Comment les lucioles produisent-elles
de la lumière ? Grâce à des techniques d’imagerie de pointe, des
scientifiques suisses et taïwanais lèvent enfin le voile sur ce
mystère.
La famille des lucioles regroupe plus de 2000 espèces connues
appartenant à l'ordre des coléoptères. Chez la plupart des espèces,
la femelle est incapable de voler, d'où le surnom de "ver luisant",
une appellation méritée par leur faculté d'émettre une lumière vive
jaune à verdâtre, dans une longueur d'onde de 510 à 670 nanomètres.
Chez les mâles, cette émission lumineuse est produite par le dernier
segment de l'abdomen, alors que les femelles émettent aussi par la
face ventrale des deux avant-derniers segments et sont de ce fait
beaucoup plus lumineuses. Même leurs œufs brillent dans l'obscurité.
Les lucioles ont recours à de rapides flashs lumineux pour
communiquer.
En 1887 déjà, le biologiste Raphaël Dubois (1849-1929, pharmacien,
docteur en médecine, docteur ès sciences) avait déterminé que la
réaction était due à une enzyme, la luciférase, agissant sur un
substrat, la luciférine, avec nécessité de présence de dioxygène. Il
a été démontré que ce sont des molécules d'oxyde nitrique émises par
l'organisme qui contrôlent l'interruption du signal lumineux à un
rythme clignotant propre à chaque espèce et que certaines espèces
clignotent en groupe, ce qui permet aux mâles de mieux les détecter
et de trouver une partenaire de leur espèce.
Cependant si le rôle joué par l'oxygène était incontestable, la
façon dont les lucioles l’acheminent vers leurs cellules émettrices
restait obscure. Or, grâce à des techniques d’imagerie novatrices,
des chercheurs suisses et taïwanais viennent de découvrir comment
ces coléoptères contrôlent la distribution d’oxygène pour allumer
leurs cellules. Leur étude est publiée dans Physical Review Letters.
Nouvel éclairage sur la lanterne des
lucioles
L’organe émetteur de lumière, appelé "lanterne", se situe dans
l’abdomen des lucioles. Il ressemble à une série de tubes devenant
de plus en plus fins, à l’image des branches d’un arbre se terminant
en brindilles. Ce réseau de tubes a pour fonction de fournir de
l’oxygène aux cellules de la lanterne, qui renferment de la
luciférase. Il s’agit d’un mécanisme complexe, qui a rendu toute
étude approfondie très difficile, et par là même sa reproduction
pour des utilisations dans la vie pratique.
Pour cartographier la manière dont l’oxygène est acheminé vers les
cellules lumineuses, Giorgio Margaritondo de l’EPFL, Yeukuang Hwu de
l’Academia Sinica et leurs collègues de l’Université nationale Tsing
Hua de Taïwan ont utilisé deux techniques d’imagerie sophistiquées.
Ces technologies - la microtomographie synchrotron à contraste de
phase et la microscopie par transmission de rayons X - permettent en
effet de scanner une cellule simple, et même de dévoiler ce qu’elle
contient.
En travaillant sur des lucioles vivantes, les scientifiques ont,
pour la première fois, pu observer la structure complète de la
lanterne, et proposer une évaluation quantitative de la distribution
d’oxygène.
L’imagerie a ainsi montré que les lucioles détournent l’oxygène
d’autres fonctions cellulaires et l’utilisent pour diviser la
luciférine. Plus précisément, la consommation d’oxygène diminue à
l’intérieur de la cellule, ce qui réduit la production d’énergie et
met l’accent sur l’émission lumineuse.
Grâce au recours à des techniques novatrices, cette étude est la
première à lever le voile sur la structure complète de la lanterne.
Elle démontre également clairement comment cet organe est conçu pour
la production de lumière. Giorgio Margaritondo relève une autre
innovation: «Les technologies employées ont un avantage sur les
rayons x conventionnels, qui peinent à différencier les tissus mous.
Notre approche, basée sur les variations d’intensité lumineuse
(contraste de phase) plutôt que sur l’absorption de lumière (rayons
x usuels), nous a permis d’offrir une imagerie haute résolution de
la fragile lanterne des lucioles.»
Cette étude est le résultat d’une collaboration entre l’EPFL et
divers instituts taïwanais de l’Academia Sinica, l’Université
nationale Tsing Hua, l’Institut de recherche des espèces endémiques,
l’Université nationale de Taïwan et l’Université Cheng Kung.
Sources :
Physical Review Letters
Infoscience
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