Produire de l'hydrogène à bas coût pourrait
représenter la pierre philosophale des sources d'énergie peu
polluantes de demain. Un pas dans ce sens vient d'être accompli par
les chercheurs de l'EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne).
Si la combustion de l'hydrogène reste un des moyens de production
d'énergie les plus efficaces et les moins polluants (elle n'entraîne
que l'émission d'oxyde d'hydrogène, autrement dit d'eau), la
fabrication de ce gaz s'avère particulièrement coûteuse, faisant
obstacle à sa commercialisation sur une grande échelle. Car la
production d'hydrogène, qui consiste à "casser" par électrolyse des
molécules d'eau en hydrogène et en oxygène à l'aide d'un courant
électrique, demeure problématique. En cause essentiellement, la
coûteuse membrane disposée entre les électrodes dans les systèmes
traditionnels.
Une équipe de scientifiques de l'EPFL, dirigée par Demetri Psaltis,
a présenté un nouveau système simplifié de production d'hydrogène
par électrolyse en se passant de cette membrane.
Dans un système traditionnel, deux électrodes sont plongées dans
l'eau. Un courant électrique est envoyé dans l'une (la cathode),
puis est récupérée par l'autre (l'anode). Le courant, aidé par un
catalyseur, provoque la séparation des molécules d'eau en oxygène et
en hydrogène. Le mélange de ces deux gaz étant hautement explosif,
il est nécessaire de les séparer immédiatement, et pour cela, une
fine membrane de polymère est intercalée entre les deux électrodes
afin de les maintenir séparés.Dans le
domaine académique et industriel, ces membranes à conductivité
ionique sont pour la majorité fabriquées en Nafion, en raison de
leur stabilité. Elles coûtent cher, leur durée de vie est limitée,
et elles ne peuvent fonctionner que dans des solutions très acides,
ce qui limite le choix des catalyseurs.
Eliminée, la membrane !
Pour s'en débarrasser, les scientifiques ont placé les électrodes à
moins d'une centaine de micromètres l'une de l'autre, dans un
dispositif microfluidique. Lors du passage du liquide à une certaine
vitesse entre les électrodes, les gaz sont entraînés dans des
directions opposées grâce à un effet de portance (effet
Segré-Silberberg), sans qu'il y ait besoin de membrane pour les
diriger.
Ce design ouvre la voie à la fabrication de dispositifs pouvant
fonctionner avec tous types de liquides électrolytes et tous types
de catalyseurs. Jusqu'ici, seuls les catalyseurs faits de métaux
nobles tels que le platine pouvaient résister au pH imposé par la
membrane. Sans membrane, il n'est plus nécessaire de maintenir un
taux d'acidité très élevé dans la solution, ce qui permettrait
d'utiliser des catalyseurs variés et moins onéreux. "Notre
dispositif peut en outre potentiellement surpasser les performances
des systèmes traditionnels impliquant une membrane", explique
Mohammad Hashemi, premier auteur de la publication. "Les
électrolytes liquides ont en effet une conduction ionique plus
élevée que les membranes traditionnelles"
Le défi consiste à présent à passer d'un dispositif microfluidique à
des systèmes utilisable à l'échelle standard. Comme la seule partie
qui doit rester petite est la distance entre les électrodes, les
chercheurs étudient notamment la possiblité d'utiliser de larges
surfaces d'électrodes, qui font figure de "mur" entre les minuscules
canaux remplis d'électrolyte.
Source :
A membrane-less electrolyzer for hydrogen production across the pH
scale (Energy and Environmental Science - juillet
2015 - S. Mohammad H. Hashemi, Miguel A. Modestino, Demetri
Psaltis).
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