Les nombreux satellites en orbite autour de la
Terre n'observent pas directement l'espace, comme on pourrait le
croire, mais participent avant tout à l'exploration et à la
compréhension de notre propre planète. Un rôle dans lequel ils sont
désormais irremplaçables.
Une étude publiée le 22 mai 2015 dans la revue Science révèle
que la Péninsule Sud de l’Antarctique fond actuellement bien plus
rapidement que les estimations ne le laissaient penser. Les
recherches menées par l’équipe de Bret Wouters, de la Bristol
University, montrent que les glaciers de la région, qui s’étendent
sur 750 km de côte, déversent aujourd’hui 60 km3 de glace par an
dans l’océan, alors qu’ils étaient encore stables il y a quelques
années. Les scientifiques estiment que la dynamique engagée va
désormais être difficile à enrayer, et redoutent que la quantité de
glace reversée dans l’océan augmente rapidement dans cette zone. La
Péninsule Sud de l’Antarctique est déjà devenue le deuxième plus
grand contributeur de la montée des eaux dans la région, derrière la
zone de la mer Amundsen.
D’après les résultats de Bert Wouters, ce phénomène n’est pas tant
dû à l’élévation des températures, mais plutôt à l’amincissement des
plaques de glace qui retenaient ou ralentissaient jusqu’à présent le
glissement des glaciers dans l’océan. Cette diminution de
l’épaisseur de ces plateformes de glace s’explique par une
modification des vents dans l’Océan Antarctique, conséquence du
changement climatique. L’orientation du vent dans la région amène
désormais de l’eau plus chaude au contact des plateformes, ce qui
accélère leur fonte et entraîne donc un glissement plus rapide des
glaciers.
Ces résultats ont été obtenus grâce aux données récoltées par le
satellite CrySat-2, lancé par l’Agence Spatiale Européenne en avril
2010 pour étudier l’évolution de l’épaisseur des glaces flottant
dans les océans et celle des étendues de glace qui recouvrent le
Groenland et l’Antarctique.
Les satellites, une contribution précieuse aux études de la Terre
L’apport des satellites pour l’étude de la Terre n’est pas nouveau.
Et les coopérations franco-américaines ne manquent pas. Le satellite
Jason-3 représentera la 4ème mission d’altimétrie
américano-européenne, après TOPEX/Poséidon (NASA/CNES), Jason-1
(NASA/CNES) et Jason-2 (NASA/CNES/EUMETSAT]/NOAA). Jason-3, résultat
d’une coopération internationale entre EUMETSAT, la NOAA, le CNES et
le Jet Propulsion Laboratory (JPL), doit reprendre les
caractéristiques majeures de la mission Jason-2 (orbite,
instruments, précisions des mesures, etc.). Les mesures qu’il
effectuera fourniront des modèles de la circulation océanique et des
informations sur les changements régionaux et globaux du niveau de
la mer et des informations sur l’implication du changement
climatique sur les évolutions constatées. Les données collectées
seront utilisées à des fins scientifiques, commerciales et
opérationnelles, comme par exemple :
- Prévision des cyclones.
- Prévision des vagues de surface pour les
opérateurs offshore.
- Prévision des marées et des courants pour
la navigation commerciale et plaisancière des navires.
- La prévision côtière pour répondre à des
problématiques environnementales comme les déversements de
pétrole et les efflorescences algales nuisibles.
- La modélisation côtière pour les
mammifères marins et la recherche sur les récifs coralliens.
- La prévision des phénomènes
météorologiques comme El Nino et La Nina.
Les Républicains américains contre le
"gaspillage de l’argent de la NASA"
Aux Etats-Unis, la NASA développe depuis
plusieurs années le projet Earth Sciences, dédié à l’étude
satellitaire de la Terre. Il s’inscrit dans les ambitions initiales
de l’Agence, qui prévoyait lors de son lancement en 1958 que les
activités spatiales contribuent "à l’extension des connaissances
humaines sur la Terre et sur les phénomènes atmosphériques et
spatiaux".
Le projet Earth Sciences est cependant contesté par le parti
Républicain, qui y voit un gaspillage de l’argent qui devrait servir
à l’exploration spatiale. Le sénateur Ted Cruz estimait par exemple
au début du mois que la NASA avait perdu de vue sa mission première
: l’étude de l’espace.
L’argument largement repris par les
Républicains est le suivant : il existe de nombreuses agences
dédiées aux recherches sur le climat (réunies au sein de l’U.S.
Global Change Research Program), tandis que la NASA est la
seule agence dédiée à l’espace. Ils contestent alors les
augmentations budgétaires demandées chaque année par le Président
Obama, qui a fait de la lutte contre le changement climatique une de
ses priorités.
Les données récoltées par les satellites américains ont prouvé leur
grande utilité. Le 14 mai dernier,
une étude commandée par le Jet Propulsion Laboratory, un
laboratoire de la NASA, montrait la fonte rapide de l’étendue de
glace Larsen B, toujours dans l’Antarctique. La dynamique dégagée de
cette étude indique que ces étendues de glace, présentes sur Terre
depuis plus de 10.000 ans, sont amenées à disparaître d’ici 10 ans,
soit plus rapidement que ce que laissaient penser les dernières
recherches.
Charles Bolden, administrateur de la NASA, s’inquiétait la semaine
dernière que l’opposition des Républicains "ralentisse notre
meilleure compréhension du changement climatique et notre capacité à
se préparer et à répondre aux tremblements de terres, aux
sécheresses et aux tempêtes". Il insistait ainsi sur la
nécessité de poursuivre ce programme de recherche.
Cette meilleure compréhension des phénomènes naturels servira
notamment à l’avenir à la prise de décisions, que ce soit en termes
d’investissements ou de recherche. Par exemple, dans la région
Arctique, la fonte des glaces laisse envisager une augmentation des
activités humaines dans la région (transport, exploitation des
ressources naturelles, etc.) qui demandera de nouvelles
législations.
A noter que l’ambassade organise le 28 septembre une conférence
FACTS qui portera sur la montée des eaux. Cet événement aura lieu à
Miami en présence de l’explorateur français Jean-Louis Etienne et
d’Anny Cazenave, ingénieur émérite du CNES et Directrice pour les
sciences de la Terre à l’International Space Science Institute
(Berne, Suisse).
Sources (notamment) :
>>> Dynamic thinning of glaciers on the Southern
Antarctic Peninsula.
>>> U.S. Global Change Research Program.
>>> NASA Study Shows Antarctica’s Larsen B Ice Shelf
Nearing Its Final Act.
>>> Stable Antarctic Ice Is Suddenly Melting Fast.
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