Bien qu'il soit difficile de confirmer
en toute certitude un lien de causalité entre la consommation de
cannabis et des troubles psychiatriques ou addictifs ultérieurs, les
chercheurs notent que des expériences sur des rats permettent aux
scientifiques d'explorer et d'observer directement les mêmes
réactions chimiques que dans le cerveau humain. Le cannabis agit sur
notre cerveau par des récepteurs chimiques (récepteurs cannabinoïdes
comme les récepteurs CB1 et CB2). Ces récepteurs sont situés dans
les zones du cerveau associées à l'apprentissage, la recherche de
récompenses, la motivation, la prise de décision, l'acquisition
d'habitudes et les fonctions motrices.
Comme la structure du cerveau change
rapidement pendant l'adolescence (avant de se stabiliser à l'âge
adulte), les scientifiques croient que la consommation de cannabis à
cet âge influe grandement sur l'évolution de ces aspects de la
personnalité. Dans des expériences sur des rats adolescents exposés
à des substances présentes dans le cannabis, les scientifiques ont
pu observer des différences dans les voies chimiques qui déterminent
l'accoutumance et la vulnérabilité à la toxicomanie; un exemple est
le récepteur de dopamine D2, qui est bien reconnu comme étant
différent dans le cerveau des individus souffrant de dépendance.
Environ un consommateur de cannabis sur quatre à l'adolescence
développe une relation d'abus ou de dépendance avec cette drogue; ce
constat amène les chercheurs à conclure que des facteurs de
vulnérabilité génétiques et comportementaux sont en cause. Des
études montrent que la dépendance au cannabis peut être héritée par
les gènes qui produisent les récepteurs de cannabinoïdes et une
enzyme qui participe à la métabolisation du THC.
D'autres facteurs psychologiques sont
aussi probablement en jeu. "Les individus qui développent une
dépendance au cannabis ont généralement, dès leur jeune âge, un
tempérament caractérisé par des affects négatifs, de l'agressivité
et de l'impulsivité. Certains de ces traits sont souvent exacerbés
par des années de consommation de cannabis, ce qui laisse penser que
le consommateur se retrouve piégé dans un cercle vicieux
d'automédication, qui tourne ensuite à la dépendance", explique
le Dr Jutras-Aswad.
Les chercheurs soulignent que bien qu'il reste encore beaucoup à
apprendre sur les mécanismes de l'abus de cannabis, l'ensemble des
recherches à ce jour présente des implications importantes pour la
société. "Il est maintenant clair, selon les données
scientifiques, que le cannabis est très loin d'être inoffensif pour
le cerveau des adolescents, surtout ceux qui sont le plus
vulnérables pour des raisons génétiques ou psychologiques. Le
dépistage de ces adolescents vulnérables, notamment par des tests
génétiques ou psychologiques, pourrait s'avérer critique pour
prévenir l'accoutumance et pour intervenir de façon précoce pour
traiter les troubles psychiatriques associés à la consommation de
cannabis. L'objectif n'est pas d'exacerber le débat autour de la
question de savoir si le cannabis est bon ou mauvais, mais plutôt de
repérer les individus qui pourraient le plus souffrir de ses effets
nuisibles et de mettre en place des mesures adéquates pour prévenir
ce risque", indique le Dr Jutras-Aswad. "Les travaux de
recherche devraient viser à informer les décideurs publics dans ce
dossier.
Sans ce genre de recherche
systématique et fondée sur des données probantes pour comprendre les
effets à long terme du cannabis sur le développement du cerveau,
non seulement le statut juridique du cannabis reposera sur des bases
incertaines, mais il sera difficile de développer de façon
sécuritaire de nouveaux traitements utilisant les propriétés
médicinales de composés tirés du cannabis pour le traitement
d'autres problèmes de santé", conclut le Dr Hurd.
Liste des
affections associées à la consommation de cannabis (ou marijuana)
Les effets immédiats :
- L'euphorie, agitation
- Mauvaise coordination lors de
l’accomplissement de tâches complexes
- Modification de la perception du
temps
- Ralentissement la pensée
logique, difficultés de concentration, défaillance de la mémoire
- Fluctuations de l'appétit
- Etourdissements, ressemblent à
une légère ivresse
- Sensation de plaisir, de bien
être, de détente, de calme, relaxée, volubile;
- Un sentiment de somnolence
- Difficultés de concentration
- Mémoire à court terme altérée
- Temps d'attention réduit
- Augmentation des sens de
l'acuité visuelle avec des couleurs plus brillantes
- Augmentation des sens de
l'audition et les sons plus distincts
- Certaines personnes se replient
sur elles-mêmes ou sont en proie à un sentiment de crainte,
d'angoisse et/ou de dépression.
Effets secondaires (long terme) :
- Proie à la paranoïa, à la
panique et une méfiance excessive peut se manifester
- Dilatation de la pupille,
rougeur des yeux
- Distorsion visuelle
- Une sécheresse de la bouche et
de la gorge
- Altération de la coordination et
du sens de l'équilibre
- Problèmes pulmonaires
- Augmentation des pulsations
cardiaques
- Changements hormonaux
Le professeur Didier Jutras-Aswad,
M.D., est affilié au Département de psychiatrie de l'Université de
Montréal et au Centre de recherche du Centre hospitalier de
l'Université de Montréal (CHUM). Le professeur Yasmin L. Hurd, M.D.
Ph. D., est affilié au Département de psychiatrie et de
neurosciences de l'école de médecine Icahn au centre médical Mount
Sinai. Leur étude, intitulée « Trajectory of Adolescent Cannabis Use
on Addiction Vulnerability » (trajectoire de la consommation de
cannabis par les adolescents selon la vulnérabilité à
l'accoutumance) sera publiée dans la revue Neuropharmacology et a
été financée par le National Institute on Drug Abuse des États-Unis.
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