4 juillet 2015

 

Des roches de plus de 4 milliards d'années ont gardé la mémoire de l'atmosphère terrestre

 
L’analyse chimique de certaines des plus vieilles roches sédimentaires au monde a permis d’obtenir les données les plus anciennes dont nous disposons sur l’atmosphère terrestre.

Les résultats de cette analyse, effectuée par une équipe internationale dirigée par une chercheuse du Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques de Nancy (CNRS/Université de Lorraine), révèlent qu’il y a plus de quatre milliards d’années, la composition de l'atmosphère était très semblable à celle qui existait un milliard d’années plus tard, lorsque les premiers microorganismes se sont développés à la surface de notre planète.

Ces résultats pourraient aider les scientifiques à mieux comprendre les origines et l’évolution de la vie sur la planète. Jusqu’à tout récemment, les chercheurs ne disposaient que de modèles informatiques imprécis et très diversifiés des premières caractéristiques de l’atmosphère. Cela vient de changer.

En 2008, des travaux avaient démontré que des roches longeant la côte de la baie d'Hudson, dans le nord du Québec, une région appelée Ceinture de roches vertes du Nuvvuagittuq, résultaient d'un dépôt de sédiments datant de plus de 4,3 milliards d'années, soit seulement quelques centaines de millions d'années après la formation de notre planète. L'équipe, impliquant des chercheurs du CRPG (Nancy), de l'IPGP (Paris) et de l’Université McGill (Montréal) a utilisé la spectroscopie de masse afin de quantifier les différents isotopes du soufre dans ces roches.

Les résultats ont permis de déterminer que ce soufre provient bien de l'atmosphère terrestre primitive, riche en gaz volcanique soufré. Les proportions isotopiques révèlent un air extrêmement pauvre en oxygène comme on pouvait s'y attendre, soit 0,001% de la concentration actuelle, mais par contre pouvait contenir davantage de méthane et de dioxyde de carbone.

En outre, la composition isotopique de ces roches révèle une similitude entre les cycles atmosphériques d'il y a plus de 3,8 milliards d'années et ceux mis en évidence lors de l'analyse d'échantillons un ou deux milliards d'années plus jeunes, provenant d'Afrique du Sud et d'Australie. Or, ces roches plus récentes renferment des signes évidents de vie microbienne.

Plusieurs hypothèses permettent d'interpréter cette similitude de composition. Selon l'une d'entre elles, la biologie a contrôlé la composition de l’atmosphère au début de l’existence de la Terre, par le développement rapide de biosphères microbiennes semblables produisant les mêmes gaz atmosphériques au cours des périodes considérées respectivement comme l’enfance et l’adolescence de la Terre. Toutefois, nous on ne peut écarter la possibilité que la géologie ait joué le principal rôle dans la détermination de la composition de l’air primitif du fait des gigantesques éruptions volcaniques capables de produire de façon répétée des gaz en quantité beaucoup plus importante que la faible production biologique de gaz.

L’équipe de recherche poursuit maintenant ses travaux afin de tenter de déterminer si les données probantes dont elle dispose permettent d’étayer l’hypothèse biologique ou géologique, ou une combinaison des deux.

Dans un cas comme dans l’autre, l’étude actuelle montre que les sédiments du Nuvvuagittuq portent la mémoire de l’environnement de la surface terrestre au tout début de l’existence de notre planète, il y a 4,3 milliards d’années. Fait surprenant, cette mémoire semble compatible avec une surface terrestre apte à accueillir la vie, ce qui déplacerait son origine de près d'un milliard d'années vers le passé. Autrement dit, si cette hypothèse se confirme, il est très plausible que la vie apparaisse dès que les conditions favorables sont réunies, avec toutes les conséquences que cela apporterait sur la pluralité des mondes habités.

Source principale :

Atmospheric record in the Hadean Eon from multiple sulfur isotope measurements in Nuvvuagittuq Greenstone Belt (PNAS).

 

 

 
Cliché pris dans la Ceinture de roches vertes du Nuvvuagittuq. Crédit : Université McGill.
 

 

 
 
 

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