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Alors que le CERN détient déjà le record du
plus grand accélérateur de particules avec le LHC (Large Hadron
Collider, ou Grand collisionneur de hadrons), un monstre de 27
kilomètres, il faudra aussi compter avec le mini-Linac, ou
accélérateur linéaire miniature, de seulement… deux mètres de
longueur.
Le mini-Linac n'est pas destiné à la recherche (quoique…), mais à
une utilisation en milieu hospitalier, notamment dans l'imagerie
médicale et le traitement du cancer. A terme, il sera composé de
quatre modules de 50 centimètres dont le premier vient d'être
construit et testé. "Ce premier module nous a permis de valider
toutes les étapes de construction et le concept en général",
annonce Serge Mathot, docteur en physique au département ingénierie
du CERN.
La conception d'un tel accélérateur dédié à un usage médical était
cependant un véritable défi technique. "Nous savions que la
technologie était à notre portée, après toutes ces années passées à
développer le Linac4", déclare Maurizio Vretenar, coordinateur
du projet mini-Linac. Le Linac4, ou accélérateur linéaire 4, est
conçu pour porter des ions d’hydrogène négatifs à des énergies
élevées. Il constituera la source de faisceaux de protons du Grand
collisionneur de hadrons (LHC) après le long arrêt prévu en
2017-2018.
Mini-Linac, quant à lui, est un classique quadripôle à
radiofréquence, ou RFQ, tel qu'on en trouve en amont de toutes les
chaînes d'accélérateurs à protons, conçus pour produire des
faisceaux de haute intensité. Mais le défi était ici d'en augmenter
la fréquence de fonctionnement d'un facteur 2 afin d'en réduire la
longueur. Or, la fréquence visée n'avait jamais été atteinte
auparavant. "Grâce à une nouvelle dynamique de faisceau et à des
idées innovantes pour la radiofréquence et la mécanique, nous avons
pu faire un projet d’accélérateur qui s’adapte beaucoup mieux aux
exigences pratiques des applications médicales", explique
Alessandra Lombardi, chargée de la conception du RFQ.
Le "mini-RFQ" en cours de finalisation, ou mini-Linac, sera quant à
lui capable de produire des faisceaux peu intenses de seulement
quelques microampères sur une fréquence de 750 MHz sous une énergie
de 5 MeV, ce qui en fera un "injecteur" idéal pour la nouvelle
génération d’accélérateurs linéaires compacts à haute fréquence
utilisés pour le traitement du cancer par faisceau de protons
(hadronthérapie). En fait, le "mini-RFQ" accélère les faisceaux à
une énergie de 2,5 MeV par mètre, contre moins d’un MeV par mètre
pour un RFQ classique.
Il ne s'agit cependant pas là de sa seule utilisation potentielle.
Ses dimensions et son poids réduits autoriseront son installation
dans des hôpitaux en vue de la production des isotopes radioactifs
utilisés dans l'imagerie médicale, évitant ainsi les inconvénients
associés au transport de matériaux radioactifs, tout en permettant
de générer une plus grande gamme de radio-isotopes.
Cet instrument sera aussi capable d'accélérer des particules alpha,
utilisées en radiothérapie de pointe, et que beaucoup considèrent
comme la nouvelle frontière du traitement des cancers. Dans un
domaine très différent, sa portabilité permise par son faible
encombrement autorisera bien d'autres usages, comme par exemple
l'analyse in situ de matériaux archéologiques.
D'ici quelques mois, les trois autres modules de l'instrument auront
été réalisés, testés et assemblés. "Avec ce premier module, nous
avons validé toutes les étapes de construction et le concept en
général", explique Serge Mathot. "Au départ, plusieurs étapes
dans la réalisation nous semblaient très délicates mais, grâce à
l’expérience acquise dans le brasage des cavités du Linac 4 et à la
compétence des équipes techniques du CERN, nous avons finalement pu
obtenir des résultats excellents, là encore, face à un nouveau défi
technologique".
Jean Etienne
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