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28
janvier 2015 |
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Pour rester en bonne
santé, mangez 500 fruits et légumes par jour ! |
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Tel devrait être le discours des
nutritionnistes depuis que… l'industrie de l'agroalimentaire s'est
acharnée à saccager la qualité des produits de l'agriculture depuis
un demi-siècle !
Les beaux fruits et légumes encore présents sur les étals des
marchands ne sont plus que des coquilles vides désertées de leurs
nutriments. Au fait, combien faudrait-il en absorber pour équivaloir
une alimentation "normale" d'il y a seulement cinquante ans ? La
réponse est dramatiquement simple : c'est devenu impossible.
Lorsque nous mordons à pleines dents dans une belle pêche juteuse,
une poire ou une pomme, nous n'avalons plus que de l'eau sucrée. Le
fait est que nous mangeons de plus en plus, tout en nous nourrissant
de moins en moins. Dans les pays dit développés, la plupart des
aliments non transformés (fruits, légumes ou céréales) ne sont plus
que des coquilles vides sur le plan nutritionnel, n'apportant plus
que des calories surnuméraires vectrices de l'obésité.
Une dizaine d'études publiées de 1997 à nos jours par des
universités canadiennes, britanniques et américaines, dénoncent la
chute libre du taux de nutriments dans nos aliments les plus
répandus. Résumés déjà dès 2007 dans l'étude publiée sous le titre "Still
no free lunch" de Brian Halweil, chercheur au
Worldwatch
Institute, ces travaux confirment aujourd'hui de façon
éclatante et non équivoque l'explosion de la "calorie vide": grasse,
sucrée, mais totalement inutile, voire néfaste pour la santé. Même
dans les productions alimentaires réputées saines, vitamines A
(liposolubles), vitamines C (hydrosolubles), protéines, phosphore,
calcium, fer et autres minéraux ou oligo-éléments ont été divisés
par deux, par vingt-cinq, voire par cent, et cela en moins de
cinquante ans. Si l'on veut retrouver le même bénéfice pour la santé
en mangeant un fruit ou un légume de 1950, il faudrait aujourd'hui
en engloutir un cageot entier !
La pomme, reine des fruits
La pomme est le troisième fruit consommé dans le monde, et on peut
affirmer qu'elle a participé au développement de la civilisation.
Lorsque nos parents ou grands-parents croquaient avec délice dans
une Cox Orange ou une Transparente de Croncel, ils avalaient 400
milligrammes de vitamine C, indispensables au fonctionnement de
notre système immunitaire (il s'agit de la meilleure protection
contre la grippe), ainsi qu'à la fabrication et à la réparation de
la peau et des os. Les Golden Delicious proposées aujourd'hui sous
cellophane (pour nous empêcher de nous rendre compte de l'absence de
bonne odeur de pomme fraîche ?) dans nos supermarchés ne nous en
apportent plus que 4 (quatre !) milligrammes chacune, selon Philippe
Desbrosses, docteur en sciences de l’environnement à l’université
Paris-VII. Soit cent fois moins. "Après des décennies de
croisements, l’industrie agroalimentaire a sélectionné les légumes
les plus beaux et les plus résistants, mais rarement les plus riches
sur le plan nutritif", déplore ce militant pour la préservation
des semences anciennes.
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Pour une pomme
présentée en rayon, combien de variétés oubliées ? |
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La vitamine A, une espèce en voie
d'extinction
Tout aussi précieuse pour notre vue et nos défenses immunitaires, la
vitamine A est en chute libre dans 17 des 25 fruits et légumes
scrutés par des chercheurs canadiens dans une étude synthétisée pour
CTV News. Il y a 50 ans, manger une seule orange suffisait
pour couvrir la totalité de nos besoins quotidiens en vitamines A
(les fameux AJR, ou "apports journaliers recommandés" dont on nous
rabâche sans arrêt le rappel dans les notices figurant sur les
emballages). Mais aujourd'hui, il faudrait manger à la suite 21
oranges pour bénéficier de la même protection. Et ce constat n'est
rien en comparaison de la pomme de terre et de l'oignon, desquels la
vitamine A a totalement disparu. Plus rien, même plus une fraction
de microgramme. Soit des aliments autrefois extrêmement riches,
devenus aujourd'hui pratiquement inutiles. Mangez du foin, vous vous
en porterez encore mieux…
La dégringolade du fer
Appauvris par des décennies d'agriculture intensive et de sélections
basées sur le rendement au détriment de tout autre critère, le blé,
le maïs et le soja ont vu leur teneur en fer, en cuivre et en zinc
se réduire comme peau de chagrin. Ces céréales se retrouvent pour la
plus grande partie non sur notre table, mais dans l'auge du bétail,
qui par répercussion, se retrouve bien moins nourri que ses ancêtres
d'il y a un demi-siècle. Et en finalité, le steak qui se retrouvera,
lui, bel et bien dans notre assiette nous apportera beaucoup moins
de micronutriments. Ainsi, le chercheur américain David Thomas
constate dans une étude publiée dans la revue Nutrition & Health
qu'à poids égal, un même morceau de viande apporte deux fois moins
de fer qu'auparavant. Autre dommage collatéral dénoncé par Philippe
Desbrosses : le lait "a perdu ses acides gras essentiels"
nécessaires à nos membranes cellulaires, notre système nerveux et
notre cerveau. Naturellement présents dans l’organisme en très
petite quantité, ils doivent pourtant obligatoirement nous être
apportés par l’alimentation.
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"Le champ de blé
aux corbeaux", de Vincent Van Gogh, qui l'a connu de bien meilleure
qualité... |
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Le calcium, victime collatérale des
"superproducteurs"
En connaissance de cause, il vous arrivait de manger du brocoli pour
garantir votre consommation ? Si vous aimiez réellement cet
excellent légume réjouissez-vous, car dorénavant vous devrez en
absorber quatre fois plus pour le même résultat. En effet, selon une
étude effectuée à l'Université du Texas, la teneur en calcium du
brocoli a chuté de 12,9 mg par gramme en 1950 à 4,4 mg en 2003, pour
en arriver à 3 mg et des poussières aujourd'hui… Quant à la teneur
en fer, qui faisait aussi la réputation de cet aliment, elle a été,
elle, divisée par 6. Une autre étude, effectuée par une équipe de
recherche canadienne, a constaté le même résultat sur 80% de 25
échantillons analysés.
Le bio, valeur-refuge ?
De multiples facteurs expliquent la décrépitude de la qualité de
notre alimentation. L'appauvrissement des sols provoqués par une
agriculture intensive, la cueillette de fruits avant maturation afin
de favoriser une plus longue conservation, divers traitements
(chimiques, par irradiation aux rayons gamma entre autres) plus
fréquents, des variétés sélectionnées pour la rapidité de leur
croissance et leur résistance aux parasites… tous éléments censés
favoriser un meilleur rendement ou un meilleur aspect du produit
fini, dans le déni total de la qualité. "Pour le maïs, le blé et
le soja, plus le rendement est important, plus le contenu en
protéines est faible", note Brian Halweil, dans son étude. Même
schéma pour les concentrations de vitamine C, d’antioxydants et de
bêtacarotène dans la tomate : plus les rendements augmentent, plus
la concentration de nutriments diminue.
A contrario, "l’agriculture biologique peut contribuer à inverser
la tendance", soutient Brian Halweil dans son étude. De fait, à
conditions climatiques équivalentes "les aliments de type bio
contiennent significativement plus de vitamine C, de fer, de
magnésium et de phosphore que les autres". Mais le chercheur met
pourtant en garde : "Si les agriculteurs bios développent un
système riche en intrants avec des rendements comparables aux
exploitations conventionnelles, le bio verra son avantage
nutritionnel s’éroder". De même, "si les produits bios sont
cueillis avant maturité, ils sont finalement moins riches en
nutriments que des produits mûrs de l’agriculture traditionnelle.
Seule stratégie pour remettre de la vie dans son assiette : choisir
des aliments mûrs, produits de manière non intensive et partir à la
chasse aux variétés oubliées". Tant qu'une éventuelle commission
d'"experts" ne les interdit pas par "principe de précaution"
(économique)…
Jean Etienne
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