27 février 2015

 

D'énormes quantités de poussière saharienne fertilisent la forêt amazonienne

 
Le désert du Sahara et la forêt amazonienne semblent régner sur des mondes séparés. Le premier est formé d'une vaste étendue de sable et de broussailles qui s'étend sur le tiers nord de l'Afrique, tandis que le second est une masse verte et dense de jungle humide, recouvrant le nord de l'Amérique du Sud. Et pourtant, ces mondes distants sont connectés : chaque année, des millions de tonnes de poussière saharienne riche en phosphore et autres nutriments traversent l'océan Atlantique, alimentant les sols épuisés de l'Amazone.

Pour la première fois, les scientifiques ont une estimation précise de la quantité de phosphore, vital pour la forêt amazonienne, qui entreprend ce voyage transatlantique. Un nouveau document, publié le 24 février 2015 dans la revue Geophysical Research Letters , en estime la masse à 22.000 tonnes par an, ce qui correspond sensiblement à la quantité et rejetée à la mer par la forêt amazonienne suite aux pluies et aux inondations.

Ces 22.000 tonnes de phosphore représentent seulement 0,08% des 27,7 millions de tonnes de poussière du Sahara qui se déposent en Amazonie chaque année. Cette découverte résulte d'un programme de recherches visant à mieux comprendre le rôle de la poussière dans l'environnement et ses effets sur le climat local et global.

"Nous savons que la poussière atmosphérique est très importante à bien des égards. Il s'agit d'une composante essentielle du fonctionnement de notre planète. La poussière présente dans l'atmosphère affecte le climat mondial, mais aussi, le réchauffement climatique a une incidence significative sur sa quantité", annonce l'auteur principal de la publication Hongbin Yu, un chercheur associé au Earth System Science Interdisciplinary Center (ESSIC), dépendant de l'Université du Maryland et du Centre spatial Goddard de la Nasa.

Dans le cadre de cette recherche, les scientifiques ont surtout collecté de la poussière transocéanique prélevée dans la dépression Bodélé, au Tchad (Sahara). Le lit de ce lac asséché contient d'importants dépôts de micro-organismes morts chargés de phosphore, qui entreprennent le voyage transocéanique au gré des vents depuis le Sahara, traversant l'océan Atlantique et aboutissant en Amérique du Sud. Les terres amazoniennes, qui ont épuisé leur phosphore et autres nutriments essentiels, reçoivent cette manne littéralement tombée du ciel et reconstituent ainsi leurs pertes.

Yu et ses collègues ont obtenu ces résultats sur la base des données fournies notamment par le satellite franco-américain Calipso (Infrared Pathfinder Satellite Observation) entre 2007 et 2013. L'équipe de scientifiques s'est particulièrement concentrée sur la poussière transportée depuis le Sahara à travers l'océan Atlantique vers l'Amérique du Sud, et même au-delà en direction de la Mer des Caraïbes, car il s'agit du plus important déplacement de poussière se produisant sur la planète.

Les scientifiques ont évalué la concentration de phosphore contenue dans la poussière saharienne par l'analyse comparative d'échantillons provenant de la dépression Bodélé (Sahara), et de stations situées à La Barbade (Caraïbes) et à Miami (Floride). Ils ont ensuite utilisé ces données pour calculer quelle quantité de phosphore se dépose dans le bassin de l'Amazone. Bien que cette étude, portant sur sept années d'observations, soit trop courte pour en tirer des conclusions sur les tendances à long terme, il s'agit d'une étape importante vers une meilleure compréhension sur la façon dont la poussière et d'autres particules transportées par le vent, y compris les aérosols, se comportent durant leur voyage transocéanique.

"Nous avons besoin d'accumuler de nombreuses mesures pour déterminer si ces données sont constantes et en étudier les variations", déclare Chip Trepte, un scientifique du projet Calipso.

D'année en année, la tendance est très variable. Une variation de 86% a été constatée entre la plus grande quantité de poussière transportée en 2007 et la plus faible, en 2011. Yu et ses collègues attribuent cette différence aux conditions climatiques dans le Sahel,cette longue bande de terres semi-arides situées à la frontière sud du Sahara. Ainsi, les années de fortes précipitations dans cette région sont généralement suivies d'un amoindrissement significatif du transport de la poussière durant l'année suivante.

Cette étude a fait l'objet d'une publication le 24 février 2015 dans Geophysical Research Letters.

Jean Etienne


Sources :

>>>  The Fertilizing Role of African Dust in the Amazon Rainforest: A First Multiyear Assessment Based on CALIPSO Lidar Observations (Computer, Mathematical, & Natural Sciences)

>>>  The Fertilizing Role of African Dust in the Amazon Rainforest: A First Multiyear Assessment Based on CALIPSO Lidar Observations (Abstract - Geophysical Research Letters)

>>>  NASA - Satellite Tracks Saharan Dust to Amazon in 3-D (Vidéo sur Youtube)

Calipso sur le site du CNES (fr)

Calipso sur le site de la Nasa (en)

 

 

 
Cette image conceptuelle représente la poussière du désert du Sahara traversant l'océan Atlantique vers la forêt amazonienne en Amérique du Sud. Conceptual Image Lab, NASA/Goddard Space Flight Center.
 
 
 

 
Alors que le satellite franco-américain CALIPSO trace son chemin à travers l'Atlantique, son instrument lidar envoie des impulsions qui rebondissent sur les particules de poussière en suspension dans l'atmosphère. Les propriétés optiques permettent de distinguer la poussière des autres particules. Conceptual Image Lab, NASA/Goddard Space Flight Center.
 

 

 
 
 

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