continental crust on Early Mars. Nature
Geoscience, 13 juillet 2015. DOI: 10.1038/ngeo2474.
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