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Des scientifiques de l’EPFL (Ecole
Polytechnique Fédérale de Lausanne) ont effectué une percée
significative dans la compréhension de la supraconductivité en
étudiant d’étranges événements quantiques qui se déroulent à
l’intérieur d’un supraconducteur unique.
Les cuprates sont des matériaux très prometteurs dans le domaine de
la supraconductivité haute température (-120°C). Ils pourraient
permettre de produire de l’électricité à moindres frais et sans
perte d’énergie. Les chercheurs s’efforcent donc de comprendre la
physique de ces substances afin de développer des supraconducteurs à
température ambiante. Or, des scientifiques de l’EPFL ont utilisé
une technique dernier cri et découvert comment les cuprates
deviennent supraconducteurs. Leur étude est publiée dans Nature
Communications.
Les supraconducteurs conventionnels sont des matériaux qui
conduisent l’électricité sans résistance électrique et à des
températures proches du zéro absolu (−273.15°C ou 0 Kelvin). Dans
ces conditions, les électrons se lient et forment des couples
appelés "paires de Cooper", qui leur permettent de se déplacer sans
résistance. Généralement, de telles paires ne se forment qu’à ces
températures extrêmement basses, et uniquement lorsque les atomes du
supraconducteur vibrent et génèrent une force interactive entre les
électrons.
Il existe toutefois une classe de supraconducteurs où les paires de
Cooper se créent, mais pour d’autres raisons encore inexpliquées. A
base de cuivre, le matériau est nommé "cuprate". A température
ambiante, il s’agit d’un isolant électrique et d’un aimant.
La notoriété des cuprates vient du fait qu’ils se muent en
supraconducteurs à des températures bien plus élevées que d’autres
matériaux, soit à un peu plus de -123.15°C (150 Kelvin). Résultat,
les cuprates sont les candidats idéaux pour développer la
supraconductivité pour un usage quotidien. Toutefois, les études ont
jusqu’ici suggéré que les cuprates ne devenaient pas
supraconducteurs de la même manière que les autres matériaux, sans
pourtant fournir d’explication.
Une équipe de chercheurs de l’EPFL, dirigée par Marco Grioni, a
utilisé une technique spectroscopique de dernière génération pour
comprendre cette supraconductivité unique. Les scientifiques ont eu
recours à une technique appelée "Resonant Inelastic X-ray
Scattering", qui sert à explorer la structure électronique des
matériaux. Cette technologie haute résolution peut effectuer le
suivi des électrons à l’intérieur d’un échantillon de cuprate, quand
il se transforme en supraconducteur.
Tirer parti de la supraconductivité grâce au spin
"Habituellement, les supraconducteurs détestent le magnétisme,
explique Marco Grioni. Vous avez soit un aimant, soit un
supraconducteur, mais pas les deux. Les cuprates sont très
différents et surprenants, car ils sont normalement des isolants et
des aimants, mais deviennent supraconducteurs lorsque quelques
électrons sont ajoutés via une légère modification de leur
composition chimique".
L’ingrédient clé du magnétisme est une propriété des électrons
appelée le spin, qui peut être vue comme le mouvement d’une toupie.
Les spins peuvent interagir et créer des vagues susceptibles de se
déplacer dans la matière. Quand les matériaux magnétiques sont
dérangés, des vagues de spin apparaissent et se propagent en ondes
dans tout leur volume. De telles vagues sont comme des empreintes
digitales de leur structure magnétique et de ladite interaction.
Même supraconducteurs, les cuprates gardent leurs propriétés
magnétiques. "Il leur reste quelque chose de l’ordre de l’aimant,
ce qui pourrait jouer un rôle crucial dans l’apparition de la
supraconductivité", déclare Marco Grioni. "Ces nouveaux
résultats clarifient l’interaction des spins à l’intérieur de ces
matériaux fascinants."
Ces découvertes offrent une compréhension inédite de la
supraconductivité des cuprates, et probablement d’autres
supraconducteurs haute température. En révélant le rôle des
interactions entre spins, elles pourraient ouvrir la voie à l’emploi
de supraconducteurs haute température dans la vie de tous les jours.
Cette étude est une collaboration entre l’Institut de la matière
condensée de l’EPFL, Swiss Light Source, l’Université de Genève,
l’Université de Colombie-Britannique, l’IFW Dresde, l’Université
Bochum de la Ruhr et l’Université nationale des sciences et
technologies de la Fédération de Russie.
Source :
Anisotropic softening of magnetic excitations along the nodal
direction in superconducting cuprates (Nature) |
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