Le 10 janvier dernier, une fusée
Falcon-9 de la société Space-X décollait de Cap Canaveral,
propulsant le vaisseau de ravitaillement Dragon SpX-5 vers la
Station Spatiale Internationale. Si cette partie de la mission fut
un succès complet avec un amarrage réussi au module Harmony trois
heures plus tard, l'évènement le plus attendu pour les techniciens
était bien la première tentative de récupération d'un étage de
lanceur revenant se poser de façon entièrement autonome.
Le premier étage de Falcon-9 est équipé de 9 moteurs Merlin 1D
fournissant une poussée totale de 5880 kN (600 tonnes), soit 650 kN
(66,28 tonnes) de poussée unitaire dans le vide. Après 160 secondes
de vol, ceux-ci sont stoppés à 80 kilomètres d'altitude et l'étage
est éloigné au moyen de jets de gaz froid afin de ne pas être
endommagé par le flux du moteur du second étage de la fusée. Il
poursuit alors une trajectoire balistique l'emmenant à 140
kilomètres d'altitude puis, une demi-minute plus tard, trois de ses
neuf moteurs sont remis brièvement en route afin d'inscrire
l'ensemble sur une trajectoire de retour.
Lorsque l'engin pénètre à nouveau dans les couches denses de
l'atmosphère, quatre stabilisateurs formés de panneaux ajourés se
déploient au sommet de l'étage afin de le stabiliser en position
verticale et améliorer la précision de la trajectoire en direction
de la cible.
La base d'atterrissage
Cette cible consiste en une barge baptisée Marmac 300, nom de code
ASDS (Autonomous Spaceport Drone Ship), comportant une zone
d'atterrissage de 90 x 50 mètres. Il va sans dire que rejoindre une
surface aussi exigüe constitue en soi un exploit, la précision
attendue lors de récupérations en mer étant habituellement de
l'ordre de 10 kilomètres. Celle-ci est positionnée par 31° nord et
78° ouest, soit à une distance de 320 kilomètres de Cap Canaveral,
et à 150 kilomètres des côtes de Géorgie. Après sa mise en place,
elle est ensuite évacuée par l'ensemble du personnel pour des
raisons évidentes de sécurité.
Le processus de récupération
4 minutes et 30 secondes après la séparation, alors que l'étage
chute à vitesse supersonique, les trois moteurs sont de nouveau
allumés durant 21 secondes, puis le système de guidage automatique
par GPS est activé tandis que le dispositif d'autodestruction est
désamorcé. A ce moment, il ne reste qu'un peu moins de deux minutes
avant la prise de contact avec le "sol".
Si la phase finale de la descente semble s'être parfaitement
déroulée, un incident a ruiné la tentative de récupération. L'étage
a correctement été freiné par réallumage des trois moteurs de façon
à se poser à une vitesse n'excédant pas 6 mètres par seconde, et les
béquilles d'atterrissage en douceur se sont bien déployées environ
10 secondes avant l'instant prévu pour le contact. Cependant, le
système hydraulique alimentant le système de stabilisation s'est
retrouvé à court de fluide durant la dernière phase de la descente,
et l'étage, déséquilibré, a bien touché la plate-forme à l'endroit
prévu, mais en formant un angle d'environ 28° par rapport à la
verticale, ce qui a entraîné son basculement. Le réservoir de
carburant s'est alors déchiré sous l'impact, mais son explosion,
alors qu'il ne contenait plus qu'environ 350 kg de propergol, n'a
entraîné que des dégâts limités à la barge. Elle a toutefois eu un
effet bénéfique en propulsant l'étage en feu à la mer, évitant ainsi
un incendie qui aurait pu être dévastateur.
Selon Elon Musk, directeur de Space-X, le succès tenait à environ
10% de fluide hydraulique en plus. Lors du prochain essai, la
quantité prévue sera augmentée de 50%, ce qui représente une
confortable marge de sécurité.
L'échec de la récupération étant indépendant de tout défaut de
conception, une nouvelle tentative aura lieu lors du lancement,
prévu actuellement pour le 1er février, du satellite DSCOVR (Deep
Space Climate Observatory) pour le compte de la NOAA (National
Oceanic & Atmospheric Administration). Après une phase
d'expérimentation comportant plusieurs récupérations réussies sur
une barge en pleine mer, Space-X utilisera un site d'atterrissage
situé sur un ancien complexe de lancement de Cap Canaveral, avec
pour objectif d'effectuer douze récupérations d'étage Falcon par an,
puis de les reconditionner et les réutiliser, réduisant ainsi
sensiblement le coût de l'accès à l'Espace.
Jean Etienne
Voir la vidéo de
l'atterrissage (crédit Space-X).
La
Falcon-9
sur le site de Space-X.
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