Des équipes de recherches françaises ont
démontré qu'un voyageur sur deux ayant séjourné dans un pays situé
en zone tropicale ramènent dans leur organisme des entérobactéries
multi-résistantes (EMR).
Cette vaste étude, coordonnée par Sophie Matheron et Etienne Ruppé,
a réuni des services des maladies infectieuses et tropicales de
l’AP-HP, des laboratoires de bactériologie et d’hygiène
hospitalière, de l’Unité de Recherche Clinique de l’hôpital Bichat –
Claude-Bernard, de l’Université Paris Diderot, de l’Inserm, de
l’Institut Pasteur et de l’InVS, et les résultats ont été publiés
dans la revue internationale Clinical Infectious Diseases le
22 avril 2015.
Pour cela, 824 personnes bien portantes ont été sollicitées de
février 2012 à avril 2013 pour répondre à une enquête précise sur
leurs antécédents médicaux, et subir un prélèvement de selles avant
et après un séjour en Afrique subtropicale, en Asie ou en Amérique
latine. Au retour, il a été constaté que 50,9 % de ces sujets
étaient porteurs d'entérobactéries multi-résistantes dans leur tube
digestif, selon des proportions qui variaient selon l'endroit de
leur séjour. 72,4 % des voyageurs de retour d'Asie en étaient
porteurs, 47,7 % au terme d'un déplacement en Afrique subsaharienne
et 31,1 % revenaient d'Amérique latine.
Les entérobactéries sont largement présentes dans notre appareil
digestif, qui ne pourrait fonctionner correctement sans elles. Si la
grande majorité sont parfaitement inoffensives, certaines peuvent
toutefois être responsables d'infections graves. Si un traitement à
base d'antibiotiques peut dans bien des cas en venir à bout,
certaines sont malheureusement résistantes et entraînent un
traitement souvent long et pénible.
Les antibiotiques, alliés des bactéries !
Paradoxalement, la prise d'antibiotiques peut favoriser
l'acquisition de ces microorganismes en altérant l'effet de
protection "barrière naturelle" organisé par les bactéries
naturellement présentes dans notre organisme, et qui se voient ainsi
éliminées. Une diarrhée survenue durant le séjour ou le type de
voyage intervient aussi dans le risque, les séjours "pleine nature"
ou de type "routard" amplifiant les probabilités d'infection par
rapport à un séjour en hôtel.
Le suivi prolongé des personnes infectées a démontré que celles-ci
éliminent spontanément les entérobactéries multi-résistantes dans
les trois mois suivant leur retour dans 95,3 % des cas.
Ces résultats plaident une fois de plus en faveur d'un usage prudent
des antibiotiques, souvent administrés de façon excessive en cas de
simple diarrhée, ainsi que de l'application des règles élémentaires
d'hygiène durant un séjour en zone tropicale (laver les aliments,
boire de l'eau en bouteille, etc.).
Jean Etienne
Source principale :
High Rate of Acquisition but Short Duration of Carriage of
Multidrug-Resistant Enterobacteriaceae After Travel to the Tropics
(Clinical Infectious Diseases, doi : 10.1093/cid/civ333).
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