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Des chercheurs de l'Université de
Montréal viennent récemment de découvrir, sur un site archéologique
français, un outil en os à usages multiples datant de l'époque
néandertalienne, ce qui vient participer à la remise en question de
la vision linéaire de l'évolution du comportement humain.
"C'est la première fois qu'un outil
en os à usages multiples datant de cette période est découvert. Cela
vient prouver que les Néandertaliens étaient en mesure de comprendre
les propriétés mécaniques de l'os et savaient les exploiter pour
fabriquer des outils, des capacités habituellement réservées à notre
espèce, Homo sapiens", révèle Luc Doyon, chercheur au
Département d'anthropologie de l'Université de Montréal, qui a
participé aux fouilles archéologiques. L'homme de Néandertal, ou
Néandertalien, a vécu en Europe et en Asie occidentale au
Paléolithique moyen, entre environ 250.000 et 28.000 ans avant le
présent. Homo sapiens est considéré comme étant l'homme moderne, il
est le représentant direct de notre espèce. |
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Origine
anatomique de l'outil. Crédit : Société Préhistorique
Française. |
La production d'outils en os par les
Néandertaliens est sujette à débat. Pendant la majeure partie du XXe
siècle, les préhistoriens furent réticents à reconnaître à cette
espèce la capacité d'intégrer ce type de matière première dans son
répertoire technologique. Par la suite, des doutes furent émis quant
à sa capacité à maîtriser un ensemble de techniques propres au
travail des matériaux osseux. Cependant, au cours des deux dernières
décennies, de nombreux indices ont corroboré l'utilisation des
matières dures d'origine animale dans le cadre d'activités
techniques par les Néandertaliens. "Notre découverte est un
témoin supplémentaire du travail de l'os par l'homme de Néandertal
et participe au mouvement de remise en question de cette vision
linéaire de l'évolution du comportement humain", explique Luc
Doyon.
L'outil dont il est question a été mis au jour en juin 2014 lors des
fouilles annuelles de la grotte du Bison, localisée à Arcy-sur-Cure,
en Bourgogne, en France. Présentant un excellent état de
conservation, il provient d'un fémur gauche de renne adulte et son
âge est estimé entre 55 et 60.000 ans avant le présent.
L'observation des traces présentes sur l'outil nous permet de
retracer son parcours de vie. Néanderthal ne chassait pas ses proies
pour exploiter a priori l'os à des fins technologiques; la chasse
visait d'abord l'approvisionnement en viande et en moelle, des
ressources riches sur le plan énergétique. Ainsi, on observe sur
l'outil des traces de dépeçage et des indices de fracturation de
l'os pour l'extraction de la moelle. Des stigmates d'arrachement
suggèrent l'utilisation du fragment osseux pour le réaffûtage des
outils en pierre taillée. Finalement, des négatifs d'enlèvement et
un important poli témoignent de la transformation et de
l'utilisation de l'os en racloir.
"La présence de cet outil dans un contexte où l'industrie en
pierre taillée abonde laisse croire à un choix opportuniste et à une
modification intentionnelle du support par les Néandertaliens,
affirme Luc Doyon. On a longtemps pensé qu'avant Homo sapiens, les
espèces n'avaient pas les capacités cognitives nécessaires pour la
production de ce type outil. Cette découverte réduit l'écart
pressenti entre les deux espèces et nous empêche donc d'affirmer la
supériorité technique de l'une sur l'autre".
À propos de cette étude :
Luc Doyon, Geneviève Pothier Bouchard et Maurice Hardy ont publié,
le 15 décembre 2014, l'article "Un outil en os à usages multiples
dans un contexte moustérien", dans le Bulletin de la
Société
préhistorique française. M. Doyon et Mme Pothier Bouchard sont
affiliés au Département d'anthropologie de l'Université de Montréal.
M. Hardy, qui a dirigé les fouilles archéologiques à la grotte du
Bison, est affilié à l'Université Paris X - Nanterre.
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