L’analyse chimique de certaines des plus
vieilles roches sédimentaires au monde a permis d’obtenir les
données les plus anciennes dont nous disposons sur l’atmosphère
terrestre.
Les résultats de cette analyse, effectuée par une équipe
internationale dirigée par une chercheuse du Centre de Recherches
Pétrographiques et Géochimiques de Nancy (CNRS/Université de
Lorraine), révèlent qu’il y a plus de quatre milliards d’années, la
composition de l'atmosphère était très semblable à celle qui
existait un milliard d’années plus tard, lorsque les premiers
microorganismes se sont développés à la surface de notre planète.
Ces résultats pourraient aider les scientifiques à mieux comprendre
les origines et l’évolution de la vie sur la planète. Jusqu’à tout
récemment, les chercheurs ne disposaient que de modèles
informatiques imprécis et très diversifiés des premières
caractéristiques de l’atmosphère. Cela vient de changer.
En 2008, des travaux avaient démontré que des roches longeant la
côte de la baie d'Hudson, dans le nord du Québec, une région appelée
Ceinture de roches vertes du Nuvvuagittuq, résultaient d'un dépôt de
sédiments datant de plus de 4,3 milliards d'années, soit seulement
quelques centaines de millions d'années après la formation de notre
planète. L'équipe, impliquant des chercheurs du CRPG (Nancy), de
l'IPGP (Paris) et de l’Université McGill (Montréal) a utilisé la
spectroscopie de masse afin de quantifier les différents isotopes du
soufre dans ces roches.
Les résultats ont permis de déterminer que ce soufre provient bien
de l'atmosphère terrestre primitive, riche en gaz volcanique soufré.
Les proportions isotopiques révèlent un air extrêmement pauvre en
oxygène comme on pouvait s'y attendre, soit 0,001% de la
concentration actuelle, mais par contre pouvait contenir davantage
de méthane et de dioxyde de carbone.
En outre, la composition isotopique de ces roches révèle une
similitude entre les cycles atmosphériques d'il y a plus de 3,8
milliards d'années et ceux mis en évidence lors de l'analyse
d'échantillons un ou deux milliards d'années plus jeunes, provenant
d'Afrique du Sud et d'Australie. Or, ces roches plus récentes
renferment des signes évidents de vie microbienne.
Plusieurs hypothèses permettent d'interpréter cette similitude de
composition. Selon l'une d'entre elles, la biologie a contrôlé la
composition de l’atmosphère au début de l’existence de la Terre, par
le développement rapide de biosphères microbiennes semblables
produisant les mêmes gaz atmosphériques au cours des périodes
considérées respectivement comme l’enfance et l’adolescence de la
Terre. Toutefois, nous on ne peut écarter la possibilité que la
géologie ait joué le principal rôle dans la détermination de la
composition de l’air primitif du fait des gigantesques éruptions
volcaniques capables de produire de façon répétée des gaz en
quantité beaucoup plus importante que la faible production
biologique de gaz.
L’équipe de recherche poursuit maintenant ses travaux afin de tenter
de déterminer si les données probantes dont elle dispose permettent
d’étayer l’hypothèse biologique ou géologique, ou une combinaison
des deux.Dans un cas comme dans
l’autre, l’étude actuelle montre que les sédiments du Nuvvuagittuq
portent la mémoire de l’environnement de la surface terrestre au
tout début de l’existence de notre planète, il y a 4,3 milliards
d’années. Fait surprenant, cette mémoire semble compatible avec une
surface terrestre apte à accueillir la vie, ce qui déplacerait son
origine de près d'un milliard d'années vers le passé. Autrement dit,
si cette hypothèse se confirme, il est très plausible que la vie
apparaisse dès que les conditions favorables sont réunies, avec
toutes les conséquences que cela apporterait sur la pluralité des
mondes habités.
Source principale :
Atmospheric record in the Hadean Eon from multiple sulfur isotope
measurements in Nuvvuagittuq Greenstone Belt (PNAS).
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