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Si les Homo sapiens et les
néandertaliens qui coexistaient encore en Europe il y a 70.000 ans
ont eu la curiosité d'observer le ciel, peut-être ont-ils aperçu une
étoile rouge aujourd'hui disparue, du moins à l'œil nu.
Toutes les étoiles qui peuplent notre galaxie décrivent un mouvement
de rotation autour du centre galactique. Néanmoins, celles-ci sont
aussi animées d'un mouvement propre résultant de leur histoire
respective. Pour cette raison, vitesse et direction d'étoiles
voisines peuvent être relativement différentes, les amenant
quelquefois à se rapprocher avant de s'éloigner, ou même d'entrer en
collision, ce dernier cas étant toutefois excessivement rare.
Fin 2013, l'astronome allemand Ralf-Dieter Scholtz, travaillant au
moyen du télescope spatial infrarouge Wize de la Nasa (Wide-Field
Infrared Survey Explorer, ou Explorateur pour l'étude grand
angle dans l'infrarouge), découvrait un système binaire à quelque 20
années-lumière de notre Terre. Baptisé WISE J072003.20-084651.2, ou
plus intimement WJ0720, ou encore étoile de Scholtz du nom de son
découvreur, celui-ci est composé de deux étoiles de petite taille.
La première est une naine rouge dont la masse est seulement de 8% de
celle de notre Soleil ou 82 fois la masse de Jupiter, tandis que la
seconde est une naine brune (c'est-à-dire dont les réactions
thermonucléaires ne se sont pas amorcées) de seulement 6% de la
masse du Soleil. L'ensemble est actuellement visible sous une
magnitude apparente de 18,3 dans la constellation de la Licorne.
Eric Mamajek de l’université de Rochester aux Etats-Unis et ses
collègues ont analysé vitesse et direction de WJ0720 et ont ainsi pu
retracer sa trajectoire au cours des derniers millénaires. Ils ont
déterminé que cette étoile binaire avait frôlé notre Système solaire
il y a 70.000 ans, au point de littéralement traverser le nuage
d'Oort, espèce de coquille formée de milliards de résidus divers
d'où proviennent la plupart des comètes, s'étendant de 0,5 à 1
année-lumière de notre Soleil.
A sa plus courte distance, WJ0720 s'est trouvée à 0,82
années-lumière (52.000 unités astronomiques) du Soleil, 5 fois plus
près que notre plus proche voisine actuelle, Proxima du Centaure
située à 4,2 années-lumière.
Mais pourquoi Eric Mamajek a-t-il soudainement décidé de
s'intéresser à WJ0720 ? Tout simplement parce qu'il a constaté, sur
les clichés en rayonnement infrarouge fournis par l'instrument WISE,
que sa vitesse tangentielle était étonnamment faible. Généralement,
la vitesse apparente d'une étoile sur la voûte du ciel est
inversement proportionnelle à sa distance. Un objet lointain
paraîtra pratiquement immobile, même si sa trajectoire traverse le
ciel, tandis qu'un objet proche paraîtra animé d'une vitesse
nettement supérieure. Considérant la faible distance de WJ0720, à 20
années-lumière, il n'y avait que deux possibilités: soit elle
fonçait droit sur nous, soit elle s'éloignait.
C'est par d'autres mesures sur la base du décalage Doppler,
effectuées à l'ESO par le Pr. Valentin Ivanov, coauteur de l'étude,
que la vitesse radiale de WJ0720 a pu être déterminée. Celle-ci
s'éloigne de nous à une vitesse de 20 unités astronomiques par an,
ou si l'on préfère, à 340.000 km/heure, ou 100 km/seconde. En
combinant vitesse radiale mesurée et direction de son mouvement
(obtenu par la combinaison des deux vitesses, radiale et
tangentielle), les astronomes sont constaté que WJ0720 était passé
très près du Soleil il y a très peu de temps à l’échelle
cosmologique, à peine 70.000 ans.
Avant cette découverte, le passage d’étoile le plus proche était
estimé être celui de l’étoile HIP 85605, qui avait croisé le Soleil
il y a 240.000 à 470.000 ans, mais seulement à environ 200
années-lumière.
Sources :
The closest known flyby of a star to the solar system
Eric E. Mamajek et al.
The Astrophysical Journal Letters, 800:L17, 2015 February 10
Neighbours hiding in the Galactic plane, a new M/L dwarf candidate
for the 8 pc sample
R.-D. Scholz
Astronomy & Astrophysics 561, A113 (2014) |
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