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Banks et ses collègues ont découvert le lien
entre la forme des pupilles et la nature d'un animal en observant
comment changeait le champ de vision et d'autres caractéristiques
oculaires chez les versions virtuelles de dizaines de mammifères
terrestres. Cette analyse a révélé que tous ces animaux avaient
adopté la forme de pupilles qu'ils possèdent aujourd'hui en adaptant
leur vue à la vie dans la niche écologique et dans l'environnement
où ils se trouvaient.
Par exemple, tous les périssodactyles (équidés, tapiridés et
rhinocérotidés) et les artiodactyles (bovidés, camélidés, cervidés,
giraffidés…) herbivores sont dotés de pupilles horizontales, qui les
aident à avoir une vision panoramique presque complète de leur
environnement. Ils peuvent ainsi apercevoir les prédateurs derrière
eux, mais également les éventuels chemins pour y échapper.
De fait, tous les animaux herbivores s'efforcent de maintenir leur
pupille en position parallèle au sol même lorsqu'ils ils inclinent
la tête pour brouter l'herbe ou manger des branches de plantes. Dans
ces cas-là, d'après les observations de Banks sur des antilopes et
des chèvres dans un zoo local, l'animal tourne simplement les yeux
sur l'angle d'inclinaison de sa tête. Ces animaux peuvent tourner
les yeux dans toutes les directions à 50 degrés, soit 10 fois plus
que l'homme.
Selon cette même étude, les chats et d'autres prédateurs pratiquant
la chasse en embuscade ont opté pour des pupilles verticales, non
pas pour avoir une vision adaptée au jour comme à la nuit, mais bien
pour accroître la précision dans l'évaluation de la distance d'une
proie, et calculer la force d'impulsion du saut.du saut.
"Nous avons été surpris de constater que tous les prédateurs
d'embuscade ne disposaient pas de telles pupilles. Les animaux qui
en disposent mesurent moins de 42 centimètres de hauteur au garrot,
et chassent presque exclusivement depuis le sol. Cela se rencontre
en effet chez les chats, domestiques ou sauvages, mais jamais chez
les lions, les tigres ou les autres grands félins qui possèdent des
pupilles rondes, comme pour l'homme ou le chien". Ce phénomène
pourrait expliquer en particulier pourquoi les yeux des chats de
Pallas, dont la taille dépasse légèrement celle des chats normaux,
ont des pupilles rondes.
Cette énigme biologique pourrait s'expliquer de deux façons. Pour un
félin de petite taille chassant depuis le sol, dans les hautes
herbes ou parmi les buissons, l'environnement paraît bien plus
fourni, ce qui contrarie l'accommodation visuelle sur une proie par
suite de la différence de netteté.
De plus, une pupille verticale augmente sensiblement le pouvoir
séparateur dans le sens horizontal, direction que suit généralement
une proie au sol lorsqu'elle se déplace ou s'enfuit. Cet effet
facilite donc l'estimation de la vitesse d'une proie en fuite, et
aide à déterminer le bon angle d'attaque.
Jean Etienne
Source principale :
Why do animal eyes have pupils of different shapes ? (Science
Advances, 7 août 2015 - DOI: 10.1126/sciadv.1500391).
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